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du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimés des budgets de l'État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes. >>>

Renier une dette n'est pas se libérer de son obligation. En supprimant, par un vol manifeste, le budget des cultes, l'État, même en admettant qu'il puisse légitimement reprendre ses dons, s'empare de beaucoup plus de biens que ceux qu'il a pu donner à l'Église. Avant et après le Concordat, ce qui, dans les biens ecclésiastiques, vient des dons de l'État, est insignifiant à côté de ce qui provient de la générosité des fidèles; et la confiscation projetée par l'État ne lèse pas moins les droits individuels de ces fidèles, que ceux de l'Église.

Le projet de loi sur la séparation de l'Église et de l'État est absolument injuste, mais combien il est injurieux pour l'Église et les catholiques! Dans toutes et chacune de ses dispositions, il traite l'Église catholique plus mal qu'une servante pour qui le maître aurait quelques égards. Quand il s'agit des droits de l'Église, le gouvernement l'ignore, pour lui elle n'existe pas. S'agit-il de l'asservir, de lui enlever même la liberté de droit commun, alors le gouvernement la connaît. Avec les droits de l'Église, les nôtres, à nous, citoyens français catholiques, sont indignement violés. Saurons-nous les défendre avec énergie et constance?

Mais revenons à la question de propriété et examinons les conséquences logiques de la prétention, nous allions dire de l'impudence gouvernementale, relativement à la reprise des dons de l'État aux églises. Il y a en France un grand nombre d'églises qui ont été restaurées, agrandies, ou même entièrement construites, moyennant les dons des catholiques, d'autres l'ont été, partie avec les aumônes des fidèles, partie avec des subsides accordés par les communes ou par l'État.

Si la prétention de l'État est juste, tous, communes et particuliers, sont restés propriétaires des dons faits aux églises. Si le donateur est mort, ses héritiers ont le même droit que lui, et chacun, par conséquent, peut reprendre sa propriété. Nous voilà dans un grand embarras. Quelle matière à procès! Quel surcroît d'affaires pour les avocats et magistrats, quand

il s'agira de fixer la part qui revient à chacun! Aussi croyonsnous que le gouvernement entend s'arroger à lui tout seul ce droit de répétition.

Pour quelle raison?

La raison?

C'est que je m'appelle lion.

En un mot, l'assertion contenue dans le projet de loi n'est que l'affirmation du droit au vol et à la spoliation, droit que personne n'a et ne peut avoir, le gouvernement moins encore que les particuliers; car le gouvernement n'est institué que pour rendre la justice et faire respecter les droits de chacun.

Le projet de loi suppose que plusieurs des édifices du culte antérieurs au Concordat peuvent appartenir aux communes, puisqu'il dit que ces édifices sont et demeurent la propriété de l'Etat ou des communes.

Examinons donc quels peuvent être les titres de propriété des communes.

Nous n'hésitons pas à dire que, ou bien les communes sont propriétaires de tous les édifices antérieurs au Concordat, ou qu'elles ne sont propriétaires d'aucun. En effet, ou vous identifiez la commune avec la paroisse, ou vous les regardez comme deux êtres moraux distincts. Si vous regardez la commune et la paroisse comme une seule personne morale, puisque, de fait, les églises appartenaient à la paroisse, ce que tout le droit ancien proclame, tous les édifices du culte et les biens ecclésiastiques appartenant aux paroisses auraient été propriétés communales.

Mais en fait, la commune et la paroisse formaient deux personnes morales distinctes. Les grandes communes avaient chacune plusieurs paroisses, aux biens nettement séparés; qui s'administraient individuellement, d'une façon autonome; et l'autorité communale ne se mêlait nullement de cette administration. Or, nos ancêtres, les bourgeois des bonnes villes, et même les habitants des villages étaient, l'histoire en fait foi, fort jaloux de leurs droits et privilèges. S'ils avaient cru le moins du monde que la commune eût la propriété de ces

biens, ils n'en auraient jamais abandonné l'administration aux ecclésiastiques.

Si les grandes localités avaient plusieurs paroisses, il arrivait assez souvent que plusieurs petites communes ne formaient qu'une seule paroisse. Chacune de ces communes avait son administration distincte et ses propriétés séparées, et jamais ni l'ensemble de ces communes ni l'une d'entre elles n'a prétendu être propriétaire de l'église ou du bien de la paroisse.

Quand même, sous l'ancien régime, les églises auraient été la propriété des communes, elles ne seraient pas devenues pour cela propriété de l'État, à moins d'admettre cette monstruosité qu'en France, tous les biens des communes appartiennent à l'État. S'il en était ainsi, pourquoi tous les biens des particuliers ne lui appartiendraient-ils pas?

Nous pouvons donc, en toute vérité, affirmer que les églises et autres édifices du culte, antérieurs au Concordat, n'appartiennent ni à l'État, ni aux communes.

Le projet de loi (titre III, art. 10) dit, à propos des édifices des cultes, que l'Etat, les départements et les communes « devront en laisser la jouissance gratuite pendant deux années à partir de la promulgation de la présente loi, aux établissements ecclésiastiques ou aux associations formées pour l'exercice du culte ».

