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la crainte de la mort suivie de l'éternité. Heureux ceux qui se jettent tête baissée et les yeux fermés entre les bras du Père des miséricordes et du Dieu de toute consolation, pour parler comme saint Paul'! Ceux-là, bien loin de craindre de voir trop clair, ne craignent rien tant que de ne voir pas assez ce que Dieu demande. Sitôt qu'ils découvrent une nouvelle lumière dans la loi de Dieu, ils sont transportés de joie, dit l'Écriture, comme un avare qui trouve un trésor.

Pour l'article des choses qu'on peut lire et pour celui de l'emploi du temps, je vous promets, monsieur, une prompte réponse; mais je vous ai déja dit que cette lettre est trop longue, et vous voyez bien que depuis que je vous l'ai dit, je l'ai encore beaucoup alongée.

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J'apprends, monsieur, que vous souffrez, et que Dieu vous met à une très rude épreuve par la longueur de vos maux. Si je me laissois aller à mon cœur, j'en serois véritablement affligé; mais je conçois que Dien vous aime en vous frappant, et je suis persuadé que vos maux seront dans la suite de très grands biens. Il vous impose une pénitence que vous n'auriez jamais pu vous résoudre à faire, et qui est pourtant ce que vous devez à sa justice pour l'expiation de vos péchés. Il vous arrache ce que vous auriez eu bien de la peine à lui donner. En vous l'arrachant, il vous ôte la gloire de le lui sacrifier; en sorte que vous ne pouvez vous faire honneur de ce sacrifice. Ainsi, il vous humilie en vous instruisant. D'ailleurs, il vous tient dans un état d'impuissance qui renverse tous les projets de votre ambition. Toutes ces hautes pensées dont vous aviez nourri votre cœur depuis si long-temps s'évanouissent. Votre sagesse est confondue. Par-là, Dieu vous force de vous tourner entièrement vers lui. Il étoit jaloux d'un voyage où la gloire mondaine auroit occupé tous vos desirs, et où vous auriez été en proie aux plus violentes passions. En vérité, monsieur, je crois qu'en rompant ce voyage, non-seulement il préserve votre ame d'un grand danger, mais encore il épargne à votre corps une agitation mortelle. Il veut que vous viviez, et que vous viviez à lui seul. Pour vous faire entrer dans cette vie, il vous fait passer

II Cor., 1, 3, › P's. CXVII, 162.

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Vous demandez, monsieur, quelque motif de confiance dans vos maux : mais ne voyez-vous pas que vos maux sont eux-mêmes la plus sensible preuve des bontés de Dieu, qui doivent ranimer votre confiance? Quel bonheur de faire une pénitence que vous n'avez point choisie, et que Dieu vous impose lui-même ! Non-seulement elle sert àexpier le passé, mais encore elle est un contre-poison pour l'avenir. Elle vous arrache aux grands desseins d'ambition, que vous n'auriez jamais eu le courage de sacrifier à Dieu; elle vous tient entre la vie et la mort, entre les plus grandes affaires et l'inutilité à tout; elle vous met aux portes de la mort, et vous en retire après vous avoir montré de si près l'horrible gouffre qui engloutit tout ce que le monde admire le plus. Dieu vous renverse, comme il renversa saint Paul aux portes de Damas, et il vous dit au fond du cœur : Il vous est dur de regimber contre l'aiguillon. Pourquoi me persécutez-vous? Après cela, monsieur, douterez-vous qu'il ne vous aime? S'il ne vous aimoit, pourquoi ne vous auroit-il pas abandonné aux desirs de votre cœur? pourquoi vous auroit-il poursuivi pendant que vous le fuyiez avec tant de dureté et d'ingratitude ? Aviez-vous mérité cette longue patience, et ces retours de grace tant de fois méprisée? Vous aviez éteint en vous l'esprit de grace; vous aviez fait injure à cet esprit de vérité; vous aviez foulé à vos pieds le sang de l'alliance; vous étiez enfant de colère: et Dieu ne s'est point lassé; il vous a aimé malgré vous. Vous vouliez périr, et il ne vouloit pas que vous périssiez. Il a ressuscité sa grace en vous. Vous l'aimez, ou du moins vous desirez de l'aimer; vous craignez de ne l'aimer pas; vous avez horreur de vous-même à la vue de vos péchés et des bontés de Dieu. Croyez-vous qu'on puisse, sans être aidé par l'esprit de Dieu, desirer de l'aimer, craindre de ne l'aimer pas, avoir horreur de soi et de sa corruption? Non, non, monsieur, il

17. AU MÈME.

Il lui envoie quelques sujets de méditation', et lui apprend à sanctifier ses souffrances.

