Imágenes de página
PDF
ePub

BULLETIN DE THÉOLOGIE

Questions de méthode.

Dogme et métaphysique.

[blocks in formation]

Patrologie. La

théologie de Tertullien. Les actes du concile de Trente. Le purgatoire. Dictionnaire de théologie.

d'Aquasparta.

[blocks in formation]

Dans un charmant discours, éclairé de brillants aperçus et semé de pensées fécondes, Mgr Douais exposait l'an dernier à l'Institut catholique de Paris le programme, l'idéal programme des études théologiques modernes 1. Peut-être ce qualificatif dernier semblera-t-il de trop à certains esprits qui rêvent d'éternité. Mais il faut bien reconnaître, sous peine d'immobilisme, que si la théologie est de tous les temps, tout au moins la forme dont elle se revêt, l'étoffe qu'elle se choisit sont choses essentiellement variables, susceptibles d'adaptation nouvelle, de progrès. Et la vie elle-même, en dedans comme en dehors du dogme, n'a-t-elle pas son évolution? Au fait, très peu en doutent encore aujourd'hui, et c'est précisément pour assurer à la théologie contemporaine, après les avoir nettement constatés, les avantages de cette loi de progrès, que le savant prélat ramenait à nouveau l'attention sur la nécessité, non pas certes d'une séparation, mais d'une alliance, solide cette fois et durable, entre les études spéculatives et les études positives, entre la métaphysique du dogme et son histoire.

Cet appel autorisé et éloquent n'éveillera, pour sûr, que de sympathiques échos. A l'heure où le renouvellement des méthodes historiques a ravivé universellement le goût et consacré le succès des minutieuses recherches documentaires, où la critique rationaliste s'acharne, par voie de conséquence, à démolir par la base l'édifice entier de la révélation, non plus en contestant, de tel dogme, la légitimité rationnelle ou scripturaire, mais en attaquant le fait même de son origine, en apportant la preuve prétendue de son invention, en taxant dès lors l'Église catholique bien moins d'erreur que d'imposture, niera-t-on encore parmi nous

1. L'État des études théologiques. Paris, Poussielgue, 1904.

que ce tardif retour aux investigations précises d'une science mieux outillée, à l'étude rigoureuse des sources de notre foi comme au contrôle serré des formules, ne soit une exigence des temps, un irrépressible besoin des esprits, et qu'il n'y ait point, dans les domaines déjà explorés de la théologie, tout un travail d'information et d'analyse à reprendre? Et, pour ne parler pas d'autrui, si c'est l'honneur de la France d'avoir donné à l'Église, avec les Dogmes théologiques et les érudites dissertations de Petau, l'idée première et le modèle de la théologie positive, faudra-t-il désormais nous contenter, pour faire face à une situation menaçante, d'opposer à l'objection des faits la réponse des systèmes et laisserons-nous l'histoire s'armer contre le dogme, sans la désarmer?

L'éminent évêque de Beauvais a eu l'inspiration heureuse de tracer une fois de plus aux théologiens d'aujourd'hui leur devoir, en leur rappelant que noblesse oblige. Au reste, il apparaît bien, généralement, qu'on s'en rend compte, et le réveil de l'activité théologique est facile à constater dans tous les domaines essais sur la méthode, répertoires bibliographiques, collections, éditions savantes, tel est l'apport sérieux des derniers mois au mouvement scientifique dont la théologie est l'objet à son tour et qui constitue la réponse des faits. Si, dans cet ensemble, les universités allemandes recueillent la plus belle part, la France s'est souvenue toutefois qu'il ne lui convient pas d'être seulement la grande semeuse d'idées et de ne prendre de ses découvertes que la gloire, en laissant aux autres l'exploitation et le profit.

