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Versailles de sortir de Prague avec son armée et de venir renforcer celle de Maillebois, qui, jointe par le corps de Broglie, avait passé sous le commandement de ce dernier.

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rend compte dans cette même lettre du succès de sa marche « J'ai dérobé vingt-quatre heures pleines » au prince de Lobkowitz, qui n'était qu'à cinq >> lieues de moi ; j'ai percé ses quartiers et j'ai tra» versé dix lieues de plaine, ayant à traîner mes » haras avec onze mille hommes de pied et trois >> mille deux cent cinquante chevaux délabrés; >> M. de Lobkowitz ayant huit bons mille chevaux >> et douze mille hommes d'infanterie, j'ai fait une » telle diligence, que je suis arrivé aux défilés » avant qu'il eût pu m'atteindre..... Je lui ai caché » le chemin que j'avais résolu de prendre; car il >> avait fait tous les défilés et rompu tous les »ponts qui se trouvent sur les deux grands chemins >> qui conduisent de Prague à Égra.... J'en ai pris » un qui perce entre les deux autres, où je n'ai >> trouvé que les obstacles de la nature; et je suis » enfin arrivé le dixième jour sans échec, quoique >> continuellement harcelé de houssards en tête, en » queue et sur mes flancs. >>

couper

Dans cette relation le maréchal de Belle-Isle avoue avoir perdu sept ou huit cents hommes dans les neiges, et en avoir fait porter plus de cinq cents à l'hôpital.

Comme le gouvernement fit répandre d'abord que M. de Belle-Isle avait exécuté cette retraite sans en avoir reçu l'ordre, on commença par le blâ

Un tel ordre n'était pas d'une exécution facile. On n'avait pas songé à Versailles à la rigueur du mois de décembre dans la Bohême. Belle-isle avait trente lieues à faire à travers des montagnes et des ravins couverts de neige, pour arriver à Egra. Il résolut d'obéir. Il sortit de Prague pendant quelques jours, comme s'il eût voulu amasser des vivres. Le 16 décembre 1742, après avoir laissé dans la ville une garnison sous les ordres de Chevert, il partit avec douze ou treize mille hommes. Il gagna trois marches sur le prince de Lobkowitz, qui lę poursuivait avec le même nombre de troupes. Pour se mettre à couvert de la cavalerie ennemie, il passa à travers des défilés jugés impraticables. Cet excès de précaution fut plus fatal à son armée que ne l'eût été le choc de cette cavalerie. Dans une marche de dix jours, quatre mille Français périrent

mer avec excès. On fit contre lui une chanson, dont voici le premier couplet :

Quand Belle-Isle partit une nuit
De Prague à petit bruit,
Il dit, voyant la lune :
Lumière de mes jours,
Astre de ma fortune,
Conduisez-moi toujours.

de froid et de misère. Le reste, après avoir longé l'Eger, arriva dans l'état le plus déplorable à la ville d'Egra. Voilà cette fameuse retraite du maréchal de Belle-Isle, qui fut long-tems comparée à celle des dix mille. Il convient de rejeter aujourd'hui cette illusion, que les Français se firent, ou plutôt cherchèrent à se faire, dans un tems peu favorable à la gloire de leurs armes. Cette retraite ne pouvait être illustrée que par un ou plusieurs combats. Il en coûta trop pour se cacher à l'ennemi. Nulle précaution n'avait été prise en sortant d'une ville approvisionnée, on manquait de vivres et de vêtemens; les soldats, presque nus sous un ciel rigoureux, mouraient en poussant des cris de rage contre un général qui les avait fait entrer dans la Bohême avec une funeste imprévoyance, et qui les en faisait sortir avec une précipitation barbare. Il fallut renvoyer en Alsace la moitié de ceux qu'il ramenait. La plupart n'eurent plus à traîner que des jours languissans. Le jeune Vauvenargues, officier dans le régiment du roi, fut de ce nombre. Sa mort prématurée, priva la France d'un philosophe, dont les pensées hautes ne cherchaient dans

on l'a cé

lébrée mal à

propos.

Les Francais évacue t

un tems de licence que de nouveaux mobiles pour la vertu (a).

On n'entendit plus parler que de retraites. la Bavière. Les généraux français semblaient avoir horreur des combats. Ce fut sans combat

(a) Nous ne pouvons nous empêcher de rappeler ici quelques traits de l'hommage que Voltaire rendit à son ami Vauvenargues, dans le beau discours qui a pour titre Éloge funèbre des officiers qui sont morts dans la guerre de 1741.

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« Tu n'es plus, ô douce espérance du reste de » mes jours! la retraite de Prague pendant trente >> lieues de glaces, jeta dans ton sein les semences » de la mort que mes tristes yeux ont vu depuis se développer. Familiarisé avec le trépas, tu le sen» tis approcher avec cette indifférence que les phi»losophes s'efforçaient jadis ou d'acquérir ou de >> montrer. Accablé de souffrances au dedans et au » dehors, privé de la vue, perdant chaque jour » une partie de toi-même, ce n'était que par un >> excès de vertu que tu n'étais point malheureux, » et cette vertu ne te coûtait point d'effort........ Par quel prodige avais-tu, à l'âge de vingt-cinq ans, la >> vraie philosophie et la vraie éloquence? Sans » autre étude que le secours de quelques bons » livres, comment avais-tu pris un essor si haut » dans le siècle des petitesses? Et comment la sim»plicité d'un enfant timide couvrait-elle cette pro>> fondeur et cette force de génie? Je sentirai long» tems le prix de ton amitié, etc. »

>>

Mai.

que le maréchal de Broglie s'éloigna de la Bavière, dont une partie avait été reconquise pendant la diversion du maréchal de Maillebois. Il ne défendit ni les bords de l'Inn, ni ceux de l'Iser. Prague capitula. Chevert, qui défendait cette ville avec une garnison de quatre mille hommes, composée, en grande partie, de malades et de blessés, avait annoncé une si forte résistance, que 1743. les Autrichiens lui permirent de se retirer à Egra avec toute sa troupe. Braunau fut pris, les alliés échouèrent dans une tentative pour le reprendre. Egra, assiégé, ne fut point secouru. La maladie, le froid et la faim enlevaient à l'armée confédérée plus de trois mille hommes par mois. Le malheureux empereur Charles VII, dépouillé de ses États, mal servi ou trahi par ses propres généraux, en butte aux mépris des généraux français, s'humiliạit en vain devant la reine dont il avait voulu usurper l'héritage. Il obtint, pour unique grâce, d'aller traîner à Francfort les restes d'une grandeur éclipsée et d'une vie dont le chagrin empoisonnait le cours, et avançait le terme. Le prince Charles de Lorraine, poursuivant le maréchal de Broglie, cherchait à transporter en France le théâtre de

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