Mercredi 26 juillet 1690,

Je vous envoie, monsieur, sept différents sujets : il y en a un qui est traité deux fois, à cause de son importance. Quand vous aurez fait l'essai, vous verrez si cette manière vous convient, et si vous avez quelque changement à y desirer. Plus je pense à vous, monsieur (ce qui m'arrive très souvent), plus je suis convaincu que ce n'est pas sans un grand dessein que Dieu vous presse d'avancer vers lui. Vous n'aurez ni repos ni consolation jusqu'à ce que vous ne teniez plus à rien, et que vous soyez tout entier sans réserve à celui pour qui tout n'est pas trop. Alors viendront la paix et la joie du SaintEsprit, avec la santé et les forces pour accomplir les desseins de Dieu. Vous pouvez le glorifier beaucoup; c'est pour cela qu'il vous comble de miséricordes mais il veut un cœur grand et généreux, qui mette toute sa consolation à réparer ses péchés et ses scandales par une conduite forte et abandonnée à la grace. Je prie notre Seigneur qu'il s'empare de vous malgré vous, qu'il mette le feu aux quatre coins et au milieu de votre cœur.

n'y a que Dieu qui fasse ces grands changements | fierez à lui, plus vous l'engagerez à prendre soin dans une ame aussi égarée et aussi endurcie qu'é- de vous. Je le prie de tout mon cœur de vous faire toit la vôtre; et quand Dieu les fait, on ne peut sentir la paix et la consolation qu'il y a à espérer en douter qu'il n'aime cette ame d'un amour infini. lui seul. Il voit mieux que vous la lèpre dont vous étiez couvert c'est la multitude de vos plaies horribles qui, loin de le rebuter, a attiré sa compassion sur vous. Eh! que faut-il à la souveraine miséricorde, sinon une extrême misère sur laquelle elle puisse se glorifier? O que vous êtes un objet propre aux bontés de Dieu! elles paroissent en vous plus que dans un autre. Un autre pourroit s'imaginer que sa régularité de mœurs lui auroit attiré quelque grace. Mais vous, monsieur, qu'avez-vous fait à Dieu, sinon l'offenser, et l'offenser par des rechutes scandaleuses? Que vous doit-il? rien que l'enfer, mais l'enfer bien plus rigoureux qu'à un autre. Vous êtes donc celui à qui il se plaît de donner; car il vous doit moins qu'à tout autre. Sa grace paroît plus pure grace en vous; et c'est à la louange de sa grace qu'il comble de miséricordes cet abîme de misère et de corruption, Vous pouvez donc, monsieur, dire comme saint Paul': Dieu m'a formé exprès comme un modèle de sa patience, pour ranimer la confiance de tous les pécheurs qui seroient tentés de tomber dans le désespoir. O hommes qui avez comblé, ce semble, toute mesure d'iniquités, regardez-moi, et ne désespérez jamais des bontés du Père céleste. Il n'y a qu'un seul crime indigne de cette miséricorde, c'est de s'endurcir contre elle, et de ne la vouloir point espérer. Il est vrai que vous ne devez plus compter sur vous-même, ni vous promettre rien ou de vos talents ou de votre courage. Tout vous manquera du côté de vous-même; et vous serez confondu par la malédiction de Jérémie 2, si vous vous appuyez sur les bras de la chair: mais autant que vous sentirez votre impuissance, autant devezvous ouvrir votre cœur à la force toute puissante de celui qui vous dit: Ne craignez rien; je suis avec vous3. Il changera tous les maux en biens. La maladie du corps sera la guérison de l'ame. Vous bénirez Dieu avec consolation, de vous avoir frappé de tant de plaies au-dehors, pour guérir ces autres plaies profondes et mortelles que l'orgueil et la mollesse avoient faites dans votre cœur. Vous verrez cette conduite secrète de miséricorde se développer peu à peu sur vous. Que tardez-vous, monsieur, à rendre gloire à Dieu, en vous livrant

à lui sans condition et sans réserve? Plus vous vous

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18. AU DUC DE NOAILLES.

