Imágenes de página
PDF
ePub

prêtes à déchirer ses ennemis. Les Nymphes en frémissent. Diane seule s'avance, met le pied sur sa tête, et enfonce son dard; puis se voyant rougie du sang de ce sanglier, qui avait rejailli sur elle, elle se baigne dans la fontaine, et se retire charmée d'avoir délivré les campagnes de ce monstre.

XXVII. Les Abeilles et les Vers à Soie.

Un jour les abeilles montèrent jusque dans l'Olympe au pied du trône de Jupiter, pour le prier d'avoir égard au soin qu'elles avaient pris de son enfance, quand elles le nourrirent de leur miel sur le mont Ida. Jupiter voulut leur accorder les premiers honneurs entre tous les petits animaux; mais Minerve, qui préside aux arts, lui représenta qu'il y avait une autre espèce qui disputait aux abeilles la gloire des inventions utiles. Jupiter voulut en savoir le nom. Ce sont les vers à soie, répondit-elle. Aussitôt le père des dieux ordonna à Mercure de faire venir sur les ailes des doux zéphyrs des députés de ce petit peuple, afin qu'on pût entendre les raisons des deux partis. L'abeille ambassadrice de sa nation représenta la douceur du miel qui est le nectar des hommes, son utilité, l'artifice avec lequel il est composé, puis elle vanta la sagesse des lois qui policent la république volante des abeilles. Nulle autre espèce d'animaux, disait l'orateur, n'a cette gloire, et c'est une récompense d'avoir nourri dans un antre le père des dieux. De plus, nous avons en partage la valeur guerrière, quand notre roi anime nos troupes dans les combats. Comment est-ce que ces vers, insectes vils et méprisables, oseraient nous disputer le premier rang? Ils ne savent que ramper, pendant que nous prenons un noble essor, et que de nos ailes dorées nous montons jusque vers les astres. Le harangueur des vers à soie répondit: Nous ne sommes que de petits vers, et nous n'avons ni ce grand courage pour la guerre, ni ces sages lois ; mais chacun de nous montre les merveilles de la nature, et

se consume dans un travail utile. Sans lois, nous vivons en paix, et on ne voit jamais de guerres civiles chez nous, pendant que les abeilles s'entre-tuent à chaque changement de roi. Nous avons la vertu de Protée pour changer de forme. Tantôt nous sommes de petits vers composés d'onze petits anneaux entrelacés avec la variété des plus vives couleurs qu'on admire dans les fleurs d'un parterre. Ensuite nous filons de quoi vêtir les hommes les plus magnifiques jusque sur le trône, et de quoi orner les temples des dieux. Cette parure si belle_et si durable vaut bien du miel, qui se corrompt bientôt. Enfin, nous nous transformons en fève, mais en fève qui sent, qui se meut, et qui montre toujours de la vie. Après ces prodiges, nous devenons tout à coup des papillons avec l'éclat des plus riches couleurs. C'est alors que nous ne cédons plus aux abeilles pour nous élever d'un vol hardi jusque vers l'Olympe. Jugez maintenant, ô père des dieux. Jupiter, embarrassé pour la décision, déclara enfin que les abeilles tiendraient le premier rang, à cause des droits qu'elles avaient acquis depuis les anciens temps. Quel moyen, dit-il, de les dégrader? Je leur ai trop d'obligation; mais je crois que les hommes doivent encore plus aux vers à soie.

XXVIII. L'Assemblée des animaux pour choisir un roi.

:

Le lion étant mort, tous les animaux accoururent dans son antre, pour consoler la lionne sa veuve, qui faisait retentir de ses cris les montagnes et les forêts. Après lui avoir fait leurs compliments, ils commencèrent l'élection d'un roi la couronne du défunt était au milieu de l'assemblée. Le lionceau était trop jeune et trop faible pour obtenir la royauté sur tant de fiers animaux. Laissez-moi croître, disait-il ; je saurai bien régner et me faire craindre à mon tour. En attendant, je veux étudier l'histoire des belles actions de mon père, pour égaler un jour sa gloire. Pour moi, dit le léopard, je prétends être

couronné, car je ressemble plus au lion que tous les autres prétendants. Et moi, dit l'ours, je soutiens qu'on m'avait fait une injustice, quand on me préféra le lion : je suis fort, courageux, carnassier, tout autant que lui ; et j'ai un avantage singulier, qui est de grimper sur les arbres. Je vous laisse à juger, messieurs, dit l'éléphant, si quelqu'un peut me disputer la gloire d'être le plus grand, le plus fort et le plus brave de tous les animaux. Je suis le plus noble et le plus beau, dit le cheval. Et moi, le plus fin, dit le renard. Et moi, le plus léger à la course, dit le cerf. Où trouverez-vous, dit le singe, un roi plus agréable et plus ingénieux que moi? Je divertirai chaque jour mes sujets. Je ressemble même à l'homme, qui est le véritable roi de toute la nature. Le perroquet harangua ainsi : Puisque tu te vantes de ressembler à l'homme, je puis m'en vanter aussi. Tu ne lui ressembles que par ton laid visage et par quelques grimaces ridicules: pour moi, je lui ressemble par la voix, qui est la marque de la raison et le plus bel ornement de l'homme. Tais-toi, maudit causeur, lui répondit le singe tu parles, mais non pas comme l'homme; tu dis. toujours`la même chose, sans entendre ce que tu dis. L'assemblée se moqua de ces deux mauvais copistes de l'homme, et on donna la couronne à l'éléphant, parce qu'il a la force et la sagesse, sans avoir ni la cruauté des bêtes furieuses, ni la sotte vanité de tant d'autres qui veulent toujours paraître ce qu'elles ne sont pas.

