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pandues sur son règne s'il perdait un guide aussi sage. Madame de Mailly, témoin de sa douleur, en fut sincèrement affligée. Elle le conjura d'appaiser le cardinal et de nommer son neveu. Le roi, le lendemain, fit ce choix. Fleury défendit à son neveu d'accepter, et vint supplier le roi de ne pas attirer l'envie sur sa famille, par cette grande et subite élévation. Il fallut que le roi, madame de Vintimille et madame de Mailly, fissent de longs efforts pour vaincre la résistance du rusé vieillard.

Ainsi l'ambition d'une favorite altière était toujours réprimée. Le roi, confiné dans ses petits appartemens, était plus que jamais étranger aux affaires du royaume. Les mœurs de la régence revenaient par degrés. Les courtisans, usés dans la dissolution, trouvaient quelque nouveauté dans le scandale qui était offert au public, celui d'un jeune monarque prodiguant à la fois ses caresses à deux sœurs et même à une troisième. La duchesse de Lauraguais passait pour avoir. cherché et obtenu une intimité d'un genre aussi honteux. Toutes trois se réunissaient contre deux sœurs dont la beauté les éclipsait, elles cherchaient à les cacher au roi. Madame de Flavacourt

seule ne leur enviait pas un triomphe si honteusement partagé. Madame de La Tournelle, déjà veuve, gémissait de l'obscurité où on voulait la retenir; fière de ses charmes, elle attendait que le roi lui rendît un hommage plus passionné et plus durable qu'à ses sœurs. Un amant plein de grâces, le duc d'Agénois, la consolait dans cette attente, pendant que le duc de Richelieu la traitait déjà avec le respect et l'amitié empressée d'un courtisan qui attendait tout de sa puissance. Comme cette dame ne tarda pas à exercer une grande influence, ainsi qu'on le verra dans le Livre suivant, je me hâte de rapporter l'événement qui fut l'occasion de sa faveur. Madame de Vintimille accoucha, en 1741, ma d'un fils dont le roi s'avouait assez ouvertement le père. Il fut nommé Louis (a), et fut connu sous le nom de comte du Luc. L'accouchement de madame de Vintimille avait été peu pénible, mais il fut suivi des douleurs d'entrailles les plus vives. Les médecins n'arrivèrent que pour déclarer le mal sans remède. La malade resta enfermée

(a) Ses camarades de collége, par allusion à sa naissance, l'appelèrent Demi-Louis, et ce sobriquet lui resta.

Couches et

mort de dame de Vin

timille.

quelques heures avec son confesseur, et mourut bientôt après dans d'horribles convulsions. Par un coup inexplicable du sort, le confesseur, qu'elle avait chargé d'aller porter ses dernières paroles à sa sœur madame de Mailly, tomba mort en entrant chez cette dame. Ces deux catastrophes excitèrent beaucoup de rumeur à la cour. Des bruits d'empoisonnement coururent et furent longtemps répétés, sans qu'on pût cependant les appuyer sur des faits vraisemblables. Le roi, qui, au sein de ses plaisirs, avait déjà éprouvé celle sombre inquiétude qui naît du mécontentement de soi-même et de la fatigue des sens, en apprenant les circonstances de la mort de madame de Vintimille, fut poursuivi par les pensées les plus sinistres. On crut que le remords allait lui rendre des sentimens religieux. La plupart des courtisans se seraient regardés comme ruinés par le retour du roi aux vertus domestiques. Madame de Mailly pleurait sincèrement une sœur par laquelle elle avait vu comblés son malheur et sa honte. Louis eut besoin de venir mêler ses larmes aux siennes. Mais on voyait qu'elle le consolait sans pouvoir remplir son cœur. Alors il se forma une ligue des hommes et

des femmes les plus habiles en intrigues, pour lui susciter une rivale dangereuse dans Madame de sa sœur, madame de La Tournelle.

Le duc de Richelieu, le cardinal de Tencin qui s'indignait de n'être pas encore arrivé à tous les honneurs du cardinal Dubois, son appui, son modèle ; madame de Tencin qui rapportait tout à l'élévation d'un frère pour lequel elle avait une vive amitié que les mœurs de l'un et de l'autre faisaient soupçonner d'inceste; Pâris Duverney qui brûlait de ressaisir l'influence que le cardinal de Fleury lui avait fait perdre, étaient les moteurs principaux de cette intrigue; des princes et des princesses les secondaient. Le duc d'Agénois, neveu du duc de Richelieu et formé par ses leçons, se tenait prêt à faire à l'ambition le sacrifice d'un amour heureux. Le roi vit madame de La Tournelle dans une réunion qui n'avait d'autre but que de la produire à ses yeux. Le deuil de sa sœur qu'elle portait encore, l'expression d'une douleur recueillie, et l'éclat de sa beauté, attiraient sur elle tous les regards. Le roi s'approcha d'elle avec trouble; jamais il n'avait montré à aucune femme un empressement ni plus vif, ni plus respectueux.

La l'ournelle succède à ses deux

saurs.

Madame de La Tournelle sut dissimuler sa joie et ses espérances, et enflamma le monarque par l'indifférence avec laquelle elle parut recevoir ses hommages. Dès ce moment il ne fut occupé qu'à vaincre une résistance calculée. Madame de La Tournelle paraissait rougir de l'exemple de ses sœurs, faisait entendre qu'elle voulait régner seule, et n'admettait aucun partage avec madame de Mailly. Elle demandait des titres et des honneurs; et, quand le roi hésitait à la satisfaire, elle ne parlait plus que du bonheur de rester fidèle au duc d'Agénois. Louis était combattu par un peu de pitié pour madame de Mailly, dont il savait être aimé avec un dévouement sans bornes. Le cardinal de Fleury et le comte de Maurepas s'efforçaient de conserver quelque faveur à l'ancienne maîtresse, et la reine ellemême s'intéressait à celle qui la première avait troublé son bonheur. Ce conflit fut enfin terminé, et le triomphe de madame de. La Tournelle éclata par la disgrâce de sa sœur, dont elle occupa la place auprès de la reine; moyen imaginé pour couvrir un scandale, et qui le rendait plus choquant. Madame de Mailly, abandonnée avec dureté,

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