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Il le remercie de sa bonne volonté pour le chevalier de Fénelon, et lui annonce la détermination où il est de ne jamais demander aucune grace au roi, ni pour lui ni pour les siens.

A Versailles, 12 octobre 1699.

On ne peut, monsieur, vous être plus sensiblement obligé que je le suis des bontés que vous me témoignez pour mon frère. Quand j'ai pris la liberté de vous proposer une charge d'exempt, c'est sur ce qu'il m'a mandé qu'il croyoit que vous ne seriez pas éloigné de lui accorder cette grace : je n'ai pas même voulu vous la demander, et je me suis contenté de vous supplier de juger vous-même ce qui pourroit lui convenir. Si la chose eût dépendu uniquement de vous, j'aurois laissé agir votre volon

Il s'agit ici vraisemblablement de quelques unes des Méditations de l'Écriture sainte, parmi lesquelles en effet plusieurs sont sur le même texte.

té; mais puisqu'il faut aller jusqu'au roi, je ne pense plus à cette affaire. Vous n'aurez pas de peine à comprendre que je suis venu à la cour pour n'y avoir jamais aucune prétention ni pour moi ni pour les miens. Le peu de considération que j'ai n'est fondé que sur la persuasion où l'on est que je veux y vivre sans intérêt. Il est juste de travailler à remplir cette attente, et à donner l'édification qu'on desire. Si j'avois d'autres vues moins pures, je me flatte que vous auriez la charité de m'encourager à résister à la chair et au sang. D'une démarche, on passe insensiblement à une autre; plus on donne à ses proches, plus ils prennent un titre de ce qu'on leur a accordé, pour engager plus avant. Le plus sûr est de tenir ferme contre les moindres démarches. Si je parlois à une autre personne moins disposée que vous, monsieur, à entrer dans les sentiments de mon ministère, je serois plus embarrassé à rendre compte de ce qui m'empêche d'agir. Si, au défaut de cet emploi, vous pouvez en procurer quelqu'un à mon frère dans les troupes, je recevrai cette grace avec toute la reconnoissance possible, puisque vous ne le jugez pas indigne de votre protection. Quoique je sois réservé, et que je veuille être désintéressé pour mes proches, je ne suis pourtant pas dur à leur égard. Je vous demande donc, monsieur, avec une pleine confiance, tout ce que vous pourrez sans embarras, et je vous supplie très humblement de ne songer à aucune des choses qui pourroient vous embarrasser.

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Tout ce que j'ai à vous dire, madame, se réduit à un seul point, qui est que vous devez demeurer en paix avec une pleine confiance, puisque vous avez sacrifié votre volonté à celle de Dieu, et qu'on vous a déterminée. La vocation ne se manifeste pas moins par la décision d'autrui que par notre propre attrait. Quand Dieu ne donne rien au-dedans pour attirer, il donne au-dehors une autorité qui décide. De plus, il n'est pas vrai que vous n'ayez eu aucun attrait intérieur, car vous avez senti celui de consulter et de vous soumettre. Suivez-le donc sans hésiter, et sans regarder jamais derrière vous. Si vous doutiez encore, il ne vous resteroit plus de moyen de vous assurer ni de suivre un chemin réglé vous passeriez votre vie dans une irrésolution pénible, qui vous éloigneroit égale

