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CHAPITRE CCXVII.

Comment le duc de Clarence assiégea Gisors et le conquit; du siége de Saint-Martin-le-Gaillard; et autres besognes faites par les François et Anglois.

ASSEZ bref ensuivant, le roi d'Angleterre fit assiéger puissamment la ville de Gisors par le duc de Clarence, son frère; dedans laquelle étoient capitaine Lyonnet de Bournonville, et dedans le châtel, Daviod de Gouy. Lesquels desdits Anglois furent tant approchés, qu'en la fin de trois semaines, après le siége mis, rendirent ladite ville et forteresse, en partie par faute de vivres, au duc de Clarence, par si qu'ils s'en iroient atout (avec) leurs gens, saufs leurs corps et leurs biens; et les habitants de la ville demeureroient obéissants audit roi d'Angleterre, en faisant à lui serment de loyauté. Et ainsi se départirent les dessusdits, et s'en allèrent à Beauvais devers le sire de l'Ile Adam. Et tôt après fut assise desdits Anglois la forteresse de Saint-Martin-le-Gaillard, dedans Jaquelle étoit Regnaut de Fontaines, messire Karados de Quesnes, avecque aucuns autres qui avoient toujours tenu la partie du dauphin et du duc d'Orléans.

Auquel lieu desdits assiégeants étoit capitaine un vaillant homme, nommé messire Philippe le Lis;

mais de ladite forteresse, nonobstant le siége, se partit secrètement par nuit, ledit messire de Karados, et alla à Compiègne devers le seigneur de Gamache, qui pour ce temps en étoit capitaine. Auquel il requit très instamment qu'il voulsît assembler gens pour lever le siége dessusdit.

Lequel sire de Gamache, au plus bref qu'il put, fit très grosse assemblée, et manda Antoine et Hue de Beaussaut, frères, et moult d'autres gentilshommes tenant la partie du dauphin, et aussi plusieurs tenant la partie de Bourgogne: tant qu'en tout assembla bien seize cents combattants ou environ, atout (avec ) lesquels il chevaucha en tirant au lieu dessusdit; et vint vers soleil levant au-dessus de ladite forteresse; et là, mit ses gens en ordonnance, et commit quatre cents combattants pour aller devant gagner les barrières qu'avoient faites lesdits Anglois.

Auxquelles barrières furent trouvés environ soixante Anglois gardant icelles, lesquels très âprement se défendirent et gardèrent le pas; mais enfin ils furent déconfits, et tous mis à mort, excepté aucuns qui se sauvèrent par fuite. Et adone ledit sire de Gamache, suivant ses gens assez roidement, entra en la ville où lesdits Anglois étoient logés; mais la plus grand' partie étoient déjà retraits (retirés) en une grand' église qui étoit en la ville, atout (avec ) leurs chevaux, et là très fort se défendirent. Et en conclusion, pource que les dessusdits Anglois pouvoient avoir bref secours

de leurs gens qui étoient sur les marches, le dessusdit sire de Gamache fit bouter le feu dedans la forteresse, et emmena sauvement ceux qui étoient dedans. Et furent à cette besogne faits nouveaux chevaliers, Antoine de Beaussaut, Gilles de Rouvroy, et aucuns autres.

En après, dedans les huit jours ensuivant. le comte de Hautiton (Huntingdon ), capitaine de Gournay, en Normandie, assembla environ deux mille combattants Anglois des frontières de la marche; lesquels il conduisit jusques à un gros village nommé Poix, où ils se logèrent, et y firent plusieurs dommages; et de là allèrent à Breteuil, et livrèrent grand assaut au fort de l'abbaye. Et pour tant qu'ils y eurent de leurs gens morts, ardirent la ville, qui étoit moult puissamment amassée, et puis se tirèrent vers Clermont. Si prirent la tour de Vandeuil, et boutèrent le fen dedans; et après, en détruisant le pays par feu et par épée, atout (avec) infinis biens et un grand nombre de prisonniers, s'en retournèrent en leur garnison.

Et de l'autre côté, messire Philippe le Lis, pardessus nommé, qui se tenoit à Eu et Monchaux, couroit très souvent jusques à Abbeville, au Pontde-Remy, et par tout le Vimeu, dont le pays éloit très grandement désolé. Auxquelles courses et envahies, messire Jacques de Harcourt, qui se tenoit au Crotoy, et Hector de Saveuse, avec ceux de la garnison du Pont-de-Remy, bailloient très souvent de grands empêchements, et pareillement

en faisoient messire Louis de Thiembronne, te ceux qui étoient avec lui en la ville de Gamache.

CHAPITRE CCXVIII.

Comment le roi d'Angleterre fit assiéger les forteresses du ChâteauGaillard et de la Roche-Guyon, qui en la fin furent conquises; et autres matières.

EN ces mêmes jours le roi Henri d'Angleterre fit assiéger toutes les forteresses du Château-Gaillard et de la Roche-Guyon, lesquelles étoient deux des plus fortes places de la duché de Normandie; et les tenoient les gens du dauphin; mais, au bout de deux mois, la Roche-Guyon, fut rendue du consentement de la dame qui étoit dedans, audit roi d'Angleterre ; lequel présentement la donna à messire Guy le Boutellier; et avec ce, lui vouloit faire avoir ladite dame en mariage, mais oncques ne s'y voulut consentir, ainçois (mais) s'en alla avec ses gens hors du pays, en délaissant sadite forteresse. Et le Château-Gaillard, qui étoit au roi de France, se tint seize mois; au bout duquel terme se rendit par faute de ce que les cordes dont ils tiroient l'eau leur étoient faillies. Et en étoit capitaine, messire Olivier de Mauny, qui avoit avec lui six vingts gentilshommes ou plus. Et tenoient le siége, les comtes de Hautiton (Huntingdon ) et de Kime.

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Et durant les choses dessusdites, avoit plusieurs Dauphinois et Bourguignons qui avoient grand' confidence et communication les uns avec les autres, depuis le traité de la paix, espérant qu'icelle dût être perdurable. Et s'assembloient très souvent en plusieurs lieux, d'un commun accord, pour faire guerre aux Anglois, anciens ennemis du royaume de France: mais la roue de fortune y pourvut par telle manière, que dedans brefs jours ensuivant furent en plus grand' tribulation et haine l'un contre l'autre, que jamais n'avoient été, comme ci-après sera déclaré.

CHAPITRE CCXIX.

Comment le duc de Touraine vint à grand' puissance à Montereau, où faut Yonne, où il manda le duc de Bourgogne, qui étoit à Troyes en Champagne, lequel fut mis à mort piteusement.

On est vérité qu'après que Charles, duc de Touraine, eut visité les duchés de Berri et de Tours, se tira, atout (avec) vingt mille combattants, ou environ, à Montereau, où faut Yonne. Et tôt après sa venue, envoya à Troyes, en Champague, messire Tanneguy du Châtel, et autres de ses gens, atout (avec) certaines lettres signées de sa main, par lesquelles il écrivoit très affectueusement audit duc de Bourgogne, que pour conclure

CHRONIQUES DE MONSTRELET. T. IV.

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