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qu'on avait vu rôder long-temps autour de la maison des Pâris. Duverney fut persuadé que c'était lui que les assassins avaient voulu frapper. On désigna les deux frères de BelleIsle comme les auteurs de cet assassinat, sans avoir contre eux d'autre indice que la vengeance dont on les supposait animés, et leur caractère audacieux. Ce fut sous le poids de telles accusations que les deux petits-fils du malheureux Fouquet entrèrent dans la prison où leur aïeul avait passé un grand nombre d'années dans la crainte du dernier supplice. Leur père avait été ignominieusement repoussé dans toutes ses demandes par Louis XIV. Pour eux, ils avaient pris le parti des armes. L'aîné s'était distingué au siége de Lille, et Fortune miy avait reçu une blessure. Il avança sa for- l'aîné. tune sous le régent. Comme il avait montré du courage et de l'habileté dans la guerre contre Albéroni, il fut promu au grade de maréchal-de-camp. Le chevalier de Belle-Isle suivait d'assez près son aîné dans la même carrière. Le Blanc les protégeait; le régent augurait beaucoup de leur esprit actif et entreprenant. Bientôt ils se livrèrent à la cupidité générale. Les marchés qu'ils firent avec La Jonchère, et qui consistaient à remplacer l'argent comptant de sa caisse par des billets

litaire de

absous par le

fort décriés, eussent déshonoré des nobles
Sous Louis XIV; mais les maximes de l'hon-
neur avaient beaucoup fléchi depuis ce temps.
Ils intéressaient par une amitié fraternelle
telle qu'on ne la vit jamais chez deux ambi-
tieux. Tout était, et tout resta commun entre
eux dans le cours même de leurs prospérités.
Ils s'honoraient également par leur piété fi-
liale; ils prodiguaient les secours, et mon-
traient le plus tendre respect à leurs parens
malheureux. Le public prit parti pour eux
et pour Le Blanc dans le procès qui leur était
suscité par
le duc de Bourbon et la marquise
de Prie. Deux magistrats, Moreau de Sé-
chelles et de Conches, avaient été compro-
mis dans cette affaire et enfermés à la Bas-

tille. Le premier ministre n'osa remettre le Le Blanc est sort des accusés à une commission. Le par parlement. lement ne voulut point servir aveuglément la haine d'une impudente favorite. Ce corps se souvenait avec reconnaissance que le ministre Le Blanc s'était opposé à un projet de le sup1724. primer. Par un premier arrêt, La Jonchère fut Avril. condamné au blâme et à une forte restitution.

Le comte de Belle-Isle fut déclaré sa caution pour six cent mille livres; les autres accusés furent renvoyés. Les griefs particuliers contre Le Blanc furent réservés pour une autre ins

truction; elle eut lieu avec une grande solennité. Le gouvernement employa tous ses efforts pour gagner et pour intimider les magistrals; ils maintinrent leur indépendance. Le duc de Chartres, devenu duc d'Orléans, montra le plus grand zèle pour un accusé qu'avait chéri son père. On le vit assister à toutes les séances de ce procès. Les ducs de Richelieu, de Brancas et le maréchal de La Feuillade, avaient voulu également se placer au nombre des juges de Le Blanc. Le public ne vit en eux que les instrumens de la haine de la marquise de Prie; et il les força, par ses murmures, à se retirer. Le Blanc fut acquitté, mais le gouvernement prolongea son séjour à la Bastille.

Voyage et

fêtes de

Chantilly.

30 juill.t.

Le duc de Bourbon s'apercevait avec inquiétude qu'il ne faisait aucun progrès dans les affections du jeune monarque. Rien ne lui parut plus propre à le flatter qu'un voyage 1724. de la cour à Chantilly. M. le duc passait pour être l'homme de l'Europe qui donnait des fêtes avec le plus de somptuosité, d'ordre et de délicatesse. Il voulut défrayer pendant un mois, de la manière la plus splendide, la maison du souverain. Plusieurs dames avaient été comprises dans la liste du voyage. Chacune d'elles essayait le pouvoir de ses charmes

sur le cœur ou plutôt sur les sens d'un roi qui n'avait pas quinze ans. Sa taille était déjà grande, ses yeux pleins de vivacité. Il rap pelait le maintien de Louis XIV avec des traits plus fins et plus doux; mais, timide et religieux, il ne montrait aux dames qu'une galanterie froide et n'avait d'ardeur que pour la chasse. L'évêque de Fréjus l'avait sans doute prévenu contre des fêtes si magnifiques et si longues, qui lui étaient données prince, son sujet. Louis saisit avec empresLa mort du sement une occasion de s'y soustraire. La lun les trou- mort du duc de Melun avait troublé les plaiabrège. sirs de Chantilly. Ce seigneur, jeune, aimable

duc de Me

ble et les

par un

et brillant, en accompagnant le roi dans une partie de chasse, avait été tué par un cerf. Il passait pour être tendrement aimé de mademoiselle de Clermont, sœur de M. le duc, et même pour l'avoir épousée en secret. Le roi montra, en apprenant sa mort, une vive sensibilité, et déclara qu'il ne pouvait plus rester à Chantilly. On lui citait en vain l'exemple de Louis XIV, à qui la mort du dauphin et de la dauphine n'avait pas fait abréger le voyage de Marly; il fallut partir. Les courtisans augurèrent mal, pour le premier ministre, de cette précipitation; mais un événement important que M. le duc dirigea, servit

à prolonger sa puissance : ce fut le renvoi de l'infante d'Espagne fiancée à Louis XV, et le mariage de celui-ci avec Marie Leczinska, fille d'un roi détrôné. Le ministère de M. le duc est presque renfermé dans cette intrigue où tous les vices conspirèrent en faveur de la vertu pauvre et ignorée. Il faut, pour l'expliquer, parler d'abord du changement qui s'était fait à la cour d'Espagne.

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pagne et

Grimaldo.

son premier ministre.

Philippe V, depuis qu'il s'était délivré ou Le roi d'Eaplutôt privé du cardinal Albéroni, avait laissé retomber la monarchie espagnole dans un état de langueur. Son premier ministre, Grimaldo, avait fait beaucoup de sacrifices à la paix, et n'en avait su tirer aucun fruit. Celui-ci, dans sa lâche politique, se mon trait aussi soumis à l'Angleterre, qu'Albéroni avait été fier et menaçant. On prétend qu'à l'exemple du cardinal Dubois, Grimaldo recevait une pension de ce gouvernement corrupteur. Ce qu'il y a de certain, c'est que son administration était aussi énervée et surtout aussi contraire aux intérêts d'une puissance maritime, que s'il eût cherché à mériter ce honteux salaire. Philippe, que toute l'agitation du précédent ministère avait à peine arraché à sa mélancolie, ne fit que s'y enfoncer davantage. Il

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