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comme une république particulière au milieu de la république polonaise. Stanislas s'y rendit, persuadant à son parti et persuadé luimême qu'une escadre française allait se présenter à l'embouchure de la Vistule avec une nombreuse armée de débarquement. Le roi de France avait confirmé cette promesse par une lettre adressée aux habitans de Dantzick. Ils virent, sans s'étonner, une armée russe Les Russes les investir. Elle était commandée par le dans Dantcomte de Munnich. Ce général, savant ingénieur, enseignait aux Russes l'art de conduire des siéges, comme Pierre-leGrand et Menzicoff leur avaient appris à gagner des batailles mais il n'avait pas : à sa disposition de grands moyens d'artillerie.

L'élite des Polonais, qui était autour de Stanislas, animée par son exemple, se défendait avec le plus grand courage dans les murs de Dantzick contre soixante mille assiégeans. Une sortie dans laquelle ils furent joints par de nombreux volontaires de cette ville leur fut si favorable, qu'ils tuèrent quelques milliers d'hommes aux Russes; ceux-ci se vengeaient par le bombardement. Les Dantzickois restaient encore fidèles en voyant leurs maisons réduites en cendre. Mais quels

l'assiégent

zick.

furent leur désespoir et leur indignation; forsqu'ils apprirent que le secours annoncé par le roi de France ne consistait qu'en quinze cents hommes, et que le chef d'un corps aussi faible, à peine arrivé devant le fort de Weichselmunde, effrayé de la témérité de cette entreprise, avait fait tourner ses voiles vers Copenhague? Au défaut de l'espérance, la fureur soutenait encore les Polonais assiégés. Stanislas éprouvait la douleur d'entendre leurs justes imprécations contrè la France. Mais bientôt ils connurent de quoi Héroïsme et est capable le courage des Français. L'amcomte de bassadeur de cette nation auprès de la cour

mort du

Plélo.

de Copenhague, le comte de Plélo (a), s'était indigné en voyant arriver les soldats qu'un chef pusillanime avait détournés des murs de Dantzick. Ni les fonctions de la diplomatie, ni la culture des lettres dans lesquelles il avait fait des essais pleins d'agrément, n'avaient modéré dans ce Francais une ardeur héroïque. Il crut devoir y céder dans une cir

(a) Le comte de Plélo, né en 1699, était aussi distingué par les qualités de l'esprit que par celles du cœur. Il faisait avec méthode des recherches savantes. C'est à lui qu'on doit l'idylle gracieuse et naïve connue sous ce titre : La manière de prendre les oiseaux.

constance où il s'agissait de l'honneur de sá nation. Il se met à la tête de ses quinze cents compatriotes, leur adjoint cent volontaires, s'embarque avec eux, et dit à ses amis qui l'embrassent: Je vais périr, je vous recommande ma femme et mes enfans. Une armée russe bordait le rivage. Le comte de Plélo descend l'épée à la main, culbute les avantpostes par la vivacité de son attaque, et se fait jour au travers des bataillons moscovites. Il n'était pas loin des murs de Dantzick, et sa troupe avait donné la mort à deux mille ennemis, lorsqu'il tomba criblé de balles. Les Français, ébranlés par ce malheureux événement, eurent un instant d'hésitation dont les Russes profitèrent. Ils firent des pas rétrogrades, rentrèrent dans leur camp en bon ordre, s'y fortifièrent, et y soutinrent pendant plusieurs jours des assauts continuels; enfin, ils capitulèrent. On les conduisit peu de temps après à Pétersbourg, où l'impératrice Anne rendit les plus grands honneurs à leur bravoure. Ce revers, mêlé de gloire, après plus de soixante-dix ans, a été réparé sur ce même rivage. Au mois d'avril 1807, une armée française assiégeait Dantzick; un corps de quinze mille Russes a suivi, pour secourir cette ville, la même route que les

1734.

Mars.

quinze cents Français conduitts par Plélo, et a succombé dans cette entreprise.

Le comte de Munnich réussit à priver les Polonais du secours de la mer. Il fit investir le fort de Weichselmunde, dont le commandant eut la lâcheté de se rendre après la première sommation. Indignés et consternés de cette trahison, les Dantzickois craignirent tout pour le roi Stanislas, auquel ils venaient d'offrir leur noble et inutile dévouement. Les Moscovites demandaient, pour premier article d'une capitulation, qu'il leur fût livré. Bientôt il se vit entouré de guerriers polonais qui lui proposaient de se faire jour à travers les rangs ennemis. L'exemple du comte de Plélo n'annonçait que trop combien peu il y avait de chances favorables pour cette brillante témé◄ Evasion du rité. Stanislas ne voulut point entraîner ses roiStanislas. amis dans les périls de son évasion. De con

cert avec l'ambassadeur de France Monti, qui lui avait donné les plus grandes preuves de zèle, il résolut de tenter de s'échapper déguisé en paysan. Une anecdote, racontée par lui-même, montre ce qu'une ame dès long-temps exercée par le malheur, peut conserver de sérénité à l'approche des plus grands dangers. Il avait déjà fait tous les préparatifs de son déguisement, et pris congé

de l'ambassadeur, lorsque voulant lui inspirer la confiance dont il était rempli, il revint frapper à la porte de sa chambre pour lui faire cette plaisanterie : J'ai oublié, lui ditil, une chose essentielle dans mon déguisement, c'est mon cordon bleu. Il lui fit de nouveaux adieux, et s'embarqua dans une nacelle avec trois guides et le général Steinflicht, déguisé comme lui. Il vogua à travers la campagne inondée, cherchant la Vistule, et toujours repoussé de ce fleuve par la présence des troupes ennemies. Comme il s'était réfugié dans une cabane abandonnée à un quart de liene seulement de Dantzick, des salves d'artillerie faites par les assiégeans lui firent comprendre que cette fidèle et malheureuse ville s'était rendue. Ce bruit fut autrement interprété par les habitans qui venaient seulement d'entrer en négociation. L'ambassadeur français ne doutait point que les Russes ne célébrassent par ces décharges la prise du roi Stanislas. Cette nouvelle courut dans la ville de Dantzick, et parvint bientôt dans le camp de Munnich, Tout se mit à la recherche de l'illustre fugitif. Entouré de périls qui s'accroissaient à chaque pas, il eut souvent à ranimer et même à menacer ses guides, à se tenir caché derrière

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