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Brunswick se virent forcés de fléchir devant l'autorité de cet homme d'État. Mais prévoyant qu'il ne tarderait pas à leur imposer des lois nouvelles, ils l'accablèrent de tous les signes avant-coureurs d'une disgrâce. On le priva d'une occasion de gloire, en envoyant à sa place le général Lascy combattre les Suédois. Munnich était déjà réduit à craindre l'exil en Sibérie; il avait pris la résolution de quitter l'empire russe ; mais il fut arrêté par des alarmes qu'il conçut pour la sûreté de celle même dont l'ingratitude allait le contraindre à la fuite. Il voyait un parti se former autour de la princesse Elisabeth, la seconde fille de Pierre-leGrand (a). Il vint en donner avis à la régente. Celle-ci ne regarda la sollicitude de Munnich que comme l'artifice d'un ambitieux qui voulait encore se rendrenécessaire.

C'était un Hanovrien, d'origine française, nommé l'Estocq, chirurgien assez habile, qui préparait ce mouvement de concert avec la légation de France. Ce que fit le maréchal de Belle-Isle, pour seconder de loin le parti de la

(a) L'aînée, Anne Pétrowna, avait épousé le duc de Holstein-Gottorp, et leur fils fut déclaré par la Czarine Elisabeth, son successeur au trône de Russie, en novembre 1742.

princesse Elisabeth, n'est point connu d'une manière positive; mais on peut conjecturer la part qu'il y prit d'après le témoignage du roi de Prusse. Ce monarque rapporte que le général français lui avait demandé, s'il verrait avec déplaisir une conspiration qui renverserait, en Russie, l'autorité du duc de Brunswick, son parent. « Je ne connais, répondit » Frédéric, de parens, que parmi mes amis. »

Elisabeth put déguiser son complot à la faveur d'un penchant à la volupté, qui semblait supposer en elle un entier oubli de ses droits et de ses plus justes sujets de ressentiment; elle était favorisée par une de ces dispositions nationales, qui préparent les révolutions des empires. Les Russes étaient las de subir, depuis douze ans, le joug d'impérieux étrangers. La vengeance des Dolgoroucki, si barbarement immolés par les ordres de l'impératrice Anne, couvait parmi les restes de leur famille et leurs derniers partisans. Les nobles Moscovites se ménagèrent des intelligences dans la garde du jeune empereur. Dans la nuit du 6 décembre 1741, soixante vieux soldats dévoués à la princesse Elisabeth, par leur vénération pour Pierre-le-Grand, son père, la conduisirent au palais, et l'en rendirent

maîtresse, sans éprouver aucune résistance. Ils avaient pénétré dans l'appartement du jeune empereur ; ils n'attendaient plus pour l'immoler, qu'un ordre d'Elisabeth. Cette princesse fut émue en voyant cet enfant qui lui tendait la main, et répétait le cri de félicitation (Huzza) qu'il entendait retentir autour de lui. Elle le prit dans ses bras avec tendresse : « Pauvre innocent, lui dit-elle, » tu ne te doutes pas que c'est contre toi» même que tu cries. Non, je ne ferai pas » mourir un enfant. » Le duc et la duchesse de Brunswick furent arrêtés. La fureur populaire et la vengeance réfléchie des nobles éclatèrent contre des étrangers qui s'étaient naturalisés, en Russie, par des victoires. Plusieurs périrent dans d'épouvantables supplices. Munnich fut conduit dans cette prisonde Sibérie, dont lui-même avait tracé le plan pour enfermer Biren. Celui-ci en fut tiré, et vit adoucir son exil. Trois illustres généraux, Keith, Lascy, Lowendalh, eurent le bonheur d'échapper, par la fuite, à la proscription qui enveloppait de toutes parts les étrangers. Le premier passa au service du roi de Prusse, et devint l'un de ses lieutenans les plus distingués. Le second se retira en Autriche, et le troisième

vint se couvrir de gloire, en France, à côté du maréchal de Saxe.

Le cabinet de Versailles vit bientôt avorter les espérances qu'il avait attachées à cette conspiration. Quoique l'impératrice Elisabeth dût tout au chirurgien l'Estocq voué au parti de la France(a), elle ne put élever bien haut son crédit, dans un moment si formidable pour les étrangers; elle se sentait portée d'admiration pour la reine de Hongrie, et elle crut devoir céder plutôt à un sentiment d'équité naturelle, qu'à des considérations politiques. L'intervalle des discordes de la Russie avait été trop court, pour que les Suédois pussent le mettre à profit; de faibles essais qu'ils firent de leurs armes, n'en rétablirent point l'honneur. Leurs meilleures troupes, cernées dans

(a) L'historien Rhulières, qu'on ne peut trop consulter lorsqu'il s'agit des affaires du Nord, présente le chirurgien Lestocq, comme un homme éminemment doué du funeste génie des conspirations. «Comme il voyait Élisabeth hésiter à prendre son

"

parti, il dessina sur une carte cette princesse, la » tête rasée, et lui sur une roue; et au dos de la » carte, la princesse sur un trône et lui sur les » marches, paré d'un grand cordon ; et lui mon>>trant ces deux revers, il lui dit: Ce soir l'un, ou » demain l'autre. «

ni

Helsingfort par les Russes, ne pouvaient plus espérer de secours, ni par terre, par mer. Elles furent délivrées par un traité signé dans cette ville, et qui ressemblait plus à une capitulation qu'à une paix. La Suède céda, par ce traité, la Finlande à la Russie.

parti

de Marie

L'Angleterre rompait enfin le systême 1742. pacifique dans lequel Robert-Walpole l'a-L'Angleterre vait si long-temps retenue. Ce ministre avait Thérèse. succombé au parlement, et reçu des honneurs qui le condamnaient à l'inutilité (a); il était remplacé par un fougueux partisan de la guerre, le lord Carteret. George II était animé d'une ardeur belliqueuse; il commençait à se déclarer le protecteur dé la jeune et courageuse reine, que tant d'ennemis avaient accablée. La nation anglaise partageait cet enthousiasme; on avait vu la veuve de Marlborough proposer aux dames de Londres, une souscription pour secourir une reine, honneur de leur sexe. Elles eurent l'orgueil d'offrir à l'héritière de tant d'états, cent mille livres sterlings qui ne furent point acceptées. Mais entraîné par

(a) Robert Walpole quitta le ministère et fut créé comte d'Orford, en février 1741; sa mort arriva trois ans après en 1744.

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