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demande une autre retraite dans le Piémont, Cette seule démarche inspira des craintes sérieuses au roi Emmanuel; bientôt il accusa son père d'avoir fait une conspiration pour remonter sur le trône. Victor-Amédée fut arrêté avec une indigne violence; c'était pendant la nuit, il était couché auprès de sa femme. Un détachement de grenadiers entre dans sa chambre avec des armes et des flambeaux. Amédée se fait reconnaître à eux comme le roi qui les a conduits si souvent à la victoire. Il lutte contre ceux qui veulent l'entraîner. Sa femme, qui le défend, est exposée aux coups des soldats. On le jette dans une voiture, on le conduit dans la prison de la Révole, et sa femme est renfermée avec les plus viles prostituées.

Au récit de cet événement, la France entière parut demander la guerre pour la délivrance du grand-père de Louis XV. Le gouvernement fut sourd à ce vou. Lonis avait été moins ému que ses sujets de cette catastrophe. Le cardinal de Fleury reprochait au roi Victor de l'avoir trompé plusieurs fois sous le voile de la confiance et de l'amitié. La guerre qu'il détestait ne lui paraissait justifiée que par un grand intérêt national. Il disait que les rois ne sont point les vengeurs des

injustices commises par d'autres rois dans leurs propres États; et qu'enfin celui qui, en suivant les conseils d'une politique perfide, s'était armé contre les époux de ses deux filles, n'avait que trop mérité un fils ingrat. Une grande partie du conseil représentait au ministre que l'on devait à la dignité du trône et aux droits du sang une intercession énergique et pressante en faveur du malheureux Victor; mais Fleury, qui jouissait en secret de l'humiliation d'un monarque dont il avait été la dupe, continua de rester muet sur cet événement, comme si la cour de France devait y être entièrement indifférente. Cependant le roi Charles-Emmanuel fit cesser, après quelques mois, des rigueurs qui étaient un sujet d'indignation pour l'Europe. Victor-Amédée fut libre, et sa femme 1732.

lui fut rendue. Il mourut dans la même année, to novemb. sans prononcer de malédiction contre son fils.

Affaires

Je viens de représenter l'état du midi de l'Europe avant la guerre de 1733. C'est dans du Nord. le Nord que nous trouverons les causes de celte guerre. Jetons un coup d'œil sur les événemens politiques de ces contrées.

Trois règnes avaient fini, et un quatrième avait commencé en Russie dans l'espace de six ans. Il est nécessaire de ne pas perdre

Russie.

de vue les révolutions de cet empire, parce qu'elles eurent souvent une grande influence sur les destinées de l'Europe, et même sur les intérêts de la France.

Le czar Pierre, après avoir fait mourir son fils, continua de suivre avec violence les réformes qu'il avait entreprises. La paix qu'il conclut avec le nouveau roi de Suède (a) et qui lui laissait presque toutes les conquêtes faites sur ce malheureux royaume, la manière dont il sut faire respecter à l'Angleterre même sa marine naissante, de grands succès obtenus contre la Perse à laquelle il arracha trois provinces, la ville de Pétersbourg achevée sur un plan magnifique, de beaux ports construits sur toutes les mers de son vaste empire, des manufactures établies, l'agriculture encouragée, un canal qui joignait la Baltique à la mer Caspienne, enfin un peuple nouveau sortant à sa voix des déserts tels furent les derniers travaux d'un homme qui put tout réformer, excepté son violent caractère Il s'était fait donner le titre

(a) La paix entre la Russie et la Suède fut signée à Neustadt en Finlande le 21 septembre 1721. Par ce traité, la Russie se fit céder la Livonie, l'Esthonie, l'Ingrie, la Carélie, le pays de Wiborg et -plusieurs îles voisines.

d'empereur (a), en bravant la jalousie de l'Autriche. Ses peuples lui avaient décerné le surnom de Grand. Catherine exerçait tou jours sur lui le même ascendant; il l'avait fait couronner impératrice, sans entendre par là lui donner aucun droit de régner après sa

mort.

Derniers

événemens de la vie

Pierre I.

Le malheureux Alexis avait laissé un fils en bas âge, que tout l'empire croyait des- da czar tiné au trône. Le czar Pierre avait deux filles de Catherine; il maria l'une, Anne Petrowna, au duc de Holstein - Gottorp; la seconde était la princesse, depuis czarine Elisabeth. Il n'avait rien réglé sur sa succession. Il ne se ralentissait ni dans ses débauches, ni dans les nobles fatigues du gouvernement de ses États. Quelques jours avant sa mort, il avait fait un nouvel acte de cruauté ou de justice sévère; il avait envoyé au supplice un chambellan de Catherine, soit, comme il le fit annoncer, parce que cet homme avait reçu des présens pour des grâces qu'il promettait de faire obtenir; soit, comme on l'a cru, parce qu'il était aimé de l'impératrice. La sœur de ce chambellan avait été con

(a) Ce n'est qu'en 1763 que la France a reconnu le titre impérial comme attaché au trône de Russie.

Sa mort.

damnée à recevoir le knout. Peu de temps après celle exécution, et dans le moment où l'on se demandait si la colère du terrible em

pereur n'allait pas tomber sur son épouse, il fut frappé d'un mal qui se déclara avec beaucoup de violence. C'était un abcès à la vessie. Le czar mourut le 8 février 1725. Les régimens des gardes étaient assemblés; le prince Menzicoff (a) parcourait les rangs;

(a) Alexandre Menzicoff, ainsi que plusieurs personnages célèbres, s'éleva à la puissance et à la gloire, en faisant d'abord le métier de bouffon. Dénué, dans sa jeunesse, de toute instruction et de tout appui, il amusait les soldats de la garde en leur vendant des pâtisseries. Le czar Pierre fut un jour attiré par les éclats de rire qu'occasionnaient ses jeux; il entretint Menzicoff, fut charmé de son esprit, de son bon sens, de sa franchise, autant que de sa gaîté, et depuis ce moment ne put se passer d'un homme qui dissipait ses ennuis et entrait avec ardeur dans tous ses projets. Menzicoff fit bientôt connaître ses talens pour la guerre. II gagna, en 1706, auprès de Kalisch, la première bataille rangée, où les Russes triomphèrent des Suédois. Ce fut lui qui conçut l'habile plan de campagne qui mit un terme aux conquêtes et à la fortune de Charles XII. Personne ne contribua plus que lui à la victoire de Pultawa. Pierre Ier fut assez grand pour n'être point jaloux d'un général qui partageait l'honneur de ses brillans succès. Menzicoff se distinguait éga

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