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du Sauveur résumait sa mission glorieuse et rédemptrice; la passion de nos religieux sera, sans nul doute, auprès de la justice divine, la rançon des fautes de notre malheureuse patrie. >>

Et comme au Pé-Tang, sur les ruines de nos hôpitaux, de nos collèges et de nos monastères démantelés, rayonnera de nouveau l'étendard du Christ victorieux de Boxeurs dont nous ne connaissons que trop les tristes ravages, non pas en Chine, mais dans notre malheureuse France.

ALBERT DE SALINIS.

M. BRUNETIÈRE ET LES THÉOLOGIENS

SUR LES

RAPPORTS DE LA SCIENCE AVEC LE FAIT, L'INCONNAISSABLE ET LA CROYANCE

A PROPOS D'UN LIVRE RÉCENT 1

Dès les premiers mots de sa préface, M. Brunetière se précautionne contre les griefs, non pas possibles ou présumés seulement, mais déjà articulés, de trois catégories de censeurs les comtistes, les agrégés de philosophie, les théologiens. « Les comtistes ont trouvé que je ne l'étais pas assez, les théologiens que je l'étais infiniment trop, et pour les agrégés de philosophie 2... » laissons-les pour le quart d'heure à leur querelle, qui n'est pas la nôtre, si nôtre il y a.

Les théologiens ont-ils lieu de se plaindre? « Ce qui leur a le plus déplu dans ces études, c'est d'y trouver la «< glorification » d'une philosophie qu'en général, depuis un demisiècle, ils ont considérée, et d'ailleurs pour de bons motifs, comme leur pire ennemie3. » Une remarque que M. Brunetière a le mérite de ne pas faire, c'est qu'Aristote, lui aussi,

1. Sur les chemins de la croyance. Première étape : l'Utilisation du positivisme. Paris, Perrin, 1905. Peu auparavant, en plaquette, avait paru à la même librairie, les Difficultés de croire, conférence prononcée à Amsterdam le 9 mai 1904. (Les renvois, sans indications d'auteur ou de livre, se rapportent aux Chemins de la croyance.) Il y aurait lieu de distinguer, dans l'Utilisation du positivisme, deux parties bien tranchées : une critique, et l'autre constructive. La première a trait à la méthode, et c'est où le théologien peut trouver à s'exercer. L'autre peut se résumer en trois mots : pas de sociologie sans morale, pas de morale sans religion, et pas de religion sans surnaturel. Les trois thèses sont puissamment échafaudées. Aucune ne doit inquiéter le théologien, non pas même la dernière, puisque dans l'ordre historique, où M. Brunetière fait son enquête et ses inductions, il est très vrai qu'il n'y a pas place pratiquement pour une société religieuse sans surnaturel, c'est-à-dire pour un lien social cultuel sans mystères révélés, ou prétendus tels. Il ne sera question dans cette étude que de la première partie.

2. P. v. - 3. P. xv.

fut pour un temps, et non sans de « bons motifs », le pire ennemi de la théologie catholique, des conciles et des papes, et que le titre de gloire de saint Thomas est de l'avoir fait témoigner pour le Christ. Au lieu de saint Thomas, M. Brunetière se contente « d'imiter... les Romains », qui, selon le mot de Montesquieu, durent principalement l'empire à ce fait << qu'ayant combattu successivement tous les peuples, ils ont toujours renoncé à leurs usages, sitôt qu'ils en ont trouvé de meilleurs ». C'est ce qui s'appelle en langage ecclésiastique s'enrichir des dépouilles de l'Égypte. Mais avonsnous donc à changer nos usages, nos méthodes, nos armes ? vont répliquer les théologiens. Et on peut se demander si la comparaison, tout honorable qu'elle est, des Romains rend bien au juste la pensée de M. Brunetière. Il n'y a peut-être pas tant pour nous, théologiens, à changer nos armes, les mêmes que celles de Thomas d'Aquin, et d'Augustin, et d'Origène, qu'à changer d'adversaire, ou peut-être moins même à changer d'adversaire, qu'à mieux discerner le point vulnérable. C'est au talon qu'il faut viser Achille.

Peut-être que telle conception dont nous nous offusquions, telle manière de voir dont nous faisions un crime à l'« ennemi »>, n'était que la nôtre, mise en mots amphigouriques, qui la rendaient méconnaissable d'abord; et qu'à en percer la gangue, nous aurions double avantage : premièrement, trouver un allié au lieu d'un antagoniste; deuxièmement, prendre plus intimement conscience, et plus solidement possession, de notre propre méthode traditionnelle. Et c'est bien, semble-t-il, ainsi qu'il faut interpréter la pensée de M. Brunetière, quand on le voit1 poser en thèse que le positivisme, qui est surtout une méthode, et, dans la pensée de son auteur, principalement dirigée contre le catholicisme, n'aboutit en bonne logique qu'à le consolider. Il y aurait déjà intérêt à faire cette constatation pour elle-même, indépendamment de la valeur de la méthode envisagée, c'est-à-dire pour l'argument ad hominem qui s'en dégage, ne fût-ce que contre un mort, mais qui pourrait revivre. Bien plus vif encore sera l'intérêt, si la méthode se recommande, s'impose même,

1. P. XI, XVI, xxx, 296, 307.

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si c'est la vraie. Et là encore est un point, et pour le théologien, le point capital, de la thèse de M. Brunetière : la méthode positive, comtiste, n'est pas seulement la plus favorable au catholicisme, c'est la seule vraie.

