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puisse point dépendre de la cupidité d'héritiers avares de priver la société des bienfaits des hommes de génie.

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Ce principe établi, j'arrive à l'examen du projet qui vous est

soumis.

Le titre d'une loi ne doit pas donner une idée inexacte de la matière qu'elle est destinée à régir; et, comme les mots sont la représentation des idées, nous demanderons qu'on substitue à ceux de loi sur la propriété littéraire ceux de loi relative aux droits des auteurs sur les productions dans les lettres et les arts. Ce titre sera plus conforme aux dispositions que nous allons développer devant vous.

TITRE PREMIER.

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Les cinq premiers articles ne nous ont paru susceptibles d'aucun amendement.

L'article 2 est le plus essentiel, puisqu'il détermine le temps pendant lequel le droit garanti aux auteurs pourra leur survivre. Le désir de favoriser autant que cela seroit possible leurs familles a constamment animé les rédacteurs de la loi. Ils auroient voulu, et votre commission partageait à cet égard tous leurs vœux, pouvoir prolonger ce temps. Ils n'ont été arrêtés que par des considérations puissantes, et dont il n'étoit pas permis de ne point tenir compte. Vous avez vu que le droit des héritiers des auteurs a été borné, dans quelques cas, à cinq ans, puis élevé à dix, et enfin porté à vingt par le décret de 1810. La commission de 1825 et celle de 1836 avoient proposé le terme de cinquante ans. Malgré ses intentions bienveillantes, le gouvernement a trouvé cette durée trop étendue ; il a considéré que le droit exclusif de publication ainsi prolongé, au lieu de servir les intérêts de la descendance des auteurs, seroit un encouragement à la contrefaçon, comme le sont à la contrebande les prohibitions en matière de commerce.

La vente des livres est un commerce auquel il ne faut pas donner trop d'entraves si l'on veut qu'il prospère. Les priviléges prolongés ont nécessairement pour effet d'arrêter les spéculations les plus

utiles au pays. C'est pour favoriser l'industrie que les découvertes

dans les sciences, dont quelques-unes ont changé la face du monde et font l'orgueil de l'humanité, dont un grand nombre enrichit tout un pays, ne procurent à leurs inventeurs qu'un privilége momentané et fort court. On avoit songé à donner au droit de survie

des auteurs tout le temps de la vie de leurs enfans et petits-enfans ; mais la durée d'une pareille fixation, étant éventuelle, auroit l'inconvénient de nuire à des transactions qui ne peuvent être utiles aux parties contractantes qu'autant qu'elles reposent sur une base certaine. Rien ne l'est moins que la vie des hommes, et l'on a préféré, avec raison, ainsi que la loi existante l'a fait, une période fixe d'années, qui est la même pour tous, et qui permet d'aliéner et d'acheter, avec toute assurance. Ce mode a, de plus, l'avantage d'établir l'égalité entre les auteurs; en sorte que leurs ayans cause jouissent tous du même privilége.

La fixation du nombre d'années étant arbitraire, celle de cinquante, équivalente à deux générations, selon les supputations ordinaires, avoit été, ainsi qu'on l'a vu, proposée par les commissions de 1825 et 1836. Le gouvernement a adopté le terme de trente ans, égal à celui qui est accordé dans les pays où les auteurs sont traités de la manière la plus favorable. Cette période assure encore un avantage réel aux familles des auteurs, dont la jouissance est ainsi prolongée de dix ans. Il n'est pas indifférent, d'ailleurs, dans la prévision d'une loi internationale dont la possibilité sourit aux amis des lettres, de ne pas donner à la loi françoise des bases trop différentes de celles qui ont été adoptées par les gouvernemens étrangers; et ce n'est jusqu'ici que dans les États prussiens qu'une jouissance aussi longue a été accordée aux héritiers des auteurs (1).

(1) La législation angloise sur le droit de copie (copy-right), dénomination qui a été aussi adoptée en Allemagne, et qui, pour le dire en passant, est beaucoup plus exacte que celle de propriété littéraire, ne remonte qu'à l'année 1710, la huitième du règne de la reine Anne. Elle a été complétée en 1735, 1775, 1794, 1801 et 1814. Elle fixe le droit exclusif de l'auteur et de ses ayans cause à vingt-huit ans, à compter de la première publication de l'ouvrage. Toutefois, si l'auteur vit encore à l'expiration des vingt-huit ans, le droit exclusif de publication continue jusqu'à sa mort. Un acte du 10 juin 1833 a accordé la même jouissance aux auteurs dramatiques.

