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vint la saisir lorsqu'elle se vit confinée dans un château dont elle avait fait un lieu de délices. Tout devenait pour elle un sujet de fureur; elle maigrissait, elle perdait tous ses charmes, elle se plaignait d'être consumée par un mal intérieur, et ne pouvait l'exprimer aux médecins. Cette fièvre morale qui aigrissait son sang, la conduisit lentement à la mort après quinze mois d'exil. Elle n'avait que vingt-neuf ans.

Pâris-Duverney fut mis à la Bastille; ses frères furent exilés. Ainsi finit un ministère qu'on peut appeler la seconde régence.

posait à partir, elle se livra, dit-on, à l'un de ses amans avec si peu de précautions que les voisins furent témoins de leurs embrassemens. Telle était la femme que le duc de Bourbon avait fait régner sur la France.

FIN DU CINQUIÈME LIVRE.

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LIVRE SIXIÈME.

MINISTÈRE DU CARDINAL DE FLEURY.

L'ADMINISTRATION du cardinal de Fleury se divise en deux époques, qui présentent deux tableaux fort différens. La première, qui s'étend depuis le mois de juin 1726 jusqu'en 1733, montre la France immobile et l'Europe faiblement agitée : c'est un de ces heureux intervalles que l'histoire, dit-on, loue par son silence. Mais ce mot ne donne-t-il pas une idée sombre et fausse de l'histoire? Doit-elle être exclusivement consacrée au récit des événemens tragiques, des guerres qui dé-, solent les nations, du désordre des cours et des troubles civils? Pourquoi refuserait-elle la tâche consolante d'avoir à exposer les soins d'un gouvernement paternel et les principes sur lesquels se fonde la félicité du peuple? Combien on désirerait aujourd'hui des détails sur des règnes tels que ceux de Trajan et de Marc-Aurèle! J'aurai cependant peu de chose à dire sur l'administration du cardinal de Fleury. Le bien qu'il fit ne

la

fut pas sans mélange de maux, et d'ailleurs fut passager. Le génie seul donne de la stabilité aux institutions. Le cardinal de Fleury n'eut que de la sagesse; et, pour restreindre encore ce mot, il n'eut que sagesse d'un vieillard. S'il peut être proposé comme un modèle d'économie et de désintéressement, deux qualités dont la réunion est rare chez les hommes d'État, aucune de ses mesures n'a le caractère de grandeur ou de vaste utilité qui appelle l'attention de l'historien.

Deux guerres entreprises contre le gré du cardinal de Fleury, fournissent beaucoup plus à l'histoire, dans la seconde époque de son ministère.

L'évêque de Fréjus avait soixante-treize ans, quand le roi, son élève, lui confia la direction de toutes les affaires de la monarchie. Il se contenta du titre de ministre d'État el sut, par une modestie politique, éviter celui de premier ministre que le cardinal Dubois avait avili, et que le duc de Bourbon avait fait haïr. Fleury engagea Louis XV à faire, après la disgrâce de M. le duc, la belle déclaration que Louis XIV avait faite après la mort du cardinal Mazarin, que désormais il allait régner par lui-même. Mais ces mots, qui avaient annoncé dans Louis XIV l'essor

Les créatures de M. le

versées.

d'un grand caractère, ne produisirent aucun effet dans la bouche d'un jeune roi timide et indolent. On se fit une image douce, mais peu brillante, de la nouvelle administration. On jugeait de la modération et de l'adresse avec lesquelles Fleury exercerait le pouvoir par la patience et la flexibilité qu'il avait employées pour y parvenir. Cependant il montra beaucoup d'empressement à renverser toules de sont ren les créatures et tous les actes de son prédécesseur. L'ancien secrétaire d'État Le Blanc fut rappelé de son exil pour reprendre le département de la guerre. On récompensait en lui une victime de la marquise de Prie; mais on oubliait ou plutôt on affectait d'oublíer qu'une grande fortune acquise par le systéme rendait son intégrité suspecte. A son retour au ministère, il se conduisit comme un administrateur habile. Mais le même public, qui l'avait plaint dans ses disgrâces et pendant sa longue prison, lui sut mauvais gré de la vengeance qu'il lui vit souvent exercer contre des hommes qui avaient été les instrumens passifs de ses ennemis. Fleury poussa le vain plaisir d'humilier M. le duc jusqu'à rendre un emploi important au banqueroutier La Jonchère. Enfin, le ministre, qui fut le moins accusé de profusion, fit restituer au

du ministère.

marquis de Belle-Isle les libéralités sans mesure que ce petit-fils de Fouquet avait reçues du régent, et y ajouta encore des sommes considérables. On lui fit, dit le maréchal de Villars dans ses mémoires, un apanage comme à un fils de France. Le président Dodun, qui avait eu le titre de contrôleur-général des finances pendant que les frères Pâris les adComposition ministraient, fut renvoyé et remplacé par le Pelletier-Desforts, homme jugé capable, parce qu'il était sévère, mais auquel il manquait d'être juste. On fit sortir des prisons, on tira de l'exil tous ceux qui passaient pour avoir été en butte à des ressentimens de M. le duc et de la marquise de Prie. Mais tandis qu'on rappelait Le Blanc, La Jonchère et Belle-Isle, on laissait dans sa retraite le plus grand magistrat dont la France pût s'honorer. Ce ne fut qu'au mois d'août de l'année suivante (1727), que le chancelier d'Aguesseau vit lever un exil imposé par Dubois, et continué par la marquise de Prie. Les sceaux restaient entre les mains de Darmenonville, magistrat dont la faiblesse s'appelait esprit de conciliation. Le comte de Maurepas (a), qui,

(a) Jean-Frédéric Phelipeaux, comte de Maurepas, petit fils du chancelier de Pontchartrain mort en 1727, fut nommé secrétaire d'état de la

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