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gent que pour en acheter les aliments qui foutiennent la vie.

Nous avons fouvent voulu leur apprendre la navigation, & mener les jeunes hommes de leur pays dans la Phénicie; mais ils n'ont jamais voulu que leurs enfants appriffent à vivre comme nous. Ils apprendroient, nous difoient-ils, à avoir befoin de toutes les chofes qui vous font devenues néceffaires. Ils voudroient les avoir; ils abandonneroient la vertu, pour les obtenir par de mauyaifes induftries. Ils deviendroient comme un homme qui a de bonnes jambes, & qui, perdant l'habitude de marcher, s'accoutume enfin au befoin d'être toujours porté comme un malade. Pour la navigation, ils l'admirent à caufe de l'induftrie de cet art : mais ils croyent que c'eft un art pernicieux. Si ces genslà, difent-ils, ont fuffifamment en leur pays ce qui eft néceffaire à la vie, que vont-ils chercher dans un autre? Ce qui fuffit au befoin de la nature, ne leur fuffit-il pas ? Ils mériteroient de faire naufrage, puifqu'ils cherchent la mort au milieu des tempêtes, pour affouvir l'avarice des marchands, & pour flatter les paffions des autres hommes.

mœurs,

Télemaque étoit ravi d'entendre ce difcours d'Adoam, & fe réjouiffoit qu'il y eût encore au monde un peuple, qui, fuivant la droite nature, fût si fage & fi heureux tout ensemble. O combien ces difoit-il, font-elles éloignées des mœurs vaines & ambitieufes des peuples qu'on croit les plus fages! Nous fommes tellement gâtés, qu'à peine pouvons-nous croire que cette fimplicité fi natirelle puiffe être véritable. Nous regardons les moeurs de ce peuple comme une belle fable, & il doit regarder les nôtres commme un fonge monf

trueux.

Fin du Livre huitieme.

LIVRE NEUVIEME.

SOMMAIRE.

Vénus, toujours irritée contre Télemaque, en demande la perte à Jupiter. Mais les deftinées ne permettant pas qu'il periffe, la Déeffe va concerter avec Neptune, les moyens de l'éloigner d'Ithaque, où Adoam le conduifoit. Ils employent une Divinité trompeufe pour furprendre le Pilote Achamas, qui, croyant arriver en Ithaque, entre à pleines voiles dans le port des Salentins. Leur Roi Idoménée reçoit Télmaque dans fa nouvelle ville, où il préparoit actuel lement un facrifice à Jupiter pour le fuccès d'une guerre contre les Manduriens. Le facrificateur confultant les entrailles des victimes, fait tout espérer à Idoménée, & lui fait entendre qu'il devra fon bon heur à fes deux nouveaux hôtes.

PENDAN

ENDANT que Télémaque & Adoam s'entretenoient de la forte, oubliant le fommeil, & n'appercevant pas que la nuit étoit déja au milieu de fa courfe, une Divinité ennemie & trompeufe les éloignoit d'Ithaque, que leur Pilote Achamas cherchoit en vain. Neptune, quoique favorable aux Phéniciens, ne pouvoit fupporter plus long-temps que Télemaque eût échappé à la tempête qui l'avoit jetté contre les rochers de l'ifle de Calypfo. Vénus étoit encore plus irritée de voir ce jeune homme qui triomphoit, ayant vaincu l'Amour & tous fes charmes. Dans le transport de fa douleur

Mentor et Telemaque arrivent à Salente lorsque Idomenée préparoit un Sacrifice a Jupiter pour le succès de la guerre.

5.A

elle quitta Cythere, Paphos, Idalie, & tous les honneurs qu'on lui rend dans l'ifle de Cypre. Elle ne pouvoit plus demeurer dans des lieux où Télemaque avoit méprifé fon empire. Elle monte vers l'éclatant Olympe, où les Dieux étoient affemblés auprès du trône de Jupiter. De ce lieu ils apperçoivent les aftres qui roulent fous leurs pieds; ils voyent le globe de la terre comme un petit amas de boue. Les mers immenfes ne leur paroiffent que comme des gouttes d'eau dont ce morceau de boue eft un peu détrempé. Les plus grands Royaumes ne font à leurs yeux qu'un peu de fable qui couvre la furface de cette boue. Les peuples innombrables & les plus puiffantes armées ne font que comme des fourmis qui fe difputent les unes aux autres un brin d'herbe fur ce monceau de boue. Les immortels rient des affaires les plus férieuses qui agitent les foibles humains, & elles leur paroiffent des jeux d'enfants. Ce que les hommes appellent grandeur, gloire, puiffance, profonde politique, ne paroît à ces fuprêmes Divinités, que mifere & foibleffe.

(a) C'eft dans cette demeure fi élevée au-deffus de la terre, que Jupiter a pofé fon trône immobile; fes yeux percent jufques dans l'abyme, & éclairent jufques dans les derniers replis des cœurs. Ses regards doux & fereins répandent le calme & la joie dans tout l'univers: au contraire, quand il fecoue fa chevelure, il ébranle le ciel & la terre. Les Dieux mêmes, éblouis des rayons de gloire qui l'environnent, ne s'en approchent qu'avec trem

blement.

Toutes les Divinités céleftes étoient dans ce mo

(4) On a reproché à Homere d'avoir fait des Dieux de fes Héros, & des hommes de fes Dieux; l'Auteur n'a faifi de la Fable que ce qui affortit l'idée de la Divinité; il ne la repréfente qu'environnée de fa gloire,

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