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contre le Prétendant. Celui-ci brûle de se mettre en marche, mais il attend et s'indigne d'attendre trop long-tems les renforts que lui ont promis les rois de France et d'Espagne. Ils honorent actuellement le prince dont le malheur les avait importunés. Ils le traitent de frère, mais ils craignent de commettre aux hasards de la mer de faibles embarcations. Les secours qu'Édouard reçoit en vivres, en armes, en argent, de ces deux monarques, Il pénètre en lui font regretter de n'avoir pas reçu d'eux une armée. Mais celle qu'il commande est animée d'un enthousiasme qui peut suppléer au nombre. Il entre en Angleterre, il s'empare sans résistance de Newcastle, de Carlisle, de Lancastre; il porte son quartiergénéral à Manchester, et de là à Derby; iln'est plus qu'à cent milles de Londres : telle était au mois de décembre 1745, la situation d'un prince qui, six mois auparavant,n'avait, pour soutenir ses espérances, que la pitié intéressée d'un prêtre et d'un marchand.

Angleterre.

1745.

De telles nouvelles ouvraient un vaste champ à l'imagination vive des Français, et servaient d'ornement aux triomphes qu'ils avaient à célébrer. Le maréchal de Saxe continuait les siens. Ostende, Ath et Nieuport s'étaient rendus. Il avait pris des quar

tiers d'hiver pour tromper les ennemis qui couvraient la ville de Bruxelles.Une extrême fatigue les engageait à prendre le même parti. Ils avaient laissé douze mille hommes dans cette ville, alors assez bien fortifiée pour résister à un coup de main. Le maréchal avait affecté la plus profonde inaction. Dans une nuit de février, où il donnait un bal aux dames de Lille, il fait ses dispositions, il part, et bientôt Bruxelles est investi. Cette 1746. capitale florissante des Pays-Bas ouvre ses 25 février. portes après quelques jours de siége.

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Fêtes bril

L'hiver de 1745 à 1746 fut la plus brillante époque du règne de Louis XV. L'ivresse nationale, les plaisirs et les fêtes Lates faisaient taire tous les partis, entraînaient jusqu'aux sévères jansénistes, charmaient le peuple, qui pardonnait au roi de nouvelles amours, éveillaient les talens des poètes et des artistes, et cachaient sous une riante perspective le désordre qui renaissait dans les finances, le défaut d'harmonie dans le conseil du roi, la perte qu'on avait faite de l'allié le plus précieux, enfin des fautes déjà commises en Italie, et qui allaient être suivies de grands désastres (a).

(a) Voltaire composa quelques intermèdes pour

Madame de

les dirige.

Madame d'Etioles, qui venait de recePompadour voir le titre de marquise de Pompadour, dirigeait toutes ces fêtes. Elle aimait les arts, elle en avait habilement emprunté le secours dans le tems même où son ambitieuse coquetterie aspirait de loin à subjuguer le roi. Elle suppléait par ce genre d'éclat qui sait tout ennoblir, à la naissance illustre qui avait soutenu l'orgueil des précédentes favorites. Voltaire, qu'elle élevait à la fortune et aux honneurs, cessait enfin de craindre le roi sans cesser d'en être craint. Un homme plus illustre à la cour, mais bien moins distingué dans les lettres, l'abbé de Bernis, entretenait avec art le prestige qui conduisait sa protectrice à une domination suprême. Des poètes et des artistes médiocres, et libéralement récompensés, concouraient à ce but par des productions auxquelles la mode attachait

ces fêtes. Il en reçut de magnifiques récompenses, dont nous parlerons ailleurs. Ces libéralités lui inspirerent ces vers si connus :

Mon Henri quatre et ma Zaïre

Et mon Américaine Alzire

Ne m'ont valu jamais un seul regard du roi ;
J'avais trop d'ennemis avec très-peu de gloire :
Les honneurs et les biens pleuvent enfin sur moi
Pour une farce de la foire.

quelque prix. Louis XV était ramené par le bonheur à son indolence. Il était plus facile de lui faire voir encore quelques combats, que de lui inspirer cette activité soutenue, qui dirige à la fois la guerre, les négociations et les finances.

Français.

de Saxe en

L'ivresse fut au comble, quand on vit Ivresse des arriver le maréchal de Saxe dans la capi- Le maréchal tale. L'imagination des Français sait créer est l'objet. pour les héros, des triomphes plus doux que ceux qui rassasiaient l'orgueil des Romains. Un mouvement subit qui sort des règles communes, est souvent, en France, le brillant témoignage de l'allégresse publique. Un jour où le maréchal de Saxe assistait à l'opéra, une actrice qui dans un prologue représentait la Gloire, détacha de son front une couronne de laurier, attribut de son rôle, pour la présenter au héros Saxon. De longs, d'universels transports, firent de cette heureuse inconvenance un hommage national. Louis XV ne fut point jaloux du général qui donnait presque seul du lustre à ses armes. Il le combla de biens et d'honneurs (a),

(a) En 1745, le roi, pour reconnaître les services du maréchal de Saxe, déjà comblé de gloire, de dignités et de biens, lui accorda les honneurs du

11.

23*

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Prise d'An

vers.

et résolut d'ouvrir avec lui une campadont les succès avaient été bien pré

gne
parés.

Le roi voulut se trouver en personne à 1746. la prise d'Anvers. La Hollande avait un 30 Mai. grand intérêt à ce qu'une ville, qui pouvait devenir rivale d'Amsterdam, ne passât point sous une autre domination que celle de l'Autriche. Mais les Alliés étaient trop découragés pour tenter les hasards d'une bataille en secourant Anvers. Les Français y entrèrent sans coup férir. Après cette împortante, mais facile conquête, le roi revint à Versailles pour se trouver aux couches de la dauphine.

De Mons et

Mons, Namur et Charleroi restaient à de Namur. prendre. Ces trois forteresses assuraient la conquête des Pays-Bas Autrichiens. On voulut indemniser le prince de Conti, du rôle difficile et peu brillant qu'on lui avait donné pendant la dernière campagne, en le chargeant dans celle-ci de la conduite du siége de Mons. Cette ville capitula le

Louvre, lui donna à vie le château et le parc de
Chambord, et augmenta ses pensions de 40,000 fr.
par an. Deux ans après le roi, déclara le comte de
Saxe, maréchal général de ses camps et armées.
Journal de Louis XV.

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