*

A coup sûr, quand on insiste sur la nécessité actuelle des fortes études positives, il ne s'agit nullement de rompre en visière avec la discipline scolastique et de remplacer en théologie la métaphysique par l'histoire. Ce serait ruiner, et non pas édifier. Outre que l'enseignement théologique requiert absolument, pour la formation intellectuelle, la méthode compréhensive et logique, il reste acquis à l'expérience que pour être un éminent historien des dogmes, un controversiste sûr de soi, il faut être un éminent théologien. Or, sans la scolastique avec sa large synthèse et la trame savamment ourdie de ses déductions, que serait la théologie?

Mgr Douais a mis ce point en vive lumière et c'est à l'exposer en détail que M. Labeyrie, lauréat de l'Institut catholique de Paris, consacre un important volume, où l'on aura plaisir à distinguer nombre de vues intéressantes, de remarques pénétrantes et fines, une compréhension généralement exacte du sujet1. Il serait superflu de relever ce qu'il peut y avoir de défectueux dans la composition même de l'ouvrage, qui veut être tout à la fois une synthèse de la philosophie et du dogme, et qui aurait pu l'être aussi à moins de frais. L'auteur se proposait spécialement de traiter la question des connexions logiques entre la métaphysique et le dogme; il a cru devoir s'attarder à une foule de sujets secondaires reliés de très loin au sujet principal; mais la thèse seule nous attire, et il est juste de reconnaître qu'elle est traitée dans l'ensemble avec une compétence notoire et une dose non méprisable de sagesse. L'utilité de la théologie positive, «< que l'on a bien tort d'opposer parfois à la théologie dogmatique »>, est nettement accentuée. Mais ne faudrait-il pas dire plus? Car « pour réfuter la critique rationaliste, aujourd'hui si acharnée contre la foi de l'Église, il est nécessaire de fouiller attentivement la tradition et la Bible, d'en examiner minitieusement les témoignages, de les contrôler les uns par les autres, de les trier avec soin et d'en mettre en relief le caractère probant » (p. 673 sqq.). Tel est le rôle, souvent ingrat, de l'érudition. La scolastique veillera ensuite mission qu'elle n'a pas remplie sans gloire «< à mettre la vérité surnaturelle en plus éclatante lumière, à la formuler avec plus de précision et à l'exposer plus scientifiquement » (p. 664).

[ocr errors]

Justes et salutaires réflexions. Sera-t-il permis, à l'encontre, de signaler quelques outrances d'expression ou de pensée ? Il semble que la métaphysique soit apparue à l'auteur sous des couleurs singulièrement riantes: ne l'auraient-elles point trop charmé? « La métaphysique est plus vraie que les sciences. Elle tient de l'art et de la poésie. » (P. 77.) « Combiné avec la métaphysique, le dogme est à la fois une épopée grandiose, étincelante d'odes ardentes, un drame retentissant du plus éclatant lyrisme. (P. 788.) Il est un paragraphe intitulé: la Métaphysique et le cœur. Un autre porte en vedette: la Métaphysique et la poésie.

+

1. Dogme et métaphysique. La Chapelle-Montligeon, 1904.

[ocr errors]

Et je crois, en effet, que M. Labeyrie a laissé parler poétique

ment son cœur.

Est-il étonnant, dès lors, que la scolastique reçoive le tribut d'admiration qui lui revient, et même un léger surcroît? « Pleine d'agréments et de charmes, elle est comme un avant-goût de la vision béatifique. Sans accroître la certitude de notre foi, elle dissipe toutes les ombres du doute. » (P. 678.) « Au lieu de refroidir l'enthousiasme, elle l'échauffe et elle l'enflamme... Elle tend à transformer l'existence en contemplation perpétuelle. » (P. 789.)

