Imágenes de página
PDF
ePub

l'espoir des plus savans corrupteurs et de Richelieu lui-même. Résolu enfin d'être infidèle à la couche nuptiale, Louis ne se détermina par aucune préférence du cœur. Il fit un choix si peu contraire aux vues du cardinal, que ce ministre fut soupçonné luimême de l'avoir en secret dirigé.

moiselles de

Il y avait à la cour cinq sœurs de la fa- Les cinq demille de Nesle, qui avaient excité l'intérêt Nesle. de la reine, parce que leur fortune n'était pas proportionnée à l'éclat de leur naissance. La nature avait réparti ses dons entre elles avec beaucoup de diversité. Les trois premières n'avaient qu'une beauté médiocre. L'aînée qui, en 1726, avait épousé le comte de Mailly, se faisait aimer par sa bonté, par sa simplicité. Elle était susceptible de faiblesse, mais capable de constance, exempte d'artifices. Un esprit brillant distinguait la seconde (depuis marquise de Vintimille), et donnait une vive expression à ses traits peu réguliers. La troisième, depuis mariée au duc de Lauraguais, avait plus d'éclat et de fraîcheur. Les deux dernières, la marquise de Flavacour, et la marquise de La Tournelle, l'emportaient en beauté sur toutes les femmes de la cour. Les courtisans qui avaient espéré diriger les amours du roi, et

L'aînée de

vient mai

qui tenaient ou qui attendaient leur for+ tune du cardinal, craignirent pour eux et pour lui l'empire d'une maîtresse dont les charmes eussent vivement enflammé le monarque.

Madame de Mailly fut préférée à ses jeutresse du roi. nes sœurs. On donna une maîtresse au roi comme on lui avait donné une épouse, sans le consulter, sans chercher ce qui pouvait le séduire ou le fixer, enfin d'après les convenances personnelles des négociateurs de l'intrigue. On excita l'imagination de Louis par des éloges concertés. On écarta ses scrupules; et madame de Mailly, étonnée d'une préférence qu'elle désirait sans oser l'espérer, ful conduite dans ses bras. La nouvelle favorite consentit au mystère qu'on demandait d'elle; il fut pendant quelque temps assez bien gardé pour que le cardinal pût fermer les yeux, et pour que la reine pût encore douter de l'infidélité de son époux. Madame de Mailly n'était l'objet d'aucune libéralité; sa fortune restait médiocre; son crédit paraissait nul, et les cour tisans né lui rendaient pas des hommages fort empressés.

Les armées du roi se battaient alors en Allemagne et en Italie. Cette circonstance eût

fait redoubler les murmures de la nation si Louis eût déclaré un amour adultère. Après la paix il garda moins de ménagemens. It avait, par degrés, écarté plusieurs des freins de sa jeunesse. Il s'abandonnait surtout à Pintempérance. C'est dans l'ivresse des festins que les rois s'habituent le plus à braver l'opinion. En 1755, toute la France fut instruite que Louis avait une maîtresse déclarée. Le cardinal de Fleury crut devoir, pour l'honneur de sa vieillesse et de son caractère, essayer quelques représentations. Le roi, quoique faiblement amoureux, les reçut avec impatience; et il exigea que le ministre, auquel il abandonnait son royaume, le laissât libre dans ses plaisirs. Le cardinal ne crut pas que ce fût l'occasion de tenter une nouvelle retraite à Issy. Il resta en place, et sut garder envers une favorite désintéressée une conduite qui n'exposait point son crédit et qui ne paraissait pas une complaisance avilissante. L'on vit le phénomène d'une maîtresse du roi qui ne coûtait rien à l'État, qui n'avait ni grâces à répandre, ni vengeances à exercer.

Vintimille

Madame de Mailly ne jouit pas long-temps Madame de sans amertume, de l'humiliant honneur suppplante

sa sœur.

sy,

qu'elle venait de recevoir. Sa seconde sœur, mademoiselle de Nesle, avait formé, dans un couvent, le projet de devenir sa rivale. Elle vint la trouver; et, voilant son dessein avec art, elle parvint à assister aux fêtes clandestines que le roi donnait, soit dans ses petits appartemens de Versailles, soit à Choisoit à la Muette. Elle excita l'attention du monarque par une conversation enjouée et brillante. Moins timide que sa sœur, elle osait discourir sur les affaires de l'État, flattait le roi sans attaquer son ministre, et jouait à la fois une gaîté qui ne s'alliait pas avec son ambition, une décence qu'elle devait bientôt oublier, enfin une tendresse vive et ingénue. Ce manège eut autant d'effet qu'en auraient produit des charmes éblouissans. Louis fit un pas hardi dans le scandale; il brava la reine, son instituteur, et la femme qui venait de lui tout sacrifier. Mademoiselle de Nesle, qu'il fit épouser au marquis de Vintimille, neveu de l'archevêque de Paris, fut déclarée maîtresse du roi avec autant de publicité que madame de Mailly; et celle-ci eut la faiblesse de rester encore auprès de lui, d'attendre son retour, et de partager ses embrassemens. Le cardi

nal de Fleury avait pris le parti de se taire. Il n'avait plus rien à attendre de ses représentations auprès d'un roi qui se livrait avec si peu de réserve à ses désirs. Il tint la balance entre les deux favorites, et souvent il se servit de madame de Mailly pour déconcerter les entreprises, dont le caractère altier et l'esprit plein de ressources de madame de Vintimille menacaient sa puissance. Il lutta plusieurs fois ouvertement contre le crédit de cette dernière, et surtout il eut soin de lui fermer le trésor royal.

cour, vie

Le duc de la Trémouille étant mort de la 1741. petite vérole, laissait vacante la place de Intrigue de premier gentilhomme de la chambre. Le roi privée, etc. avait parlé d'en disposer pour un neveu du cardinal, Rosset, créé duc de Fleury en 1736, modeste et désintéressé autant que son oncle. Madame de Vintimille avait proposé le duc de Luxembourg, et s'était fait seconder par madame de Mailly. Le roi, pressé par ces deux dames, avait paru changer de résolution, et s'était plaint avec un peu d'amertume de l'ambition que montrait le cardinal pour sa famille. Celui-ci, inquiet et offensé, parla de démission. Le roi passa une nuit agitée. Il lui semblait voir mille disgrâces ré

« AnteriorContinuar »