Dans les États-Unis d'Amérique, une loi du 3 février 1831 accorde, comme en Angleterre, le droit exclusif de copie pour vingt-huit ans à compter de la première publication. Ce droit peut être prorogé de quatorze autres années, si l'auteur est encore vivant après les vingt-huit ans, ou si, à son décès, il a laissé une veuve ou des enfans. Ce supplément de jouissance n'est accordé qu'après avoir rempli de nouveau toutes les conditions prescrites pour ac-• quérir originairement le droit de propriété exclusive. Une loi additionnelle du 30 juin 1834 ordonne que tout acte ou contrat de transport ou de cession seroit soumis aux formes usitées pour les aliénations d'immeubles.

En effet, un ouvrage, tant qu'il reste dans les mains de son au+ teur, a le caractère d'une propriété mobilière ordinaire. L'auteur peut le garder, le donner, le vendre, le détruire, en user, en un mot, comme il l'entend; mais, dès qu'il l'a livré au public, la société acquiert un droit sur l'ouvrage; il devient une sorte de propriété indivise entre l'auteur et la société. L'un et l'autre doivent jouir de la part qui leur est afférente : l'auteur, du produit de son œuvre, le public, du plaisir, ou de l'instruction qu'elle lui procure. Cette indivision ne doit porter aucun préjudice à l'auteur. Si la publication de son œuvre a modifié la nature de sa propriété, elle ne l'en a pas dépouillé; il a renoncé au droit de la détruire, mais non à ce qu'elle a d'utile. Ainsi le droit exclusif d'en autoriser les diverses publications qui pourront en être faites lui appartient incontestablement pendant sa vie. La loi est ainsi plus favorable aux anteurs qu'aux inventeurs de procédés mécaniques, auxquels elle ne reconnoît qu'un droit temporaire dont le terme est déterminé par le brevet d'invention qui leur est accordé. Plus généreuse envers les productions que la pensée livre à la presse, ce n'est point à la période de cinq, de dix ou de quinze ans qu'elle borne la jouissance des auteurs; elle la garantit pour leur vie entière, non par suite d'un droit naturel constituant une véritable propriété, mais par l'effet d'une juste concession.

On s'est demandé si ce droit exceptionnel ne devroit pas s'éteindre avec la vie des auteurs. La société ne devroit-elle pas, au moment de leur décès, entrer dans la plénitude des droits qu'elle tient de la publicité donnée à l'ouvrage? C'est ce que beaucoup de bons esprits ont pensé. Mais, a-t-on dit, si l'on restreint ainsi les droits des auteurs, que devient le bienfait? Vous ne leur laisseriez que ce qu'il est impossible de leur ravir, vous ne leur accorderiez aucun avantage, et leur postérité resteroit après eux dans le besoin. Verra-t-on de sang-froid un descendant de Corneille réduit, peut-être, à demander l'aumône à la porte du théâtre où depuis deux siècles on applaudit Cinna? et d'abord un semblable malheur peut-il être à craindre de nos jours? ne pourrions-nous pas invoquer de nombreux exemples qui prouvent la sollicitude de nos princes, celle du public et celle de la loi, en faveur des veuves ou des descendans d'hommes qui ont honoré la France par leurs talens? Il ne faut point trop se préoccuper des écrivains dont le pays s'enorgueillit; ils forment une exception. Qu'il naisse des Corneille, la fortune ne leur

des auteurs tout le temps de la vie de leurs enfans et petits-enfans; mais la durée d'une pareille fixation, étant éventuelle, auroit l'inconvénient de nuire à des transactions qui ne peuvent être utiles aux parties contractantes qu'autant qu'elles reposent sur une base certaine. Rien ne l'est moins que la vie des hommes, et l'on a préféré, avec raison, ainsi que la loi existante l'a fait, une période fixe d'années, qui est la même pour tous, et qui permet d'aliéner et d'acheter, avec toute assurance. Ce mode a, de plus, l'avantage d'établir l'égalité entre les auteurs; en sorte que leurs ayans cause jouissent tous du même privilége.

La fixation du nombre d'années étant arbitraire, celle de cinquante, équivalente à deux générations, selon les supputations ordinaires, avoit été, ainsi qu'on l'a vu, proposée par les commissions de 1825 et 1836. Le gouvernement a adopté le terme de trente ans, égal à celui qui est accordé dans les pays où les auteurs sont traités de la manière la plus favorable. Cette période assure encore un avantage réel aux familles des auteurs, dont la jouissance est ainsi prolongée de dix ans. Il n'est pas indifférent, d'ailleurs, dans la prévision d'une loi internationale dont la possibilité sourit aux amis des lettres, de ne pas donner à la loi françoise des bases trop différentes de celles qui ont été adoptées par les gouvernemens étrangers; et ce n'est jusqu'ici que dans les États prussiens qu'une jouissance aussi longue a été accordée aux héritiers des auteurs (1).