XXIX. Les deux Lionceaux.

Deux lionceaux avaient été nourris ensemble dans la même forêt : ils étaient de même âge, de même taille, de mêmes forces. L'un fut pris dans de grands filets à une chasse du Grand Mogol, l'autre demeura dans des montagnes escarpées. Celui qu'on avait pris fut mené à la cour, où il vivait dans les délices on lui donnait chaque jour une gazelle à man

[ocr errors]

ger; il n'avait qu'à dormir dans une loge où on avait soin de le faire coucher mollement. Un eunuque blanc avait soin de peigner deux fois le jour sa longue crinière dorée. Comme il était apprivoisé, le roi même le caressait souvent. Il était gras, poli, de bonne mine, et magnifique; car il portait un collier d'or, et on lui mettait aux oreilles des pendants garnis de perles et de diamants: il méprisait tous les autres lions qui étaient dans des loges voisines, moins belles que la sienne et qui n'étaient pas en faveur comme lui. Ces prospérités lui enflèrent le cœur ; il crut être un grand personnage, puisqu'on le traitait si honorablement. La cour où il brillait lui donna le goût de l'ambition; il s'imaginait qu'il aurait été un héros, s'il eût habité les forêts. Un jour, comme on ne l'attachait plus à sa chaîne, il s'enfuit du palais, et retourna dans le pays où il avait été nourri. Alors le roi de toute la nation lionne venait de mourir, et on avait assemblé les États pour lui choisir un successeur. Parmi beaucoup de prétendants, il y en avait un qui effaçait tous les autres par sa fierté et par son audace; c'était cet autre lionceau, qui n'avait point quitté les déserts, pendant que son compagnon avait fait fortune à la cour. Le solitaire avait souvent aiguisé son courage par une cruelle faim; il était accoutumé à ne se nourrir qu'au travers des plus grands périls et par des carnages; il déchirait et troupeaux et bergers. Il était maigre, hérissé, hideux : le feu et le sang sortaient de ses yeux; il était léger, nerveux, accoutumé à grimper, à s'élancer, intrépide, contre les épieux et les dards. Les deux anciens compagnons demandèrent le combat, pour décider qui régnerait. Mais une vieille lionne, sage et expérimentée, dont toute la république respectait les conseils, fut d'avis de mettre d'abord sur le trône celui qui avait étudié la politique à la cour. Bien des gens murmuraient, disant qu'elle voulait qu'on préférât un personnage vain et voluptueux à un guerrier qui avait appris, dans la fatigue et dans les périls, à soutenir les grandes affaires. Cependant l'autorité de la vieille lionne prévalut : on mit sur

le trône le lion de cour. D'abord il s'amollit dans les plaisirs; il n'aima que le faste; il usait de souplesse et de ruse, pour cacher sa cruauté et sa tyrannie. Bientôt il fut haï, méprisé, détesté. Alors la vieille lionne dit : Il est temps de le détrôner. Je savais bien qu'il était indigne d'être roi : mais je voulais que vous en eussiez un gâté par la mollesse et par la politique, pour vous mieux faire sentir ensuite le prix d'un autre qui a mérité la royauté par sa patience et par sa valeur. C'est maintenant qu'il faut les faire combattre l'un contre l'autre. Aussitôt on les mit dans un champ clos, où les deux champions servirent de spectacle à l'assemblée. Mais le spectacle ne fut pas long, le lion amolli tremblait, et n'osait se présenter à l'autre : il fuit honteusement, et se cache; l'autre le poursuit, et lui insulte. Tous s'écrièrent : Il faut l'égorger et le mettre en pièces! Non, non, réponditil; quand on a un ennemi si lâche, il y aurait de la lâcheté à le craindre. Je saurai bien régner sans m'embarrasser de le tenir soumis. En effet, le vigoureux lion régna avec sagesse et autorité. L'autre fut très-content de lui faire bassement sa cour, d'obtenir de lui quelques morceaux de chair, et de passer sa vie dans une oisiveté honteuse.

XXX. Les Abeilles.

Un jeune prince, au retour des zéphyrs, lorsque toute la nature se ranime, se promenait dans un jardin délicieux; il entendit un grand bruit, et aperçut une ruche d'abeilles. Il s'approche de ce spectacle, qui était nouveau pour lui; il vit avec étonnement l'ordre, le soin et le travail de cette petite république. Les cellules commençaient à se former, et à prendre une figure régulière. Une partie des abeilles les remplissaient de leur doux nectar les autres apportaient des fleurs qu'elles avaient choisies entre toutes les richesses du printemps. L'oisivité et la paresse étaient bannies de ce petit État :

« AnteriorContinuar »