Evidemment, ce point de vue est subjectif et chacun est parfaitement libre de chanter à son aise ce qui lui semble digne de ses chants. Il n'est même pas dit que ce jeune enthousiasme ne puisse avoir sa fierté. Malheureusement, il a aussi, outre ses exagérations, ses injustices. Non seulement M. Labeyrie prête parfois à la théologie scolastique les vertus de la théologie positive (p.677, 789), mais il lui attribue un degré de certitude dont elle serait bien en peine de fournir la preuve, surtout si on a pour maxime de l'identifier, comme il plaît à l'auteur, avec le seul thomisme. A lire les paragraphes ayant pour titre : la Scolastique thomiste, l'ascétisme et la mystique (p. 790, 50); le Thomisme supérieur aux autres théories (p. 664, 83); la Métaphysique thomiste est immortelle (p. 782, 44), on regrettera sans doute l'insuffisance de ces jugements, qui ne font pas grand honneur à la scolastique en la réduisant, comme doctrine, à un système discutable et qui sera éternellement discuté. « Seul, le thomisme résout aisément toutes les difficultés et satisfait pleinement notre raison, en distinguant réellement l'essence et l'existence dans les êtres crées et en identifiant l'existence à la subsistance et à la personnalité. » En revanche, Scot et Suarez, « logiquement, nous ramèneraient au nestorianisme »; Cajetan « tendrait à relever le monophysisme » (p. 664).

A ce dithyrambe sans fondement sur le système thomiste de l'hypostase, nous pourrions joindre d'autres appréciations tout aussi arbitraires. Qu'il nous suffise d'avoir signalé ces exagérations, en regrettant que soit ainsi déparé ce bel ouvrage et que l'auteur, au lieu de contempler les choses dans le recul voulu des distances, ait en quelque sorte pris à tâche de rétrécir systématiquement l'horizon de sa pensée.

Ce qui confère à la Patrologie du docteur H. Kihn1 son caractère le plus saillant et lui assure au point de vue pratique un avantage marqué sur les ouvrages analogues, c'est qu'elle vise à tenir un juste milieu entre l'histoire des dogmes et la patrologie proprement dite. En cela même réside l'innovation, et non seulement on la justifierait, s'il en était besoin, mais il semble que ce soit une conception particulièrement heureuse de n'avoir pas séparé, dans un manuel destiné à l'enseignement, les données historiques et critiques des données théologiques, et inversement, puisque les unes reçoivent des autres un supplément de clarté ou tout au moins d'intérêt.

Durant de longues années, M. Kihn a enseigné la patrologie et le droit canonique à l'Université de Fribourg-en-Brisgau: sa compétence en pareil sujet est exceptionnelle, et nous le félicitons vivement d'avoir poursuivi, malgré ses occupations et son grand âge, cette utile publication, qui aura sa place en toute bibliothèque d'étudiant, -une place de choix, comme il convient, entre les manuels de Bardenhewer et de Nirschl.

il

Versé comme il l'est dans la connaissance des textes et très soucieux de l'exactitude des méthodes critiques, comment se faitque l'auteur se soit exposé çà et là non seulement à des hardiesses que rien n'autorise, mais encore à quelques méprises? — M. Kihn n'admet point, par exemple, que le texte officiellement reçu du Symbole des apôtres soit d'origine gallicane? Et l'unique raison invoquée, c'est que l'Église romaine, en des choses qui intéressent d'aussi près la liturgie, n'a point coutume d'emprunter aux églises particulières leurs usages ou leurs formules (p.49 sqq.). N'est-ce pas oublier, précisément, l'introduction du Filioque dans le symbole de Nicée ? Et l'usage de l'étole, au onzième siècle, dans la liturgie romaine, n'est-il pas également une importation des provinces? A propos des deux derniers chapitres xi et xii de l'Épitre à Diognète, l'auteur maintient énergiquement la thèse soutenue par lui, non sans grand luxe d'érudition, dans un opuscule antérieur2 et se prononce de nouveau en faveur de leur 1. Patrologie. I. Bd. Von den Zeiten der Apostel bis zum Toleranzedikt von Mailand (313). Paderborn, Schöningh, 1904.

[ocr errors]

2. Der Ursprung des Briefes an Diognet. Fribourg-en-Brisgau, 1882.

[blocks in formation]
« AnteriorContinuar »