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l'autre moins, armés et habillés de vieils haubergeons, jaques, vieilles haches, demi-lances où il y avoit massues au bout, et autres habillements de pauvre état, atout (avec) lesquels s'en alloient, les uns sur méchants chevaux et juments, et les autres à pied, embûcher ès bois, vers où se tenoient les Anglois. Et quand ils en pouvoient aucuns prendre, ledit Tabary leur coupoit les gorges; et pareillement faisoit à ceux tenant la partie du dauphin; et ainsi en fit à plusieurs, dont grandement étoit haï des dessusdites parties.

CHAPITRE CCII.

Comment Henri, roi d'Angleterre, avec plusieurs Irlandois, assiégea la ville de Rouen, où se firent maintes escarmouches.

EN ces propres jours, Henri, roi d'Angleterre, avecque toute sa puissance et gens de guerre, et grand' multitude d'engins et artilleries, assiégea la très puissante et noble ville de Rouen, au mois de juin, devant qu'iceux assiégés pussent être pourvus de nouveaux grains. Et vint son avantgarde, à minuit, devant ladite ville, afin que ceux de dedans ne fissent envahie (attaque) súr eux. Et se logea ledit roi à la maison des Chartreux; et le duc de Glocestre fut logé à la porte Saint-Hilaire ; CHRONIQUES DE MONSTRELET.

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T. IV.

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et le duc de Clarence à la porte de Caux; le comte de Warwick à la porte de Martinville; et le duc d'Exestre (Exeter) et le comte Dorset à la porte de Beauvais; et devant la porte du châtel le comte Maréchal et le seigneur de Cornouaille; et à la porte de devers Normandie furent mis le comte de Hautidon (Huntingdon), de Salbery (Salisbury), de Kime, et le seigneur de Neuville, fils du comte Nosambellan (Northumberland); et devant Saintetherine, sur le mont, furent mis aucuns autres barons d'Angleterre.

Toutefois, devant que lesdits assiégeants pussent être fortifiés en leurs logis, furent par plusieurs fois envahis desdits assiégés; et y eut de grosses escarmouches, tant d'un côté comme d'autre. Mais lesdits Anglois, au plus tôt qu'ils purent, firent grands fossés entre la ville et leurs logis, sur lesquels fossés firent fortes haies d'épines: pourquoi desdits assiégés ne pouvoient être surpris ni travaillés, sinon par canons ou par traits. Et après firent en l'eau de Seine, à un côté et à l'autre, au jet d'un canon ou environ près de la ville, tendre des chaînes de fer: c'est à savoir, l'une étoit pied et demi dedans l'eau, la seconde en l'égalité de l'eau et la tierce étoit deux pieds dessus et ce firent, afin que par bateaux ne pussent avoir lesdits assiégés secours, et aussi qu'ils ne pussent vider par le cours de l'eau. Et avecque ce firent lesdits Anglois, en plusieurs et divers lieux, moult de fossés parfonds en terre, pour aller de logis en autres sans

pouvoir être atteints de traits, canons, et autres habillements de guerre desdits assiégés.

Ceux qui étoient dedans Sainte-Catherine, au bout du bois, rendirent le fort audit roi d'Angleterre, par faute de vivres, et s'en allèrent, tant seulement sauves leurs vies, sans emporter nuls de leurs biens.

Et avoit avecque lui ledit roi anglois en sa compagnie, bien huit mille Irlandois, dont la plus grand' partie alloient de pied, un de leurs pieds chaussé et l'autre nu, sans avoir braies, et pauvrement habillés, ayant chacun une targette et petits javelots, avecque gros couteaux d'étrange façon. Et ceux qui alloient sur chevaux n'avoient nulles selles, et chevauchoient très habilement sur bons petits chevaux de montagne; et étoient sur penneaux, assez de pareille façon que portoient les blatiers (marchands de blé) du pays de France. Toutefois ils étoient de pauvre et petite défense au regard des Anglois, et avecque ce n'avoient point habillements dont ils pussent grandement grever les François, quand d'iceux ils étoient rencontrés. Lesquels Irlandois, souvent durant ledit siége, avecque les Anglois, couroient le pays de Normandie et faisoient maux infinis et inestimables, ramenant à leur ost grands proies. Et mêmement lesdits Irlandois, de pied, prenoient petits enfants en berceau, lits et autres bagues, atout (avec) lesquels montoient sur vaches, portant lesdits petits enfants et bagues devant eux sur lesdites vaches;

et furent par plusieurs fois trouvés des François en tel état. Pour lesquelles courses, tant desdits Anglois, Irlandois, Bourguignons et Dauphinois, le pays de Normandie fut moult oppressé et le pauvre peuple détruit.

En outre, ledit roi d'Angleterre étant en son siége devant Rouen, fit devant les portes et murailles de ladite ville jeter plusieurs grosses bombardes et d'autres engins, pour icelle confondre et abattre. Et pareillement lesdits assiégés, par toutes les voies et manières qu'ils pouvoient aviser, grevoient leurs ennemis; c'est à savoir de bombardes, canons, engins volants, arbalêtes et autres instruments de guerre, faisant aussi plusieurs saillies, lesquelles seroient trop longues à raconter chacune à part soi. Mais pour vrai iceux assiégés se gouvernèrent très vaillamment.

Durant lequel siége, Laghen, bâtard d'Arly, étoit l'un des capitaines de tous ceux de dedans en qui ceux de la communauté avoient la plus grand fiance; et avoit la charge et garde de la porte de Caux. Devant laquelle vint un certain jour un chevalier anglois nommé messire Jean le Blanc, capitaine de Harfleur, sous le comte Dorset, qui requit audit Laghen à rompre trois lances contre lui, lequel lui accorda. Et prestemment, après qu'il sut armé, saillit dehors atout (avec) environ trente compagnons de pied ; et là, devant la barrière coururent de grand' volonté l'un contre l'autre. Mais ainsi advint que du premier coup, le chevalier an

glois fut traversé parmi le corps, et rué jus de son cheval; et avec ce fut traîné par force dedans la ville, où il mourut tantôt ; et eut icelui Laghen quatre cents nobles pour rendre le corps; et avec ce, fut généralement de tous ceux qui étoient dedans icelle ville moult honoré et exaucé pour la vaillance qui lui étoit advenue.

CHAPITRE CCIII.

Comment la sentence autrefois donnée contre maître Jean Petit fut rappelée ; de la prise de Lagny-sur-Marne ; de la venue du duc de Bretagne, et autres matières.

EN ces jours fut faite à Paris une procession. générale de toutes les églises de la ville, et fut la messe chantée en l'église Notre-Dame. Et endementiers (pendant) qu'on chantoit la messe en ladite église, fut fait un sermon solennel au parvis d'icelle, par un frère mineur, docteur en théologie. Et là étoient les conseillers du roi de France, comme le chancelier et autres, et le recteur et notables clercs de l'université, plusieurs grands seigneurs, le prévôt et autres notables bourgeois de Paris. Et si en y avoit auquel étoient les vicaires et autres officiers de l'évêque de Paris; lesquels, ayant sur ce puissance et commission générale spirituelle dudit évêque, lors malade à Saint-Maur

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