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DE MATHIEU DE COUSSY,

CONTINUATEUR D'ENGUERRAND DE MONSTRELET.

PROLOGUE.

tières, fust nécessaire la compiler, coucher, et mettre en ordre par homme de meilleur entendement.

Et commenceray mondit livre, depuis le vingt may mil quatre cents quarante-quatre', qui est la fin du dernier livre que fit et croniqua, en son temps, ce noble homme et vaillant historien, ENGUERRAND DE MONSTRELET, natif de la comté de Boullenois, qui trespassa prévost et citoyen de la cité de Cambray, duquel, pour ses œuvres, sera renommée, grand temps après son trespas; et durera iceluy mon premier livre.

Pource que, selon l'advis de plusieurs no- | ignorant; et que, pour traiter de si hautes mables, sages, puissants, prudents et vaillants hommes, est très nécessaire, convenable, et bien de raison que les adventures, nobles entreprises, conquestes, vaillances et faits d'armes qui, par les nobles et vaillants hommes ont esté faictes, et se font, et adviennent encore chacun jour et en ce très-chrestien royaume de France, et aussi en plusieurs autres pays, tant de la chrestienté comme des infidèles de nostre foy, soient mises et rédigées par escript❘ par aulcunes personnes ayant volonté et désir de telles matières poursuivre, tant pour en estre mémoire en temps advenir, comme afin que les cœurs des nobles hommes du temps présent et subséquent, qui verront ou orront ceste présente histoire, soient plus désireux, moyennant la grace de Nostre-Seigneur, et les nobles et honorables vertus et les bonnes mœurs dont ils sont et seront aournés, de parvenir à la haute et excellente vertu de proesse, en maintenant et gardant leurs seigneuries, et en servant loyalement leur souverain prince et naturel seigneur :

Je, MATHIEU DE COUSSY, homme lay, natif de Quesnoy-le-Comte, en Hainaut, issu de par ma mère de noble génération, et extraict de la ville de Péronne, en Vermandois, en laquelle je fais à présent ma résidence, ay mis et formé mon propos de faire, escripre, et composer un livre, en prose et langaige maternel, des nobles faicts d'armes, conquestes et hautaines entreprises qui ont esté faictes en ce dit très chrestien royaume de France, ès pays voisins, et autres marches lointaines, jà-soitce que de ce je sois indigne, trop simple et

Si supplies et requiers à tous les lecteurs d'iceluy, que en suppléant à ma simplesse et ignorance, si aucune faulte est trouvée en la poursuite de ceste matière, la leur plaise, par bon, vray et certain jugement, bénignement corriger ou amender, et considérer que si longues et dangereuses matières ne se peuvent du tout peser à la balance, ne mettre au juste à la plaisance de toutes parties, tant pour les faveurs que par adventure aucuns escoutants y pourroient avoir, comme pour les divers rapports qui m'en ont esté faits; desquelles faveurs me suis gardé au plus destroit que j'ay peu. Et, pour icelles eschever', je me suis informé à plusieurs personnes de divers partis, et espécialement nobles, chevaliers, escuyers, et autres gens notables et dignes de foy; et pareillement à plusieurs roys d'armes, hérauts et poursuivants, de plusieurs partis, qui, de

Voyez Monstrelet. 2 Éviter.

leur droit, en doibvent estre justes enquéreurs sur la déposition desquels je me suis le plus arresté. Et, pour éviter de commettre faute, à mon debvoir et pouvoir, en ce présent traité, j'ay poursuivy ma matière sans partialité ny faveur aucune à l'une des parties plus qu'à l'autre; et me suis toujours informé diligemment, un an auparavant que aye rien mis ne couché par escript.

au

Or, au commencement de mondit livre, est mon intention d'ensuivre la matière que ledit feu Enguerrand laissa des trèves qui furent prises et confirmées à Tours en Touraine, mois de may, an et jour dessusdits, entre très excellents et très puissants, de très noble mémoire, Charles-le-Bien-Servy, roi de France, VIIe de ce nom, et Henry VI, roy d'Angleterre, son nepveu. Et, pour commencement, moyen et fin, je requiers et appelle en ayde la grace de Nostre-Seigneur.