et

ment et du repos et de Dieu même. Supposez, par docilité et par soumission, que les gens qui ont décidé n'ont rien fait avec précipitation ni témérairement. Vous avez assemblé un assez grand nombre de gens expérimentés, pleins de bonnes intentions, exempts de toute vue mondaine dans le conseil qu'ils vous ont donné, instruits des règles de leur profession, et appliqués à vous connoître. Après cet examen, vous voilà pleinement déchargée devant Dieu. Il ne prétend pas que vous en sachiez plus que tous ces gens-là ensemble, ni que vous soyez toujours dans une incertitude qui vous empêcheroit de travailler; il suffit que vous ayez pris, pour connoître sa volonté, les gens que vous avez crus les plus propres à vous la montrer, que vous lui sacrifiiez la vôtre sans réserve. Dieu ne permettra pas que ce sacrifice, fait avec une intention pure, vous nuise. Ne craignez ni le repentir de votre engagement, ni la tristesse, ni l'ennui. Quand même vous auriez de ce côté-là quelque chose à souffrir, il faudroit porter courageusement cette croix pour l'amour de Dieu. Il y a partout à souffrir; et les peines d'une communauté, quoique vives, si on les comparoit aux peines des personnes engagées dans le siècle, ne seroient presque rien. Mais on s'échauffe la tête dans la solitude, et les croix de paille y deviennent des croix de fer ou de plomb. Le remède à un si grand mal, c'est de ne compter point de pouvoir être heureux en aucun état de cette vie, et de se borner à la paix qui vient de la conformité à la volonté de Dieu, lors même qu'elle nous crucifie: par-là, on ne trouve jamais de mécompte ; et si la nature n'est pas contente, du moins la foi se soutient et s'endurcit contre la nature. Si vous avez le courage de vous abandonner ainsi, et de sacrifier vos irrésolutions, vous aurez plus de paix en un jour que vous n'en goûteriez autrement en toute votre vie; moins on se cherche, plus on trouve en Dieu tout ce qu'on a bien voulu perdre. Une occupation douce et réglée vous garantira de l'ennui. Dieu vous adoucira les dégoûts inévitables dans tous ces états: il vous fera supporter les esprits incommodes, et vous soutiendra par luimême, quand il vous ôtera les autres soutiens. Mais ne comptez que sur lui, si vous ne voulez point vous mécompter. Pendant votre retraite, nourrissez-vous de la viande de Jésus-Christ, qui est la volonté du Père céleste; vous trouverez, en vous abandonnant aux desseins de Dieu, tout ce

'C'étoient l'évêque de Chartres, et les abbés de Fénelon, Gobelin, Brisacier, Tiberge, qui avoient décidé de la vocation de madame de La Maison fort pour Saint-Cyr.

que votre sagesse inquiète et irrésolue ne trouve- | conséquent le plus intéressé à soutenir le nom. Je roit jamais. Ne craignez point de manquer de consolation, en vous jetant entre les bras du vrai consolateur je le prie, madame, de remplir votre

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A Versailles, 19 décembre (1690).

Vous aurez déja su, ma très honorée cousine, que nous avons perdu madame de Langeron. Après plusieurs rechutes, contre lesquelles elle ne s'est jamais assez précautionnée, enfin elle est morte plus promptement qu'on ne l'auroit cru. Je m'imagine qu'on vous demandera une procuration, parce qu'elle vous avoit nommée exécutrice de son testament. Elle m'avoit nommé aussi, et j'ai donné ma procuration au neveu de M. de Gourville. Cette mort a donné à M. le prince et à madame la princesse une vue sur laquelle je vous demande une prompte réponse et un grand secret. Ils vous estiment; ils vous desirent pour dame d'honneur, et je crois qu'ils n'oublieroient rien pour vous donner dans cette place tous les agréments et toutes les marques de confiance qui dépendroient d'eux. Je puis même vous dire simplement que M. le prince vous feroit infiniment mieux qu'à tout autre, parce qu'il croit que je suis fort bien ici. A tout cela, je comprends que vous répondrez que cette place n'est pas trop honorable pour le nom de Laval que vous ne voulez pas avilir, et que vous craignez de nuire à M. votre fils auprès du roi, en vous attachant à la maison de M. le prince. Voici ma réponse à ces deux difficultés. Pour le roi, j'ai commencé par m'adresser à lui en secret; je lui ai expliqué l'embarras de vos affaires, et j'ai ajouté que rien ne pourroit vous obliger à prendre cet attachement, si M. votre fils étoit dans un âge plus avancé : mais vous ne pouvez rien faire pour son service, et M. votre fils sera élevé dans la pensée de n'être jamais qu'à lui seul. Il a conclu que vous feriez très bien d'accepter, et il a agréé que j'entrasse dans cette affaire pour l'avancer. Ainsi voilà la première difficulté entièrement levée. Venons à la seconde. J'ai consulté M. de Luxembourg, comme le chef de la maison de M. votre fils, et par