Et l'on conçoit qu'au premier son, il y ait de quoi faire tinter certaines oreilles théologiques. Le positivisme, c'est l'ennemi, presque autant que le kantisme, plus dans certains pays. Et c'est au positivisme qu'on nous renvoie! - Et pourtant il y a des théologiens, non pas seulement des morts (puisque, hélas ! l'abbé de Broglie appartient déjà au passé), mais il y en a, et des plus vivants, qui n'ont pas attendu qu'on les avisât, pour se douter qu'on pourrait glaner dans les champs de Comte, et peut-être faire mieux, semer dans son sillon... la doctrine éternelle, et même le grain scolastique! L'étude des problèmes que soulève cette « utilisation », peut assez aisément se distribuer sous trois chefs distincts, bien que connexes: la science et le fait; la science et l'inconnaissable; la science et la croyance. C'est à sa fidélité à la méthode de Comte que M. Brunetière fait honneur de l'évolution de sa pensée vers la foi et de l'orientation de sa vie vers un nouvel idéal. « Ma grande prétention, dont je ne me cache point, est d'avoir fidèlement observé sa méthode, en tant qu'elle consiste à partir du « fait » ; à ne voir dans le «<< fait » que le <<< fait », et à ne jamais enfin généraliser que

dans les limites du « fait1. »

Se tenir aux faits, n'y rien ajouter de préconçu, et donc ne rien ériger en loi que le contenu de l'expérience: programme auquel il serait à souhaiter que se conformassent certains « savants ». Il n'est pas douteux qu'à passer à ce crible, maintes affirmations «< scientifiques » de M. Haeckel ou de M. Berthelot n'eussent à peu près autant à gagner que les divinations théologiques de Hegel, ou les constructions historiques de H. Spencer. C'est un principe d'or, bien qu'un truism, que nous ne devons pas nous faire législateurs de la nature, mais nous mettre à son école; que les choses sont ce qu'elles sont sans nous, et au besoin malgré nous, et qu'à renverser les rôles nous n'aurions qu'à perdre en

1. P. XIV.

savoir et en bon sens, eussions-nous la verve de Protagoras ou le génie de Kant, ou, comme Xerxès, des millions de bras à notre service pour châtier la mer. Nous ne sommes pas constructeurs, mais construits, citoyens d'un monde construit : ne nous ingérons pas dans son mécanisme, mais regardons-le fonctionner. Il suffit d'un gland pour enseigner cette philosophie à Garo: hélas! combien faudrat-il de... cucurbitacées pour nos savants contemporains?

Il n'y a pas encore très longtemps, un anthropologiste anglais, M. Andrew Lang, leur en servit un choix aussi abondant que varié, dans un livre qui est un chef-d'œuvre d'ironie en même temps que de science, The Making of religion. Toutes les bévues, les hautaines dénégations ou fins de non-recevoir, suivies de palinodies, auxquelles s'est laissée aller la science, en matière de fait, dans l'espace de trois cents ans, par simple peur du surnaturel et du miracle, ou même par horreur de l'inexpliqué, dont un «< savant » qui se respecte ne doit pas plus admettre l'existence que de l'inexplicable c'est le tableau que fait passer sous nos yeux ce << savant », qui a le courage d'admettre et d'avouer qu'il ne trouve pas dans la science de critérium a priori du possible et de l'impossible; et de confesser que la seule attitude qui convienne à un chercheur c'est d'ouvrir les yeux. Il y aurait beaucoup à prendre dans la collection de M. Andrew Lang, si on voulait orner de vignettes le livre de M. Brunetière. Sans parler des philosophes, comme Hume 1 (qui a revécu en

1. « On ne trouve pas dans toute l'histoire du monde un seul miracle attesté par assez de témoins, d'un bon sens, d'une éducation, d'un savoir assez incontestable, pour nous assurer contre toute possibilité d'erreur de leur part; d'une intégrité assez indiscutable pour interdire tout soupçon de fraude et de mystification; d'assez d'autorité et de renom parmi les hommes, pour avoir beaucoup à perdre au cas où ils seraient pris en flagrant délit de mensonge; enfin des témoins garantissant des faits accomplis avec assez de publicité, et sur un théâtre assez célèbre, pour rendre la découverte de toute fraude inévitable: toutes conditions qui sont nécessaires pour légitimer notre confiance au témoignage humain. » C'est au style seul que se décèle pour n'être pas de Renan cette lourde phrase, qui traduit un passage de Hume dans son fameux Essai sur les miracles. Mais, sinon Hume, du moins Renan aurait été un retardataire, à qui M. E. Stapfer (la Mort et la résurrection de Jésus-Christ, 2° édition, Fischbacher, 1898, p. 306) dit son fait : « Renan a déclaré un jour que, pour qu'il admît un miracle, il suffirait qu'il lui fût suffisamment attesté. Qu'une réunion de savants, de mé

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