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CHAPITRE CCX.

Comment l'ambassade du roi d'Angleterre alla devers le roi de France et le duc de Bourgogne, à Provins, et autres besognes faites en ce temps sur les frontières.

Le roi de France et le duc de Bourgogne étant à Provins, allèrent devers eux en ambassade, de par le roi d'Angleterre, les comtes de Warwick et de Kime, lesquels étoient conduits par aucuns des gens du duc de Bourgogne. Et en leur chemin furent assaillis assez près de Chammes en Brie, par Tanneguy du Châtel, et autres Dauphinois, qui au commencement prirent et gagnèrent une partie des chevaux et bagues desdits Anglois. Mais en la conclusion, les dessusdits Dauphinois furent déconfits; et en demeura en la place bien quarante hommes d'armes; et les autres, avec ledit Tanneguy se retrahirent à Meaux.

Après, iceux Anglois s'en allèrent à Provins, où ils besognèrent avec le duc de Bourgogne et conseil du roi ; et de là s'en retournèrent à Rouen devers le roi d'Angleterre. Et lors, pour donner consolation aux Parisiens, leur fut envoyé Philippe, comte de Saint-Pol, neveu du duc de Bourgogne, âgé de quinze ans ou environ, lequel, audit lieu de Paris, fut constitué lieutenant du roi. Et avec ce

leur fut envoyé le chancelier de France, c'est à savoir maître Eustache de Lactre, pour en ladite ville demeurer, et appointer les besognes illec survenues, tant en justice comme sur le fait de la guerre. Et lors fut fait prévôt de Paris messire Gilles de Clamecy, en destituant le Veau de Bar, bailli d'Auxois.

Auquel temps Hector de Saveuse fit une grand' assemblée de gens d'armes au pont de Remy, lesquels il mena courre devant le châtel de Monchaux, en la comté d'Eu, que tenoient les Anglois. Lesquels saillirent vigoureusement contre ledit Hector et ses gens, et y eut très dure escarmouche, en laquelle ledit capitaine de Maulevrier prit prisonnier ledit Hector, et le mena grand' espace; mais depuis fut rescous (délivré ) par ses gens, qui tuèrent environ douze desdits Anglois; et si fut pris un gentilhomme d'armes nommé Jouan Chervie. Après laquelle besogne s'en retournèrent tous ensemble au pont de Remy.

En pareil cas, messire Louis Burnel, Guichard, son frère, Gauvain et Jean de Harselances, avec eux plusieurs gentilshommes qui se tenoient en la ville de Gamache, faisoient très forte guerre aux dessusdits Anglois; et souvent en tuoient, prenoient prisonniers et détroussoient plusieurs; et aussi faisoient moult de travaux aux villes et paysans, qui étoient rendues auxdits Anglois.

Et de l'autre côté, messire Jean de Luxembourg étoit fort embesogné sur les frontières de la comté

de Guise, pour résister aux entreprises que chacun jour faisoient la Hire, Poton de Sainte-Treille', et autres capitaines tenant la partie du dauphin. Et aussi avoit la charge de garder vers Roye, Montdidier, et autres forteresses contre ceux de Compiégne; pourquoi il falloit qu'il entreprît grand' foison de gens d'armes sur iceux pays.

CHAPITRE CCXI.

Comment le duc de Touraine faisoit forte guerre en plusieurs parties du royaume; de l'entreprise de Lyonnet de Bournonville et Daviod de Gouy, et autres matières.

EN ce temps se tenoit le duc de Touraine, dauphin, en la ville de Tours, laquelle, comme dit est ailleurs, il avoit reconquise. Et menoient ses gens forte guerre à la ville de Chartres, et autres forteresses au pays tenants la partie du duc de Bourgogne; et se rendit en son obéissance la ville de Bonneval, et aucunes autres places audit pays de Chartrain.

Durant laquelle tribulation, Lyonnet de Bournonville, beau-frère du seigneur de l'Ile-Adam,

1. C'est celui qui est connu sous le nom de Poton de Xaintrailles.

maréchal de France, et Daviod de Gouy, qui étoient très experts en armes, se tenoient à Gisors sur la frontière des Anglois; auxquels par plusieurs fois firent de grands dommages. Et par espécial, en la villede Ferry-Fontaine, un certain jour étoient logés bien huit cents Irlandois, et deux cents Anglois ou environ, sur lesquels les dessusdits de Bournonville et de Gouy, accompagnés tant seulement de trois cents combattants ou environ, allèrent férir par nuit dedans ledit logis, où ils les trouvèrent en la plus grand' partie dormants tout désarmés en plusieurs maisons, sans être sur leur garde; et là très vigoureusement les commencèrent à tuer en plusieurs parties. Et les aucuns d'iceux, oyant le cri, se boutèrent en aucunes loges et maisons, eux défendants au mieux qu'ils pouvoient; mais tantôt les dessusdits boutèrent les feux èsdites maisons; et finablement tant d'ars comme de morts y en demeura sur la place bien quatre cents, et si en prirent environ cent; et les autres se sauvèrent par les bois au mieux qu'ils purent. Atout lesquels prisonniers, et foison de bagage s'en retournèrent audit lieu de Gisors, très joyeux de leur victoire.

A près, environ la Pâque fleurie, le roi de France, la reine et le duc de Bourgogne, avec tout leur état, s'en allèrent demeurer en la ville de Troyes en Champagne; auquel lieu par les habitants de la ville furent reçus très honorablement, et y solennisèrent la fête de Pâques, et avec eux plusieurs seigneurs.

CHAPITRE CCXII.

Comment messire Jean de Luxembourg, atout (avec) six cents combattants ou environ, alla en la comté de Brienne devers son frère; et la détrousse de Hector de Saveuse.

Au commencement de cet an, messire Jean de Luxembourg, accompagné de Hector de Saveuse et de six cents combattants ou environ, alla, par Vermandois, Laonnois, et Reims, jusques à Brienne, où étoit le comte de Conversan son frère; et eux deux ensemble firent grand' guerre aux Dauphinois, qui par avant avoit dégâté ledit comté de Brienne. Et ardirent les faubourgs de Vitry; et aussi coururent et dégâtèrent grand' partie du Barrois et de la comté de Grand-Pré. Après lesquelles besognes se départit ledit de Luxembourg, laissant une partie de ses gens avec son étendard au gouvernement dudit Hector, lequel, dedans quinze jours ou environ ensuivant, se partit dudit pays, par le congé dudit comte de Conversan, atout (avec), trois cents combattants et ledit étendard, pour retourner en Artois; mais, en passant par la Champagne, fut envahi des Dauphinois qui se tenoient à Montagu. Et nonobstant qu'iceux Dauphinois ne fussent pas en si grand nombre qu'étoit icelui Hector, si gagnèrent-ils la besogne. Et fut ledit étendard perdu; et avec ce y furent

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