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Philippe V régnait encore; la reine Elisabeth n'avait jamais été plus maîtresse du royaume. La nation espagnole qu'elle avait tenue, par ses projets, dans une agitation perpétuelle, conservait de l'énergie au milieu d'une alternative de succès et de disgrâces. Elle venait d'humilier les Anglais dans le Nouveau monde. L'amiral Vernon, après 1739. son heureuse entreprise sur Porto-Bello, Novembre. s'était regardé comme le conquérant de l'Amérique. On célébrait à Londres les triomphes qu'il allait remporter, comme s'ils eussent déjà été obtenus. On frappait une médaille sur la prise de Carthagène, tandis que les Anglais éprouvaient la plus 1741. sanglante défaite sous les murs de cette Avril. ville et que l'amiral Vernon se retirait à la Jamaïque avec une armée que les maladies avaient réduite à un dixième. Mais les Ses revers ex

Espagnols n'avaient pas été heureux dans la nouvelle campagne qu'ils avaient faite en Italie, pour donner des états à l'infant dom Philippe. La pusillanimité du cardinal de Fleury avait beaucoup contribué au mauvais succès de leurs armes. Il était impossible d'obtenir de ceministre aucun effort, dès qu'il craignait de donner de l'ombrage à l'Angleterre. Un autre motif l'avait ar

Italie.

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rêté le roi de Sardaigne s'était allié avec la reine de Hongrie; Fleury croyait ne pouvoir rien entreprendre en Italie quand le gardien des Alpes fermait cette contrée. Il avait négocié pour ramener CharlesEmmanuel au parti de la France et de l'Espagne, et lui avait fait trop tard des offres brillantes qui eussent pu le séduire dès le commencement de la guerre. Il laissa la cour d'Espagne agir seule; elle ne fit que des entreprises faibles et mal concertées. Le duc de Montemar, qui avait donné un royaume à dom Carlos, arriva à Naples avec une armée de douze mille hommes. Toute l'Italie, à l'approche d'un corps aussi peu redoutable, parut frappée d'effroi. Le pape, la république de Venise, celle de Gènes et même le Grand duc de Toscane, déclarèrent leur neutralité. Par une autre bizarrerie, le roi de Naples déclara la sienne. Une escadre anglaise, qui avait pénétré dans ce port et qui menaçait de bombarder la ville, avait prescrit un parti honteux au frère de dom Philippe. Le duc de Montemar s'avança jusqu'à Ferrare; mais la fortune fut bientôt infidèle au vainqueur de Bitonto. Charles-Emmanuel, aidé de quelques corps autrichiens, le battait,

le poursuivait jusques aux confins du royaume de Naples, et déjà menaçait le nouveau roi. Pendant ce tems l'infant " 1743. dom Philippe enlevait la Savoie à Charles- Septembre. Emmanuel. La France lui avait permis le passage à travers ses provinces, mais n'avait pas joint ses forces aux siennes. Cette diyersion n'avait que faiblement ému Charles-Emmanuel, et ne l'avait point empêché de dominer au centre de l'Italie. La reine d'Espagne était irritée contre les. Français; on s'occupa de la satisfaire, on forma une armée de vingt-cinq mille La France y hommes l'Italie. On en donna le compour mandement au plus vaillant et au plus habile des princes français, le prince de Conti (a).

(a) Louis-François de Bourbon, prince de Conti, naquit en 1717; il était fils de Louis Armand, troi sième prince de Conti, et petit-fils de celui qui fut élu roi de Pologne en 1697. Louis Armand connu seulement par ses distractions et par les profits immenses qu'il retira du système de Law, mourut en 1727, âgé de trente-un ans. Son fils, né avec beaucoup d'esprit et de courage, avait fait son étude principale de la science militaire, et s'était rendu familiers tous les auteurs anciens qui ont traité de cet art. Admirateur des exploits d'Annibal, il se félicitait surtout, en allant commander l'armée d'Italie, d'avoir une occasion d'imiter le fameux passage des Alpes du héros Carthaginois.

envoie une armée.

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Projet de

descente en

Une autre expédition plus importante Angleterre. encore était annoncée, c'était une des

1744.

cente en Angleterre. Le cardinal de Tencin était auteur de ce projet. Il devait à la nomination 'du Prétendant, ce chapeau qu'il avait vainement cru arracher en persécutant à la fois un pape et les Jansénistes. La maison de Stuart avait conservé à Rome le

droit de présenter des cardinaux ; triste déLe cardinal dommagement d'un trône perdu. Tencin de Tenein. avait promis d'user de tout son crédit à la cour de France, pour l'engager à de nouveaux efforts en faveur d'une famille dont cinquante ans de malheurs et de proscription avait fait oublier les droits. Tencin avait le titre de ministre, mais sans département; il se flattait de parvenir au premier ministère, si le succès couronnait une entreprise à laquelle Louis XIV lui-même avait été forcé de renoncer. Il plaida dans le conseil la cause du Prétendant avec une chaleur qui entraîna ou parut entraîner tous les esprits. On lui accorda tout ce qu'il demandait; les flottes de Brest et de Rochefort furent en mouvement. Une escadre de vingt-six vaisseaux de ligne, sous le commandement du comte de Roquefeuille, était entrée dans la Manche. Toutes les

de la descente.

15 mars.

côtes étaient couvertes de troupes prêtes à Préparatifs s'embarquer. Maurice de Saxe devait diriger l'expédition. Le prince Edouard, fils du chevalier de Saint-George, était parti de Rome pour venir se joindre aux Français. On avait déclaré la guerre à l'Angle- 1744. terre, et le manifeste annonçait de grands projets contre cette île; mais on trompait le Prétendant et le cardinal son protecteur. Les ministres ne s'étaient servis de cette annonce fastueuse que pour masquer l'invasion des Pays - Bas; ils connaissaient Tencin et ne voulaient point se subordonner à cet ambitieux prélat.

indécis de

Pendant que la France osait, après une Combat naval longue inaction, déployer ses forces mari- vant Toulon. times sur l'Océan, elle faisait de nouveaux efforts sur la Méditerranée. Seize vaisseaux espagnols étaient entrés à Toulon; ils y étaient bloqués avec une escadre française, par celle de l'amiral Mathews qui depuis deux ans dominait sur cette mer. Les deux puissances alliées voulaient se tirer de cette position honteuse. Leur escadre sortit de la rade au nombre de vingt-six vaisseaux de ligne. Dom Joseph de Navarro commandait les vaisseaux espagnols; le chevalier de Court, âgé de plus de quatre-vingts ans,

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