est

(1) La législation angloise sur le droit de copie (copy-right), dénomination qui a été aussi adoptée en Allemagne, et qui, pour le dire en passant, beaucoup plus exacte que celle de propriété littéraire, ne remonte qu'à l'année 1710, la huitième du règne de la reine Anne. Elle a été complétée en 1735, 1775, 1794, 1801 et 1814. Elle fixe le droit exclusif de l'auteur et de ses ayans ́cause à vingt-huit ans, à compter de la première publication de l'ouvrage. Toutefois, si l'auteur vit encore à l'expiration des vingt-huit ans, le droit exclusif de publication continue jusqu'à sa mort. Un acte du 10 juin 1833 a accorde la même jouissance aux auteurs dramatiques.

Dans les États-Unis d'Amérique, une loi du 3 février 1831 accorde, comme en Angleterre, le droit exclusif de copie pour vingt-huit ans à compter de la première publication. Ce droit peut être prorogé de quatorze autres années, si l'auteur est encore vivant après les vingt-huit ans, ou si, à son décès, il a laissé une veuve ou des enfans. Ce supplément de jouissance n'est accordé qu'après avoir rempli de nouveau toutes les conditions prescrites pour acquérir originairement le droit de propriété exclusive. Une loi additionnelle du 30 juin 1834 ordonne que tout acte ou contrat de transport ou de cession seroit soumis aux formes usitées pour les aliénations d'immeubles.

Tels sont les motifs qui ont déterminé votre commission, ainsi qu'ils avoient déterminé le gouvernement, à s'arrêter au terme de

trente ans.

L'art. 4, qui autorise l'auteur à céder son droit de publication,

L'ancienne législation hollaudoise n'accordoit aux auteurs et à leurs ees¬ sionnaires que des priviléges temporaires de vingt ans au plus, et qu'on ne renouveloit qu'avec beaucoup de peine. En 1796, une loi applicable à la seule province de Hollande, étendue en 1803 à toute la république batave, recon→ nut le droit de propriété perpétuelle des auteurs ou de leurs ayans cause. Cette loi, suspendue pendant la réunion à l'empire françois, fut rétablie en 1814. Tandis qu'une nouvelle loi, applicable à la Belgique seulement, accorda à l'auteur, pendant sa vie, et à sa veuve et à ses héritiers, pendant la leur, un droit exclusif de publication qui cessoit après l'extinction de la première génération. En 1817, une loi générale pour tout le royaume des PaysBas réduisit le droit à la vie de l'auteur, et à vingt années après lui en faveur de ses ayans cause.

En Allemagne, l'acte fédéral du 8 juin 1815 prescrivoit à la diète de s'occuper, dès sa première réunion, d'une législation uniforme sur la liberté, de la presse et sur les droits des auteurs et éditeurs. Ce n'a cependant été qu'en 1837 que la diete a pris deux résolutions portant que les productions littéraires de tout genre, de même que les ouvrages d'art, publiés ou non, ne pourront être multipliés par des moyens mécaniques quelconques, sans le consentement de l'auteur ou de celui auquel il a cédé ses droits. Ce droit de l'auteur passe à ses héritiers ou ayans cause pour en jouir pendant au moins l'espace de dix ans. L'art. 5 porte que le débit de toutes les contrefaçons, soit qu'elles aient été confectionnées dans les États de la confédération germanique ou en delrors de ces États, est défendu dans tous les États de la confédération.

La diete renvoie à l'année 1842 une nouvelle délibération sur la question de la prolongation de la période de protection réclamée par la majeure partie des États de la confédération; elle ajourne également la question de la protection à accorder aux auteurs de compositions musicales et d'œuvres dramatiques.

Le code civil autrichien, en vigueur depuis l'année 1812, et rendu commun au royaume lombardo-vénitien, reconnoît le droit de l'auteur pendant sa vie ; mais il déclare que ce droit, relativement aux nouvelles éditions, ne passe pas à ses héritiers.

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Le code Frédéric disoit que le droit d'auteur, qui consiste en ce qu'on ne puisse donner une nouvelle édition qu'avec son consentement, ne passe point à ses héritiers, à moins d'une convention expresse et par écrit. Si, cependant, il existoit encore des enfans de l'auteur au premier degré, lorsque l'ouvrage tomboit dans le domaine public, le nouvel éditeur étoit tenu de prendre des arrangemens avec eux. La loi prussienne du 11 juin 1837, rédigée avec le plus grand sqin, et prévoyant presque tous les cas, déclare que le droit de faire imprimer de nouveau un écrit déjà publié appartient exclusivement à son auteur ou à ceux qui tirent leurs droits de lui. La protection accordée contre

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