Imágenes de página
PDF
ePub

roit en dedans le quatrième jour après Noël, et sur ce retournèrent en ladite ville de Rouen au mieux qu'il purent, en grand péril pour le danger des assiégeants; et racontèrent à leurs gens ce qu'ils avoient besogné.

En outre, iceux assiégés de mal en pis étoient en grand' tristesse, et n'est nul qui sût raconter les grands misères et pauvretés que le menu peuple y souffrit de famine : car, comme il fut su véritablement, il mourut durant ledit siége, outre le nombre de cinquante mille personnes par ladite famine. Et mêmement les aucuns, quand ils véoient porter viandes par les rues, comme tout désespérés, y couroient pour la tollir. Et souvent en ce faisant souffroient qu'on les battît et navrât très cruellement; car par l'espace de trois mois entiers ne furent vendus quelques vivres dedans icelle ville sur les marchés; ainçois (mais) les vendoit-on à couvert. Et ce qui par avant le siége étoit vendu un denier du roi, on le vendoit lors vingt, trente ou quarante deniers; et encore pour nulle finance n'en pouvoient recouvrer le pauvre peuple. Pourquoi, comme dit est, y eut durant ledit siége dedans icelle ville moult de tribulations, lesquelles seroient trop longues à raconter. Et pouvoit être, quand les ambassadeurs, dont dessus est faite mention, retournèrent devers le roi et le duc de Bourenviron mi-décembre

gogne,

Durant lesquelles tempêtes messire Jacques de Harcourt et le seigneur de Moreul assemblèrent

deux mille combattants ou environ, lesquels ils menèrent à deux lieues près desdits Anglois et de leur siége, en intention de faire sur eux aucune détrousse; et se mirent en embûche en deux lieux à l'avantage assez près l'un de l'autre pour voir leurs ennemis venir. Et après, ordonnèrent leurs coureurs bien six vingts hommes d'armes, lesquels allèrent férir en un village assez près du siége, où il y avoit aucuns Anglois, qui tantôt par iceux furent morts et pris, sinon aucuns qui par bons chevaux se sauvèrent et fuirent à leur ost très fort criant à l'arme, disant qu'ils avoient vu les François en grand nombre.

Et adonc tout soudainement furent lesdits Anglois tout émus et mis en armes ; et incontinent le roi d'Angleterre commanda au seigneur de Cornouaille, qu'il montât à cheval atout (avec) six cents combattants, et allât savoir quels gens c'étoient. Lequel de Cornouaille, sans délai, atout (avec) les dessusdits, s'en alla très vigoureusement, menant avecque lui aucuns de ceux qui avoient apporté les nouvelles; et assez bref trouva lesdits François, lesquels, voyant lesdits Anglois en trop grand nombre pour eux, retournèrent tantôt en tirant très fort devers leur embûche, auxquels ils dirent la venue des dessusdits Anglois. Et ledit Cornouaille, par bonne ordonnance, chevaucha très vitement après eux ; et tant les approcha que tout pleinement pouvoient voir les uns les autres. Et lors les François étant en embûche, comme dit est, se mi

rent les aucuns en ordonnance pour aller vers leurs ennemis, et les autres, pour la plus grand' partie, tournèrent le dos et se mirent à la fuite Pourquoi les dessusdits Anglois, ce voyant, de grand courage frappèrent en eux, et finablement les mirent à desroy à très petite perte de leurs gens, et à la grand' confusion desdits François : car ce jour furent que morts que pris bien douze vingts hommes d'armes. Entre lesquels y fut pris le dessusdit seigneur de Moreul, Butor, bâtard de Croy, et moult d'autres gentilshommes de noble état; et ledit messire Jacques de Harcourt se sauva avecque les autres par bon cheval: pour laquelle victoire leditCornouaille, atout (avec) ses prisonniers, s'en retourna audit siége moult joyeux.

CHAPITRE CCVIII.

Comment le roi de France eut plusieurs conseils pour lever le siége de Rouen; de la reddition d'icelle ville au roi d'Angleterre, et autres matières.

EN après, le roi de France, la reine sa femme, et le duc de Bourgogne, étant à Beauvais, comme dit est dessus, et avec eux moult d'autres grands seigneurs, tant d'église comme séculiers, tinrent plusieurs conseils pour savoir comment ni par quelle manière on pourroit bailler secours à ceux

de la cité de Rouen. Mais en la conclusion fut avisé que le roi et le duc de Bourgogne n'étoient pas de présent assez puissants pour combattre le roi d'Angleterre ni lever son siége. Et pour tant, on congédia la plus grand' partie des gens d'armes qu'on avoit assemblés, et ceux des bonnes villes, excepté aucuns qui furent inis en garnison sur les frontières, tant contre les Anglois comme aussi contre les Dauphinois. Après lesquelles conclusions dessusdites, le roi, la reine et le duc de Bourgogne, accompagnés de Bourguignons, et autre grand nombre de gens d'armes de Beauvais, par Creil et Lagny-sur-Marne s'en allèrent à Provins. Pour laquelle départie moult de gens furent moult émerveillés.

Si furent icelles nouvelles noncées à ceux de la ville de Rouen; et leur fut mandé secrètement par le duc de Bourgogne, qu'ils traitassent pour leur salvation avec le roi d'Angleterre au mieux qu'ils pourroient. Et adonc, quand les nouvelles furent épandues et publiées en icelle ville, ne faut pas demander s'il y eut grand deuil fait; car pour vrai tous les habitants d'icelle généralement en eurent si grand' douleur et tristesse au cœur, que plus ne pouvoient. Et quant à la plus grand' partie des gens d'armes, ils étoient moult émerveillés comment et par quelle manière ils pourroient saillir du danger où ils étoient. Néanmoins aucuns des capitaines, et avecque eux des plus notables de la ville, les reconfortèrent ce qu'ils purent. Et après

s'assemblèrent en la maison de la ville pour avoir conseil, comment l'un avec l'autre ils se auroient à conduire envers le roi d'Angleterre. En la fin duquel conseil fut conclu et avisé, puisqu'ils avoient perdu l'espérance d'être secourus par le roi de France et le duc de Bourgogne, et avec ce, qu'ils n'avoient plus quelques vivres pour eux entretenir, il convenoit par nécessité qu'ils traitassent avec leurs adversaires. Et lors envoyèrent un héraut devers le roi d'Angleterre, pour avoir un saufconduit pour six hommes aller devers eux ; lequel leur fut envoyé. Si ordonnèrent à faire cette ambassade deux hommes d'église, deux gentilshommes et deux bourgeois; lesquels étoient sages, prudents, et bien emparlés. Et allèrent tout droit devers la tente du roi; mais ils furent conduits ses gens au logis de l'archevêque de Cantorbie, qui avoit la charge, avec le comte de Warwick, de traiter. Et après que ils furent ensemble, y eut plusieurs matières ouvertes, à savoir à quelle fin ils pourroient venir; mais pour cette fois ne purent oncques obtenir ni avoir quelque traité, sinon que tous les hommes d'icelle ville se missent en la volonté du roi d'Angleterre ; et sur ce s'en retournèrent sans autre chose faire iceux ambassadeurs en leur ville; et derechef assemblèrent grand nombre des plus notables avec plusieurs de la communauté présents; lesquels firent leur relation, qui leur sembla être moult étrange.

par

Et fut dit par tous ceux là étant, que mieux ai

« AnteriorContinuar »