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avoient tant traité ensemble que pour les faire convenir à certain jour en personne l'un avec l'autre; et mêmement avoient élu lieu et place où ils se devoient assembler. Et pour icelle besogne accomplir, vint ledit dauphin de Tours par Montargis à Melun, atout (avec) grand' puissance de gens d'armes. Et pareillement le duc de Bourgogne, accompagné du jeune comte de Saint-Pol, son neveu, messire Jean de Luxembourg, et de moult d'autres seigneurs, avecque grand nombre de gens d'armes, se partit de Pontoise, et alla à Corbeil, la dame de Giac en sa compagnie, qui, en partie, avoit été traiteresse (médiatrice) d'icelle assemblée. Et le lendemain, qui fut le onzième jour de juillet, se mirent les dessusdits princes sur les champs, chacun atout sa puissance; et encontrèrent l'un l'autre environ à une lieue près de Melun, emprès Pouillyle-Fort; auquel lieu ils vinrent à deux traits d'arc ou environ, et firent arrêter leurs batailles, et parti. rent hors d'icelles chacun atout (avec) dix hommes de leur partie, tels qu'ils les voudroient prendre; et allèrent au milieu desdites batailles l'un contre l'autre. Si descendirent à pied. Et lors le duc de Bourgogne, approchant le dauphin, s'inclina moult humblement par plusieurs fois. Et ledit dauphin en ce faisant prit ledit duc par la main, qui étoit à genoux, et le baisa; et puis il le voulut faire relever, mais il ne le voulut, et lui dit : « Monseigneur, je sais bien comment je dois parler à vous. » Toutefois, en faisant les choses dessusdites, ledit

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dauphin leva icelui duc, et lui pardonna toutes ses offenses, si aucunes en avoit faites contre lui; et avecque ce lui dit : « Beau-cousin, si au traité fait » entre vous et nous, a aucune chose qui ne soit » à votre plaisir, nous, voulons que le corrigiez, et désormais en avant voulons et voudrons ce que >> voulez et voudrez: de ce ne soyez en doute. » Finablement, après plusieurs paroles, les deux princes dessusdits, et aucuns de leurs gens là étant, jurèrent la paix à entretenir perdurablement l'un avecque l'autre ; pourquoi s'assemblè rent leurs gens tous ensemble criant Noël ! les aucuns montrant grands signes d'être joyeux et maudissant tous ceux qui jamais porteroient armes pour si damnable querelle. Et après qu'ils eurent été une espace en cet état, montrants grands signes de liesse et d'amour l'un à l'autre, le dauphin monta à cheval, et le duc lui tint l'étrier, nonobstant que moult de fois lui priât que de ce il se déportât (dispensât). En outre le duc de Bourgogne monta à cheval, et tous les autres, chevauchant un petit ensemble, et puis prenant congé révéremment l'un à l'autre se départirent ; et s'en alla le duc de Touraine à Melun, et le duc de Bourgogne à Corbeil.

CHAPITRE CCXIV.

S'ensuit la copie des traités d'entre Charles, duc de Touraine, dauphin, et le duc Jean de Bourgogne.

« CHARLES, fils du roi de France, dauphin de Vienne, duc de Berri et de Touraine, comte de Poitou, et Jean, duc de Bourgogne, comte de Flandre, d'Artois et de Bourgogne, palatin, seigneur de Salmes et de Malines, à tous ceux qui ces présentes lettres verront ou orront, salut.

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Comme pour l'occasion des grands divisions, qui depuis certain temps en ça ont régné en ce royaume, aucunes suspicions se soient engendrées en nos cœurs et de plusieurs nos officiers, vassaux et serviteurs, les uns contre les autres, pourquoi et pour aucunes imaginations, avons conclu d'entendre d'un commun accord aux grands faits et besognes de notre sire le roi et de son royaume, et résister aux damnables entreprises et efforcements des Anglois nos anciens ennemis, qui, sous ombre et par le moyen desdites divisions, se sont enhardis d'eux bouter au milieu de ce royaume, et de fait ont conquêté et occupent une grand' partie de la seigneurie du roi notre sire, et pourroient encore plus faire si les choses étoient en celle ou semblable disposition; nous faisons savoir

qu'attendant et considérant si grands maux et innumérables inconvénients, qui, pour le fait desdites divisions, si elles n'étoient apaisées, pourroient encore plus ensuivir, au très grand confondement et perdition de cette seigneurie, qui redonderoit à un chacun de nous, à qui la chose plus touche qu'à nul autre, à très grand' charge et confusion, désirant, comme nous y sommes tenus, de à ce remédier et pourvoir de tout notre cœur et affection:

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Pourquoi, après aucuns traités sur ce eus, et pourparlers entre aucuns de nous d'une partie et d'autre, derechef aujourd'hui nous sommes assemblés, et d'un commun accord et consentement, pour l'honneur et révérence de Dieu principalement, et aussi pour le bien de la paix, à qui chacun bon catholique est et doit être enclin, et à relever les pauvres peuples des dures et grands oppressions qu'à cette cause ont souffert, nous avons promis et juré, en la main de révérend père en Dieu, Alain, évêque de Léon, en Bretagne, envoyé à nous du saint siége apostolique, pour le fait de l'union et paix du royaume, sur la vraie croix et saintes évangiles pour ce attouchés de nos mains, par la foi et serment de notre corps, fait l'un à l'autre sur notre part de paradis, en parole de prince et autrement, en outre que faire se peut, les choses qui s'ensuivent.

» Et premièrement nous, Jean, duc de Bourgogne, tant comme nous vivrons en ce monde, nous, après la personne du roi notredit seigneur, ho

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norerons et servirons de tout notre cœur et notre pensée, plus que nuls autres, et aimerons la personne de notredit seigneur le dauphin; et, comme à son état appartient, à lui obéirons ; et ne ferons ni souffrirons être fait à notre pouvoir aucune chose qui soit à son préjudice, et de tout notre pouvoir lui aiderons à garder et maintenir son état en toutes manières; et lui serons toujours vrais et loyaux parents, procurerons son bien et honneur, et eschèverons (éviterons) son mal et son dommage par toutes voies à nous possibles, et de ce nous l'avertirons. Et s'il advenoit qu'aucun, de quelque état qu'il fût, lui voulsît faire guerre ou porter dommage, nous, en ce cas, le servirons et aiderons de toute notre puissance contre tous, comme pour notre propre fait.

» Et pareillement, nous, Charles, dauphin dessusdit, si longuement qu'il plaira à Dieu nous donner vie au corps, à quelque état, domination et puissance qu'au temps à venir pourrions venir, toutes choses faites mises en oubli, de bonne foi nous aimerons notre très cher et très aimé cousin le duc de Bourgogne dessusdit, et en toutes ses affaires et besognes, le traiterous comme notre prochain et loyal parent, voudrons et procurerons son bien, honneur et profit, et eschèverons (éviterons) son mal, le garderons et maintiendrons en son état, et en toutes ses affaires et besognes le traiterons ; et si aucun, de quelque état qu'il fût, le vouloit gréver d'aucune chose, nous le soutiendrons et

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