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Les Dolgorouki ne furent point étourdis d'un coup qui semblait menacer leur puissance. Maîtres du sénat et de l'armée, ils étaient sûrs de disposer du trône. Comme tant d'autres ambitieux, auxquels le même calcul réussit mal, ils songèrent à y élever une princesse qui, n'y ayant pas les droits les plus prochains, pût leur donner plus de gages de reconnaissance. Ils avaient encore une autre pensée : c'était de limiter le pouvoir despotique des czars et de faire jouir la noblesse russe des mêmes prérogatives chesse de que celle de Suède et de Pologne. Pour est procla- remplir ce double objet, ils firent choix de la princesse Anne, fille du czar Ivan V

Anne

du

Courlande,

Le czarine.

frère aîné de Pierre Ier, et veuve du duc de Courlande. Ils excluaient ainsi les deux princesses nées du mariage de Pierre et de Catherine. Le premier ministre Dolgorouki vint trouver la duchesse douairière de Courlande à Mittau, lui annonça la proclamation 1730. qui l'appelait à régner sur toutes les Russies, 9 juin. et en même temps lui fit signer un acte qui restreignait l'autorité absolue. La nouvelle impératrice acheta, sans hésiter, l'empire à ce prix; mais elle ne tarda pas à montrer combien il est facile d'accabler du haut du

trône une aristocratie que le temps n'a Munich et point cimentée. Aidée de deux étrangers, P l'autorité. le fameux comte de Munnich (a) et Bi

(a) Burchard-Christophe de Munpich naquit au pays d'Oldembourg en Allemagne le 9 mai 1683. Il reçut une excellente éducation de son père, officier distingué au service du Danemarck. Le jeune Munnich se sentit particulièrement appelé vers l'étudé des fortifications. Il fut attiré en France par lė désir de connaître le maréchal de Luxembourg et Catinat. Mais lorsque la guerre de la succession d'Espagne se déclara, il ne put se résoudre à combattre contre l'Allemagne, sa patrie. Le prince Eugène l'accueillit, l'employa, et ne tarda point à récompenser sa bravoure et ses talens. Munnich fut laissé pour mort sur le champ de bataille de Denain. Devenu prisonnier des Français qui lui sauvèrent la vie, et conduit à Cambrai, il eut le bonheur d'être soulagé et consolé par l'immortel Fénélon. La paix de Rastadt l'ayant laissé sans emploi, il passa en Russie, et se fit aisément remarquer du monarque le plus habile à discerner tous ceux dont les talens pouvaient seconder ses grandes entreprises. Le fameux canal de Ladoga avait été commencé sur de mauvais principes qui en compromet taient le succès. Munnich releva toutes les fautes des ingénieurs, et Pierre lui confia la direction du canal. Dès que ce monarque vit réussir, par les soins de Munnich, ce grand ouvrage, dont il avait presque désespéré, sa reconnaissance éclata par des honneurs tels qu'on en accorde aux généraux qui ont

Biren se partagent

ren (a), courlandais, qu'elle avait amené à sa suite; aidée aussi de la petite noblesse russe, qui voyait avec envie l'élévation des grandes familles, elle fit faire, dans la ville de Moscou, une émeute contre les Dolgorouki: ceux-ci, assaillis dans leur palais, virent qu'il était inutile de résister; ils attendirent ce qu'on Disgrace des ordonnerait de leur sort. Cruelle avec raffinement, la czarine annulla le pacte qu'ils lui avaient fait souscrire et les envoya se construire des huttes en Sibérie, à côté de celle de Menzicoff. Ce malheureux guerrier, après avoir fermé les yeux à celle

Dolgorouki.

remporté des victoires. La jalousie de Menzicoff s'éveilla, mais fut impuissante. Catherine ellemême se fit un devoir de défendre Munnich contre le ministre qui paraissait la subjuguer. Pierre II maintint dans ses emplois l'ennemi de Menzicoff, et la czarine Anne lui donna toute sa confiance.

>>

(a) La famille de Biren avait servi les ducs de Courlande dans les emplois les plus vils. « C'était, » dit Rhulières, un esprit altier, une ame féroce, » qui méditait froidement d'horribles cruautés, et prétendait s'en justifier par la nécessité de traiter » ainsi le peuple russe ». La vengeance qu'il tira des princes Dolgorouki, est une des plus épouvantables barbaries dont l'histoire fasse mention. Deux de ces princes furent roués, deux écartelés, et trois eurent la tête tranchée. Biren fit exiler plus de vingt mille personnes en Sibérie.

de ses filles qui avait été désignée impératrice, venait de succomber à ses chagrins,

et sa femme l'avait suivi de près au tombeau. Son fils et sa seconde fille virent leurs malheurs partagés par les auteurs de leur cruelle disgrâce: peu de temps après, ils furent rappelés à la cour, et eurent le bonheur de n'y obtenir aucune influence. Munnich et Biren, jaloux l'un de l'autre, mais rapprochés par la politique, se partageaient l'autorité. Ces deux hommes, sous le règne de la czarine Anne, lequel fut de dix ans, forlifièrent, étendirent tous les ressorts de grandeur que Pierre avait donnés à son empire; et la France, comme nous l'allons voir, fut humiliée par les armes d'un peuple qui avait été si long-temps ignoré de l'Europe Méridionale. Cet événement, ainsi que la guerre de 1733 dont il fait partie, fut occasionné par la prétention qu'eurent la France et la Russie, de donner chacune un roi à la Pologne. Voyons d'un coup d'œil rapide ce qui se passait dans cet État, que ses mauvaises lois et ses dangereux voisins menaçaient à l'envi.

Courlande.

Auguste II, roi de Pologne et électeur de Affaires de Saxe, prince aimable et voluptueux, peu distingué dans la guerre, mais habile dans la

paix, avait su régner à côté de l'anarchie. Malgré son faste, il avait amassé des richesses qui lui étaient particulièrement utiles pour éviter une dépendance trop servile de la Russie. Pierre-le-Grand, comme nous l'avons vu, l'avait menacé de son ressentiment, Des présens répandus dans la cour du czar avaient attiédi une colère si redoutable. Auguste respirait depuis la mort de Pierre. Cependant des troubles, qui s'élevèrent dans le duché de Courlande, État allié de la Pologne, furent pour lui une source de chagrins et d'humiliations. Le peuple s'était soulevé en 1726 contre le duc régnant; et, soit qu'il eût été excité par le roi Auguste, soit qu'il songeât seulement à s'en faire un appui, il avait offert la couronne ducale au comte Maurice de Saxe (a), fils naturel que ce monarque avait

(a) Maurice, comte de Saxe, naquit à Dresde le 16 octobre 1696. Ses penchans héroïques s'annoncèrent dès l'enfance. Son ardeur pour les exercices dans lesquels il déployait une force et une adresse prodigieuses, lui fit d'abord négliger toutes les études qui demandaient l'application de l'esprit. On ne put lui apprendre d'autre langue que le français. Il se sentit depuis humilié par son défaut d'instruction, et parvint à acquérir, sinon une grande variété de connaissances, du moins beaucoup d'activité et de netteté dans le travail. A l'âge de douze

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