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ciations. Les démissionnaires témoignent quelque repentir, mais demandent des conditions honorables. C'est d'Aguesseau qui règle cette capitulation. Il veille à conserver l'honneur de la magistrature. Toutes les chambres rentrent enfin, et on leur permet de nouvelles remontrances, ce qui était implicitement révoquer la défense de délibérer sur les affaires ecclésiastiques. Le parlement, pour constater sa victoire, se hâte d'user du droit qui lui est rendu. Le roi s'irrite de nouveau; quarante magistrats sont encore exilés. On les rappelle au bout de quelques mois. La lutte est encore engagée entre le roi et le parlement, et ne s'arrête que parce qu'une guerre étrangère vient offrir une diversion aux esprits.

Qui ne remarque ici la décadence lente mais progressive d'une autorité que Richelieu avait rendu si sévère, et Louis XIV si pompeuse? Fleury passa de l'imprudence à la timidité, et se tint heureux d'obtenir une espèce de trève qui laissait tout indécis entre les combattans. Les finances étaient alors dans le meilleur ordre où elles eussent été portées depuis la mort de Colbert. Sans cette heureuse circonstance, le gouvernement qu'on blâmait, mais qu'on ne

Convulsions

au tombeau de Paris.

haïssait pas, eût expié beaucoup plus cruel lement son aveugle obstination à défendre les intérêts de Rome aux dépens des siens

même.

Le cardinal de Fleury fit cesser plus faci'lement les prétendus miracles opérés sur le tombeau du diacre Pâris.

Les premiers solitaires de Port-Royal, malgré la vaste étendue de leur esprit et leur puissante logique, eurent un singulier genre de crédulité (car il ne peut être question, d'imposture dès qu'on prononce le nom d'hommes, tels que les Arnaud, Nicole et Pascal). Ils se persuadèrent que la vérité de leurs opinions théologiques était attestée par des miracles journaliers que le ciel daignait faire dans l'enceinte de leur retraite. Eux qui avaient lancé avec tant d'adresse le ridicule contre leurs adversaires, ils en essuyerent de justes représailles pour celle prétention. Ils cessèrent de faire du bruit de ces miracles qui ne furent plus qu'une consolation secrète administrée uniquement à leurs sectateurs les plus fidèles. Chaque fois qu'ils éprouvaient une nouvelle persécution, ils attendaient du ciel ce genre de secours, et se flattaient entre eux de l'avoir obtenu. Soit par une combinaison de leurs chefs, soit par

un aveugle enthousiasme qui s'était répandu dans leur parti, les miracles reprirent un grand éclat depuis l'année 1727.

ce diacre.

Un diacre de la paroisse de Saint-Médard, Notice sur nommé Paris, d'une famille assez distinguée dans le parlement, était mort appelant, réappelant, fidèle aux maximes du père Quesnel, plein d'horreur pour les jésuites, regretté des pauvres auxquels il avait prodigué son bien et ses instructions, ennemi déclaré de la communion fréquente, et enfin doué de ces révélations particulières qui troublent l'esprit d'un sectaire exalté. Les jansénistes avaient peu employé cet enthousiaste pendant le cours de sa vie, parce qu'il gâtait tout le mérite de sa faveur par un peu d'ineptie. Il leur fut plus commode de se servir de son nom après sa mort. Il parut en 1728 une histoire de la vie du diacre Paris, écrite avec celle simplicité qui éloigne toute défiance. Cet ouvrage, fait pour le peuple, eut un succès prodigieux; Paris fut canonisé acclamation. On voulut visiter sa sépulture dans le cimetière de Saint-Médard. On y vint, persuadé que le nouveau saint ne tarderait pas à s'annoncer par quelque miracle. Des esprits prévenus virent ce qu'ils s'étaient promis de voir. L'imbécillité popu

par

laireseconda les inventions du plus grossier charlatanisme. Les mendians affluèrent dans un ieu déjà consacré par la superstition. Il leur fut aisé de paraître guéris de maladies qu'ils s'étaient fabriquées avec des artifices sur lesquels la charité ou l'esprit de parti se plaisait à fermer les yeux. Pour donner plus d'effet au miracle, ils ne manquaient pas, dès qu'ils étaient sur la fosse du diacre Pâris, de se trouver saisis de ces convulsions qui, dans tous les siècles et chez tous les peuples, ont paru annoncer, soit l'approche d'une divinité propice, soit la présence de mauvais génies. Des convulsions feintes en produisirent bientôt de réelles parmi de nombreux spectateurs dont l'imagination s'exaltait chaque jour davantage. Une guérison plus ou moins prompte était promise à tous ceux qui éprouvaient ces heureux transports, et paraissait quelquefois s'opérer suMontgeron, bitement. Un conseiller du parlement de aircardent. Paris, nommé Carré de Montgeron (a), ré

convulsion

(a) Ce qu'il y avait de plus bizarre dans le fanatisme de ce magistrat, c'est qu'il avait fait longtemps profession d'incrédulité, même sur les points les plus importans de la religion. Il vint au fameux `cimetière, persuadé qu'il y trouverait des sujets de plaisanterie et de dérision. Les choses qu'il y vit

pandit dans le public un ouvrage où tous ces prodiges étaient rapportés et certifiés. L'appareil des procès-verbaux ne manquait point à ces guérisons miraculeuses. Non seulement les témoins étaient nombreux, mais on en trouvait plusieurs d'un nom imposant et d'une piété recommandable. La police vit pendant trois ans ce délire fanatique sans oser l'arrêter. Cependant il s'engageait une discussion sur ces miracles. Le parlement et les prélats jansénistes affectaient d'y croire. Le cardinal de Noailles avait été un moment séduit par leur prétendue évidence. Son suc cesseur Vintimille, moins moliniste que courtisan, prit parti contre les convulsionnaires, et défendit, dans un mandement, d'invoquer M. Pâris. Plusieurs curés de son diocèse, appuyés par des avocats cités

frappèrent tellement son esprit faible, qu'il se sentit, disait-il, éclairé et terrassé par mille traits de lumière. Les miracles de Pâris devinrent pour lui la preuve de ceux de Jésus-Christ; il en fit un impudent parallèle dans un écrit qu'il osa présenter au roi en 1737, c'est-à-dire, plusieurs années après la clôture de ces scènes de folie. Martyr d'un enthousiasme qui avait tous les caractères de la démence, il ne fit plus que passer de l'exil à la prison, et mourut dans celle de Valence en 1754, à l'âge dé soixante-huit ans.

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