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camp (a). Le roi revint à l'armée ; il arriva au moment où Ypres assiégée par le comte de Clermont capitulait. Un officier d'une grande espérance, le marquis de Beauveau, avait péri sous les murs de cette ville. Furnes et le fort de la Kenoque se rendirent peu de jours après. Le maréchal de Saxe, campé auprès de Courtrai, déconcertait par ses manoeuvres les efforts que tentait l'armée des Alliés pour secourir ces places. Le roi quittait souvent ces sièges pour venir voir la duchesse de Châteauroux à Dunkerque et trouvait commode à de telles conditions le rôle de conquérant. Le maréchal de Noailles le flattait de la prise de la Flandre avant la fin d'octobre. Les Hollandais, alarmés pour leurs frontières, commençaient à s'humilier. Le roi rejetait leurs offres avec fierté.

Prise d'Y

pres, de

Furnes et du

fort de la

Kenoque.

Progrès des

L'armée de Flandre se préparait à faire ennemis sur

(a) Les soldats chantèrent, et souvent même lorsque le roi pouvait les entendre, ces couplets dont le refrain fut long-temps populaire :

Ah! madame Enroux,
*Je deviendrai fou

Si je ne vous baise, etc.
Ah! madame Enroux,
J'en deviendrai fou, etc.

le Rhin.

11s entrent en

menacent la

juillet.

de nouveaux progrès, lorsqu'on apprit par des courriers successifs, que le prince de Lorraine envahissait l'Alsace avec bien plus de rapidité qu'on n'en avait mis à soumettre Alsace et des villes peu fortifiées ; que le général baLorraine. varois Seckendorff, en s'éloignant des murs 1744. de Philisbourg, avait favorisé le passage du Rhin; que l'armée autrichienne s'était emparée des lignes redoutables de Lauterbourg et de Weissembourg; et qu'enfin le maréchal de Coigny, avec cinquante mille hommes, se trouvait trop faible pour défendre cette frontière. On tremblait pour la Lorraine. Le roi Stanislas s'était retiré précipitamment de Lunéville. Les partisans insultaient déjà cette province, et Trenck égalait les fureurs de Mentzell.

Ces nouvelles répandirent tant de consternation dans le conseil du roi, qu'on résolut d'abandonner un plan de campagne qui promettait les plus belles conquêtes. Les forces qu'on avait mises en mouvement, mieux partagées entre la Flandre et l'Alsace, auraient pu permettre l'offensive sur ces deux points, et relever le triste sort de l'empereur Charles VII. L'armée d'Alsace, composée en grande partie des troupes que les retraites de la dernière cam

une ar

cours de

Alsace.

pagne avaient découragées, n'avait reçu aucun de ces puissans mobiles qui ramènent la victoire. Des chefs privés d'ardeur manquèrent aussi de vigilance. Le prince de Lorraine en avait profité. Il fallut marcher à lui. Le roi se mit à la tête de l'armée Le roi conqui s'avançait au secours de l'Alsace. Le ma-mu seréchal de Noailles devait en diriger les opérations. Maurice de Saxe restait en Flandre avec quarante mille hommes pour y défendre les villes soumises par le roi, contre l'armée des Alliés à laquelle arrivaient de puissans renforts. Ce second mouvement manquait encore d'une juste proportion. La Flandre française pouvait être exposée à son tour, mais on voulait qu'il fût aisé au roi de vaincre sur le Rhin. Le comte de Saxe, en déployant toutes les ressources de l'art militaire dans une campagne défensive, difficile et glorieuse, se mit au rang des plus grands capitainės. Madame Madame de de Châteauroux suivait le roi dans sa mar- roux le suit. che, l'un et l'autre arrivèrent à Metz; cette ville fut témoin d'un des événemens qui peignent le mieux la cour et les Français.

Château

1744.

malade à à Metz.

Le 4 août, le roi, échauffé par les fati- tombe gues de la route, et plus encore par les

Conduite

Richelieu.

suites de l'intempérance à laquelle il se livrait depuis plusieurs années, fut atteint d'une fièvre assez forte. Sa maîtresse alarmée lui prodiguait des soins qui n'étaient pas propres à rendre le calme à ses sens. Les médecins exprimaient cette inquiétude qui semble donner plus de prix aux secours de leur art, mais qui en compromet le succès. Le duc de Richelieu veillait aussi auprès du roi, se rendait maître des appartemens, du duc de rassurait le malade, s'emportait contre les médecins, en faisait quelquefois l'office, indiquait des remèdes faciles pour un mal qui lui paraissait léger, congédiait les prêtres et les courtisans dévots qui assiégeaient la porte, et ne voyait enfin de danger que dans les pensées sinistres par lesquelles on troublait le repos de son maître. Les princes du sang s'indignaient de l'audace d'un gentilhomme qui leur défendait d'approcher du roi lorsque celui-ci touchait peut-être à ses derniers momens. Plusieurs seigneurs, à la tête desquels on voyait les ducs de Bouillon et de la Rochefoucault, éclataient en murmures. Le clergé priait, gémissait ou tonnait. Le peuple craignait de perdre son roi, et souffrait de le voir négliger le salut de son ame; un prélat austère et emporté,

De l'évê

sons.

Fitz-James, évêque de Soissons, sonnait l'alarme et prescrivait la pénitence. Les que de Soismédecins justifiaient l'excès des craintes par tout ce qu'ils disaient sur la maladie; ils la déclaraient une fièvre maligne. Le comte de Clermont parvint à pénétrer jusqu'à Louis. Il tenait à l'église (a), quoiqu'il suivît la carrière des armes. Il se chargea de préparer le roi à recevoir les secours de la religion; mais il le fit avec une circonspection si craintive qu'il fut peu entendu ; le duc de Chartres qui vint après lui, et qui avait à cœur de remplir les instructions d'un père très-religieux, s'expliqua sans. ambiguïté. Louis fut frappé de terreur; les confession plus tendres soins de sa maîtresse, et la sérénité qu'affectait Richelieu ne purent le distraire de l'impression qu'il avait reçue. Les excès auxquels il s'était abandonné n'avaient point altéré sa foi. Il décelait dans son repentir, comme il avait décelé dans ses fautes, une âme faite pour être subjuguée. Tout s'éloignait d'une favorite qui s'était vue plus adorée qu'une reine. Le duc de Richelieu et le maréchal de Belle-Isle auquel elle avait fait rendre quelque crédit,

(a) Le comte de Clermont était abbé de SaintGermain-des-Prés.

Terreurs et

de Louis.

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