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de gouverner cette cour, tandis que les passions du roi dormaient encore. La reine, La reine. que la reconnaissance seule avait fait entrer dans une faible et maladroite intrigue contre l'évêque de Fréjus, frappée de la crainte de déplaire à son époux, n'osa plus contrarier le ministre qui s'était joué de ses efforts. Elle n'avait plus pour protégés que les pauvres. Le bonheur de soulager leurs besoins était le seul qu'elle goutât sur le trône. Mais la sévère économie du cardinal venait restreindre jusqu'aux aumônes de la reine. Lorsqu'entraînée par sa bienfaisance elle avait un peu anticipé sur le paiement de sa pension, le cardinal venait lentement à son secours, et la sévérité de ses réprimandes décelait encore en lui un reste de vengeance. Le roi ne savait rien offrir de son propre mouvement à la seule femme qu'il aimât. Le peuple, presque toujours judicieux dans ses affections, tenait compte à la reine du bien qu'elle faisait et de celui qu'elle voulait faire. Sa bonté, ses vertus étaient respectées même des courtisans; sa piété indulgente n'effrayait personne. On s'intéressait à sa joie, à ses peines (a). Le dau

(a) Le roi avait coutume de demander à ceux qui lui vantaient, avec une affectation dont il devinait le motif, quelque femme célèbre par sa beauté,

Elat des mœurs.

phin qu'elle donna à la France, le 4 septembre 1729, la rendit encore plus chère à la nation (a).

Le tableau de la cour ne varia que trèspeu pendant sept ou huit ans. Les mœurs avaient été trop corrompues sous la régence et sous l'administration de M. le duc, pour que la régularité du jeune roi opérât une réforme générale. Le libertinage fut moins impudent; mais l'art de la séduction fit des progrès. L'incrédulité prit moins les formes de la licence et du cynisme, mais devint plus systématique. Le gouvernement s'attacha surtout à réprimer la cupidité, le vol, l'escroquerie publique dont les années précédentes avaient offert les exemples les plus révoltans. De toutes les lois, il n'y en a

est-elle plus belle que la reine? Cette réponse, qu'on ne manquait pas de rapporter à celle-ci, la charmait comme un témoignage de l'amour de son mari, mais lui laissait sa modestie et sa simplicité.

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(a) Louis XV eut de la reine son épouse dix enfans, savoir trois princesses nées avant le dauphin et mortes en bas âge; un prince (le duc d'Anjou), né en 1730, et mort à quatre ans et demi; et cinq princesses, dont la dernière, madame Louise, née en 1737, mourut en 1787, prieure des Carmélites de Saint-Denis. Ses deux sœurs aînées, mesdames Adélaïde et Victoire, sont mortes à Trieste depuis la révolution.

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point peut-être qui agissent plus directement sur les mœurs d'une nation que celles qui sont relatives aux finances. Je vais considérer Finances sous ce rapport l'administration du cardinal "dinal de de Fleury.

sous le cara

Fleury.

Jain.

Il commença par réduire, et peu après il 1726. supprima le cinquantième qui avait fait élever tant de cris contre M. le duc. Les remontrances du parlement et du clergé avaient beaucoup contrarié la perception de cet impôt. On n'avait osé lui donner l'extension arbitraire dont il était susceptible; le ministre se priva sans regret d'une ressource qui rendait à peine trois millions, au lieu des sommes considérables que le duc de Bourbon en avait attendues. L'année suivante, le cardinal de Fleury crut pouvoir accompagner ce bienfait d'une diminution sur les tailles et sur d'autres impositions nouvelles, telles que celle des fourrages. Les contribuables, à leur grande surprise, se virent déchargés de dix millions. On savait que l'administration précédente avait laissé un grand déficit pour l'année 1726. Le gouvernement l'avait comblé par une économie portée sur une infinité

de détails dont il serait long et superflu de rendre compte. Il avait obtenu un bénéfice assez considérable dans le nouveau bail des

Heurek

effets de so

économie.

Et de son opération

sur les monnaies.

fermes et dans celui des recettes générales.
Le premier avait éte porté de cinquante-cinq
millions à quatre-vingts; on y avait joint de
nouveaux droits. Le second avait été porté à
soixante millions. L'État pouvait ainsi toucher
cent quarante millions sans aucuns frais de
régie. Les différens revenus du royaume,
dégagés de toute charge, n'allaient pas à cent
millions à la mort de Louis XIV. Une amé-
lioration aussi sensible qui s'était graduelle-
ment opérée pendant le cours de deux ad-
ministrations vicieuses, donne une idée des
ressources progressives de la France et des
biens de la paix. Il est vrai que dans le nou-..
yeau bail on avait abandonné aux fermiers
le recouvrement de beaucoup de contribu-
tions arriérées, et particulièrement de celles
que la maladroite régie établie par Law
n'avait pas su faire rentrer. Les nouveaux
fermiers mirent tant d'activité et d'intelli-
gence dans ce recouvrement, que ce bail fit
leur fortune. Le ministère ne porta point
envie à leur prospérité, et ne renouvela plus
contre les hommes de finance des recherches
et des peines que la régence avait rendu
odieuses.

Les monnaies avaient été soumises à des opérations assez violentes sous le ministère

de M. le duc. Le cardinal de Fleury eut à remédier aux abus nés de leurs variations. Il fixa la valeur des anciennes et des nouvelles pièces d'or et d'argent, dans une proportion qui fut ntile au trésor royal et qui rétablit de l'ordre dans les transactions particulières. La base qu'il posa ne changea plus dans tout le cours de son ministère, et ses successeurs même se firent une loi de la respecter. Ainsi s'arrêta, pour un grand nombre d'années, un des fléaux, une des iniquités fiscales par lesquelles la France avait été le plus désolée. De tous les genres de bien que produisit cet administrateur économe, celui-ci fut presque le seul durable.

Mais à côté de ces opérations heureuses, le cardinal de Fleury fit, dès son début, une faute très-préjudiciable au crédit public, et qu'il eut ensuite beaucoup de peine à réparer. Ce fut un retranchement sur les rentes perpétuelles et viagères qui avaient été créées, lorsqu'après le désastre de Law, le gouvernement eut à éteindre une masse énorme de numéraire fictif. Les frères Pâris, qui dirigèrent cette liquidation, offrirent des rentes hypothéquées sur les tailles aux actionnaires de la banque et de la compagnie, mais en leur faisant subir des réductions sévères sur

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