Henri-Jules de Bourbon, fils du grand Condé, et Anne de Bavière sa femme, fille de la célèbre Anne de Gonzague, princesse palatine.

lui ai dit combien je croyois que vous auriez de délicatesse pour ne rien faire qui rabaissât la maison où vous êtes entrée. Il m'a répondu que la parenté avec M. le prince, et l'amitié ancienne de madame la princesse pour vous levoient les difficultés; que vous seriez sur le pied d'amie et de parente, autant que de dame d'honneur; que vous auriez des appointements bien payés, un logement, une table, avec toutes les commodités que vous connoissez, et une protection fort utile dans vos affaires, à la tête desquelles Gourville paroîtroit de la part de M. le prince. Il ajouta que vous ne rabaisseriez point la naissance de M. votre fils par cet engagement; et qu'au contraire le principal honneur que vous puissiez lui faire étoit de vous mettre au large, pour lui préparer plus de bien. Je lui dis que madame de Roquelaure pourroit bien se déchaîner contre cette affaire. Il me répondit que, quand on la divulgueroit, il se déclareroit, et prieroit M. de Roquelaure de retenir madame sa femme'. J'oubliois de vous dire que j'ai fait entendre au roi que vous compteriez sur les honneurs du carrosse et de la table, comme sur des choses non-seulement dues au nom de Laval, mais encore convenables à votre naissance. Vous savez que je les ai chez M. le duc de Bourgogne : ainsi cela ne souffre aucune difficulté. Vous connoissez mieux que personne les commodités de l'hôtel de Condé. Mesdemoiselles de Langeron vous desirent passionnément. Vous comprenez bien la joie que j'aurai, si cela vous rapproche de nous, et me met à portée de vous voir souvent. Enfin vous savez combien on est libre avec madame la princesse, et que vous ne serez point assujettie à des choses qui poussent trop loin votre foible santé. Au contraire, je compte que vous pourrez trouver dans vaises affaires, et un repos très doux pour l'esprit cette maison une prompte fin de toutes vos mauet pour le corps. La misère des temps et l'embarras des procès vous dévorent: tirez-vous de ces deux peines. Il faut couper court à tous les procès, et vivre de l'hôtel de Condé ; les terres s'emploieront à payer. Prompte réponse. Mille fois tout à vous.

'Marie-Louise de Laval, duchesse de Roquelaure, étoit bellesœur de la marquise de Laval.

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Il faut, madame, que je me sois bien mal expliqué; car j'ai cru vous avoir mandé bien positivement que le roi avoit agréé votre engagement avec madame la princesse, en sorte que cela ne porteroit jamais ombre de préjudice à M. votre fils. Le roi a parlé si décisivement, et avec tant de sincérité là-dessus, que je ne pourrois plus, avec aucune bienséance, alléguer cette raison de votre refus. Je ne saurois aussi alléguer celle de la famille de Laval; car M. de Luxembourg m'a dit qu'il me répondoit de madame de Roquelaure même par M. de Roquelaure, qui est fort son ami.