Aimable hypocrisie! S'obliger à nous laisser gratuitement pendant deux années la jouissance de ce qui nous appartient! On n'engage pas plus agréablement les gens à se laisser voler sans crier au voleur.

Le projet de loi continue:

« L'État, les départements et les communes seront soumis à la même obligation en ce qui concerne les édifices postérieurs au Concordat dont ils seraient propriétaires. >>

Pour les édifices postérieurs au Concordat, on ne peut déterminer a priori d'une manière absolue qui en est propriétaire.

Nous pouvons pourtant affirmer avec certitude qu'aucun n'appartient à l'État1. Celui-ci ne peut invoquer aucun titre

1. Il est clair qu'il n'est pas question des quelques églises bâties par le

pour justifier sa prétention, car, comme nous l'avons vu, le fait d'avoir accordé quelques subsides pour l'ornementation ou la construction des églises ne constitue pas un titre de propriété.

Cette même raison vaut pour les églises auxquelles les communes auraient accordé un subside; par là, elles ne sont devenues en aucune façon propriétaires.

Le plus grand nombre de nos églises appartiennent certainement à la fabrique, par conséquent à la paroisse. Quelquesunes, par exception, peuvent être la propriété de la commune, soit que la commune les ait bâties elle-même surun terrain lui appartenant, soit que la fabrique ait cédé la propriété à la commune. C'est une question à examiner pour chaque cas en particulier1.

Une remarque en passant. Nos législateurs, qui se proclament si hautement de passionnés amants de la liberté, l'aiment tant pour eux qu'ils ne veulent en accorder aux autres que le moins possible. Le projet de loi interdit à l'État, aux départements et aux communes d'accorder une subvention aux associations formées pour l'exercice d'un culte (titre IV, art. 17). Les municipalités pourront donc subventionner les associations de musique ou de gymnastique, accorder des subsides aux théâtres, où se représentent les pièces les plus immondes, mais pour le culte de Dieu, il leur est interdit de débourser un centime.

Ce projet de loi sur la séparation des Églises et de l'État amène d'abord l'asservissement de l'Église catholique sous l'omnipotence de l'État. Ce côté de la question ne fait pas l'objet de ce travail.

En même temps, c'est la spoliation de l'Église.

Les édifices que le gouvernement veut enlever aux catholiques, sont leur propriété plus que séculaire. Les catholi

gouvernement soit avant, soit après le Concordat, dans ses propres établissements, comme l'église de l'hôtel des Invalides, ou la chapelle d'un lycée. Celles-là appartiennent à l'État.

1. Ce serait ici le lieu de parler des églises et autres immeubles appartenant aux congrégations religieuses, qui ont été spoliées, comme nos paroisses le seront, mais nous avons traité cette question dans notre article: Vente et achat des propriétés des congrégations. (Etudes, 5 octobre 1904.)

ques vont-ils patiemment se laisser voler? —Ah! que le proverbe est vrai: Qui se fait mouton, le loup le mange. Les catholiques ne l'ont que trop éprouvé.

Que faisons-nous, aujourd'hui que notre spoliation est imminente?

Nous discutons entre nous ce que nous devrons faire, quand nous serons dépossédés de ce qui nous appartient légitimement. - Devons-nous accepter que l'État, en nous laissant gratuitement, pendant deux ans, la jouissance de nos églises, nous fasse l'aumône avec nos propres biens? Devonsnous ensuite payer un loyer pour habiter notre propre maison? Devons-nous aller faire le service divin dans des greniers ou des granges? En un mot, selon une belle expression oratoire, devons-nous retourner aux catacombes?

Avant d'examiner ces questions, il serait plus utile de nous unir pour défendre énergiquement notre propriété.

Comment la défendre? Il ne nous appartient pas de donner une direction; nous nous contenterons de rappeler un fait de l'histoire de l'Église.

C'était à Milan, aux approches de la fête de Pâques de l'année 385; le gouvernement était alors arien, il cherchait à propager l'hérésie, et l'impératrice Justine, mère et tutrice de l'empereur Valentinien II, fit demander à l'évêque saint Ambroise la basilique Portienne, qui était hors des murs de la ville, afin d'y faire célébrer l'office divin par les ariens pour elle, pour l'empereur son fils, et pour les officiers de la cour. L'évêque répondit qu'il ne livrerait jamais le temple de Dieu à ses ennemis. L'impératrice éleva ses prétentions, et demanda la basilique Neuve, qui était dans l'intérieur de la ville. Ses envoyés reçurent la même réponse. Ils insistèrent pour qu'au moins la basilique Portienne fût cédée aux ariens. L'évêque resta inflexible. Des comtes et des tribuns vinrent le sommer de céder la basilique, alléguant pour raison qu'elle appartenait à l'empereur. Nos républicains n'ont donc pas le mérite de l'invention, quand ils prétendent que les églises sont la propriété de l'État, ils suivent du moins fidèlement les traditions de l'autocratie, contre laquelle ils n'ont pas assez d'anathèmes.-Ambroise répondit: « Si le prince me demandait ce qui est à moi, mes terres, mon argent, je ne les lui

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