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voient mis à mort, saillirent hors de leur ville en grand nombre; mais ils ne furent pas trouvés ; car hâtivement s'étoient mis à sauveté. Si en firent grand' plainte au duc de Bourgogne, lequel demanda au dessusdit de Luxembourg, s'il avoit fait faire cette œuvre, et il répondit que non : toutefois il demeura mort. Et comme il fut informé, les principaux facteurs de cette besogne, furent Lyonnet de Vendôme, le bâtard de Roubaix, et autres leurs complices, jusques au nombre de douze compagnons, mauvais

garçons.

CHAPITRE CXCIX.

Comment le concile de Constance fut transmué par le pape Martin; de la prise du Pont-de l'Arche par le roi d'Angleterre, et autres matières.

En ce temps, par l'approbation du saint concile de Constance, pape Martin ordonna ledit concile général à être convoqué au cinquième an ensuivant, l'an mil quatre cents et vingt-trois, au mois d'avril. en cité et lieu habile, lequel lieu sera déclaré par lui ou son successeur un an devant. Et ainsi le pape se partit hors de Constance; lequel fut mené hors de la maison de l'évêque, l'onzième jour de juin, par Sigismond, roi d'Allemagne et de Hongrie, étant à pied et tenant le frein de sa mule. Et ainsi

le conduisit hors de la ville aux champs, et là le fit le pape monter à cheval, et puis alla tenir sa cour à Genève, où il fut environ trois mois.

Et en ces propres jours, Henri, roi d'Angleterre, vint à Louviers en Normandie, qui s'étoit mise en son obéissance, et de là alla loger à l'abbaye de Bon-Port, de l'ordre de Cîteaux, assez près du Pont-de-l'Arche. De laquelle ville et châtel dudit Pont étoit capitaine, de par le roi de France, messire Jean de Graville. Auquel fut envoyé, de par le roi Henri, le seigneur de Cornouaille, pour lui signifier qu'il rendît ladite ville en l'obéissance du dessusdit roi anglois. Auquel Cornouaille il fut répondu, , que ce il ne feroit pas. Et adonc ledit Cornouaille lui dit : « Graville, je vous affirme sur » ma foi que demain, malgré vous et vos aidants, passerai l'eau de Seine; et si je la passe, vous >> me donnerez le meilleur coursier que vous ayez ; » et si je ne la passe, je vous donnerai mon chapel » d'acier, lequel je vous ferai valoir cinq cents >> nobles. >>

>>

Après lesquelles paroles promises, se partirent assez contents l'un de l'autre. Et lors messire Jean de Graville manda gens hâtivement de toutes parts pour garder lesdits passages. Avec lequel s'assemblèrent messire Jacques de Harcourt, qui pour ce temps se tenoit à Estrepigny, et moult d'autres seigneurs et gentilshommes, jusques au nombre de huit cents combattants, et bien douze mille hommes du commun du pays. Toutefois, le lendemain,

comme ledit Cornouaille avoit promis, vint pour passer Seine atout (avec) huit petites nacelles, dedans lesquelles il se mit en l'eau, accompagné de son fils, âgé de quinze ans, de soixante combattants, et un seul cheval, chargé de petits canons et autres habillements de guerre. Si fit nager (naviguer) en une petite île, qui étoit au milieu de l'eau, de laquelle ils pouvoient pleinement traire sur les Francois dessusdits, qui gardoient le rivage. Lesquels François étant au nombre qui dit est dessus, sans faire aucune défense, se départirent en grand desroy (désordre), allant chacun où il pouvoit le mieux, sans tenir ordonnance; et ledit messire Jean de Graville s'en retourna au Pont-de-l'Arche, messire Jacques de Harcourt à Estrepigny, et les communes s'enfuirent ès bois.

Adonc, ledit Cornouaille et ses gens, ce voyant de l'île où ils étoient, passèrent outre par les bateaux dessusdits, et descendirent à terre. Si fit incontinent son fils chevalier, et tôt après passèrent par iceux bateaux, et autres qui furent amenés, environ mille combattants; desquels une partie allèrent escarmoucher avec Cornouaille devant le Pont-de-l'Arche, et les autres coururent les pays. Lequel Cornouaille, en parlant à messire Jean de Graville, lui dit qu'il s'étoit mal acquitté, et aussi les autres François, d'ainsi l'avoir laissé passer à si petite compagnie, attendu la grand' multitude qu'ils étoient. Et disoit outre et affirmoit, que s'il eût été en son lieu, atout (avec) ses soixante An

glois, il eût bien gardé le passage contre la puissance des rois de France et d'Angleterre.

En après, les Anglois dessusdits rassemblés, se logèrent en l'abbaye de Mortemer, en la forêt de Lihons. Pour lequel passage ainsi gagné, tout le pays de Caux, et autres marches à l'environ furent en grand effroi, non pas sans cause. Et le lendemain, le roi d'Angleterre fit passer l'eau de Seine à son frère le duc de Clarence, atout (avec) quatre mille combattants, et fit assiéger, des deux côtés de l'eau, la ville et le châtel du Pont-de l'Arche; et après fit faire un pont par-dessus Seine, au côté vers Rouen, pour passer à son aise quand bon lui sembleroit; lequel fut nommé le pont SaintGeorge; et se tint ledit siége environ trois semaines au bout duquel terme, ledit messire Jean de Graville, dessus nommé, rendit au roi d'Angleterre icelle ville et forteresse du Pont-de-l'Arche, , moyennant et par condition que lui et les siens se partirent sauvement avec tous leurs biens. Et par ainsi le roi d'Angleterre eut l'autorité de passer la rivière du tout à son plaisir; et y mit très grand' garnison de ses gens, pour la doute desquels la plus grand' partie des laboureurs du pays se rendirent fugitifs avec leurs biens.

CHAPITRE CC.

Comment le duc de Touraine fit guerre; de la prise de la ville de Compiègne par le seigneur des Boqueaux; du mariage du duc de Brabant, et autres matières.

On est vérité qu'en ce temps, messire Tanneguy du Châtel, le vicomte de Narbonne, Jean Louvet, président de Provence, maître Robert Masson, et aucuns autres gouverneurs du duc de Touraine, dauphin de Viennois, qui s'étoient partis de Paris, comme vous avez ouï, le commencèrent de plus en plus à induire de faire guerre contre le duc de Bourgogne et ses favorisants, jà-soit-ce que par plusieurs fois le dauphin eût été sommé et requis de par le roi son père, la reine et le duc de Bourgogne, de retourner avec eux, en lui offrant à lui faire tout honneur et obéissance; néanmoins n'y voulut aucunement entendre, mais commença de toutes parts à faire guerre, et se nommoit régent du royaume de France.

Esquels jours vinrent huit hommes tenant son parti, armés, couvertement à la portede Compiegne, au lez vers Pierrefons, avec un charreton menant bois dedans la ville. Et quand ils vinrent sur le pont, ils tuèrent un des chevaux de la charrette; pourquoi on ne put lever le pont-levis. Et tantôt

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