Pour la lieutenance de roi, vous savez qu'après que j'eus parlé au roi, le P. de La Chaise lui reparla, et qu'ensuite ce Père nous dit qu'il n'y avoit rien à espérer, et que le roi lui avoit paru fatigué de cette demande pour un petit enfant qui n'avoit ni titre ni besoin pressé pour obtenir des graces. Depuis ce temps-là, je n'avois pas seulement ouï parler de la lieutenance de roi, et je ne croyois pas même qu'il vous en restât aucune pensée. Le roi l'a donnée à M. de Lostanges, quelques jours avant que M. de Noailles lui parlât du chevalier, pour le faire exempt. Ainsi l'un n'a eu certainement aucun rapport à l'autre. D'ailleurs, je n'ai eu nulle part à l'affaire du chevalier; M. de Noailles l'avoit embarquée dès le Roussillon. Il m'en écrivit: je lui ai toujours fait des difficultés; et si j'eusse eu à choisir selon mon goût, il n'auroit jamais été dans cette place, où je suis responsable de sa conduite, et où il ne peut me donner que beaucoup de dégoûts. Mais de bonne foi, indépendamment de tout cela, la lieutenance de roi étoit déja don

née,
et vous ne pouviez l'avoir. Reste à savoir si
vous persistez dans votre refus pour madame la
princesse. En cas que vous persistiez, il faudra
que j'allègue à M. le prince, à M. de Luxembourg,
et au roi même, votre mauvaise santé. Je tiendrai
les choses en suspens le plus long-temps que je
pourrai. La chose est secrète, et je crois que peu
de gens la sauront. Il faut que vous comptiez qu'il
yaura plusieurs femmes des meilleures maisons du
royaume qui desireront cette place, et qui la trou-
veront fort commode par le logement, la table et
les équipages. Mais je ne prétends vous donner au-

Le chevalier, depuis comte de Fénelon, est Henri-Joseph. frère puîné de l'archevêque de Cambrai, nommé depuis peu exempt des gardes-du-corps du roi.

cune pente là-dessus ; car je n'y ai regardé que le soutien de vos affaires délabrées, et la joie de vous voir rapprochée d'ici. Vous devez me pardonner ma peine de vous voir accablée de soins et de procès, avec la nécessité de demeurer à la campagne. D'ailleurs, je ne souhaite que ce qui vous conviendra le mieux, et je crois, comme vous, qu'à choses égales, il vaut mieux être à soi qu'à autrui.

J'avois dit à M. de La Buxière qu'il m'étoit impossible d'agir pour les enrôlements forcés de votre terre, et je croyois qu'il vous l'auroit mandé pour me soulager dans un état d'occupation où les lettres me surchargent beaucoup. Pardon de vous avoir fait de la peine par mon silence. Si je vous avois entretenue, vous conviendriez que je ne puis agir dans cette nature d'affaires. Je suis ravi de votre bonne santé, et de celle du cher enfant. Je suis toujours, ma chère cousine, à vous sans réserve, comme j'y dois être toute ma vie.

Si je puis, j'attendrai encore votre réponse sur madame la princesse mais ne vous gênez pas: suivez librement votre goût pour refuser.

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Sur les raisons qui empêchent la marquise d'accepter la place qu'on lui offre, et sur les embarras domestiques de Fénelon.

A Versailles, 31 mars (1691). Comme M. le prince ni madame la princesse ne m'ont jamais parlé eux-mêmes sur leur desir de vous avoir, je n'ai pu, madame, leur expliquer vos conditions. Il n'y a jamais eu que mademoiselle de Langeron à qui madame la princesse a parlé, et l'abbé de Maulevrier à qui M. le prince a fait parler par Gourville. J'ai donné à mademoiselle de Langeron et à l'abbé de Maulevrier une lettre fort ample ou mémoire, dans lequel j'avois expliqué de mon mieux tout ce qu'on pouvoit faire entendre honnêtement sur votre besoin de faire une grosse dépense au-delà des deux mille écus, et par conséquent sur la nécessité où vous étiez de renoncer avec regret à cet emploi, à moins qu'on n'ajoutât quelque autre somme à celle-là, pour proportionner les appointements à ce que vous seriez contrainte de dépenser. J'appuyois sur l'extrême délicatesse de votre santé, et, d'un autre côté, sur la passion que vous avez d'accommoder les affaires de M. votre fils pendant qu'il est enfant. Cette lettre étoit faite pour être vue, et pour leur donner envie d'aller plus loin qu'ils n'avoient résolu sur les appointements. Elle a été vue, mais elle n'a eu aucun succès, et on m'a mandé, pour

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