CHAPITRE PREMIER.

Cy parle comment les aulcuns, atout faux visaiges, destroussoient les bonnes gens sur les chemins.

Est vray que, après les trèves et traités confirmés audit lieu de Tours, en Touraine, entre lesdits roys de France et d'Angleterre et leurs royaumes, les deux parties, c'est à sçavoir les François et Anglois, commencèrent à avoir grand' communication et hantise les uns avec les autres; et, par espécial, les marchands et gens de divers mestiers se bouttèrent fort avant; et pareillement, les laboureurs mirent fort les mains à l'œuvre, en espérant que, par le moyen desdites trèves, paix générale se deust ensuivre entre iceux oncle et nepveu. Et à la vérité icelles trèves vindrent trop bien à poinct auxdits Anglois, et aux bonnes villes et forteresses tenants leur party dans la duché de Normandie; car ils avoient grand danger, et estoient bien à l'estroit de plusieurs vivres et autres marchandises, par espécial de grains et de vins, parce que la guerre y avoit duré par longue espace de temps; et n'avoient eu desdites marchandises, sinon en grand péril et danger. Et, afin d'eux repourvoir et fournir, furent en très grand nombre, par terre et par eau, tant de la ville de Rouen comme d'autres villes, forteresses, et mesmes du plat-pays, à

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Paris et ailleurs, ès mettes de France, où ils levèrent et achetèrent très grand' abondance de vins, bleds, avoines, et autres besongnes à eux nécessaires, desquelles marchandises on avoit lors assez bon marché en iceluy royaume de France; et les remenoient par tout leur party, là où bon leur sembloit.

Semblablement, les François alloient, à leur plaisir, en ladite duché de Normandie, quérir et acheter ce que bon leur sembloit, et que trouver y pouvoient. Et s'entretint ce commerce assez longuement et paisiblement entre les parties, tant d'un costé comme d'autre, réservé qu'aucunes gens, qui avoient suivy la guerre, pleins de mauvaise vollonté et conscience, espécialement de ceux de la Normandie, se mirent sus en aucune des marches, et sur les chemins d'iceux pays de France et de Normandie, qui avoient faux visaiges, parquoy on ne pouvoit les reconnoître, et firent plusieurs destrousses et voleries sur iceux marchands. Mais assez tost après, tant par les conservateurs des trėves comme par les justiciers des deux parties, ils furent chassés et destruits; et y en eut partie d'exécutés atout leurs faux visaiges, pour leur démérites; et les mettoit-on en ce poinct aux arbres sur les chemins.

Par ainsi, demeurèrent les pays consolés et assez paisibles, qui auparavant avoient esté, à cause de la guerre, en grande désolation. De sorte que, de plus en plus, commencèrent les villages à se repeupler, et les terres à se mettre en labeur en divers lieux, et mesmement par aucuns de ceux mesmes qui avoient suivy et fréquenté ladite guerre, qui se mettoient à labourer et réédifier les pays très diligemment, aussi bien d'un party comme de l'autre.

Durant lequel temps, et qu'iceux appointements estoient ainsi encommencés, il y avoit beaucoup de gens qui en parloient en diverses manières, et chacun selon son plaisir ou affection, ainsi qu'il est assez accoutumé de faire de très long-temps. Et disoient aucuns, qu'à cause d'icelles trèves, le roy de France pouvoit avoir de grands intérests et dommages, attendu que, pour ce temps, il leur sembloit qu'iceluy roy avoit assez de puissance et armée preste pour entrer au pays de Normandie, et iceluy reconquérir sur ses adversaires, qui n'estoient bien puissants audit pays, et que les

Frontières.

bonnes villes et le peuple ne désiroient que retourner en son obéissance; et si mettoient avec ce la raison, et disoient que les Anglois avoient trouvé ce moyen, afin de se fortifier, tant de gens comme de vivres et habillements de guerre.

Autres y avoit qui affirmoient et disoient plusieurs raisons au contraire, et que c'estoit grandement à l'advantage dudit roy de France plus que du roy d'Angleterre, parce que durant le temps d'icelles trèves, les marchands, bourgeois et autres de la ville de Rouen, et autres bonnes villes et pays de l'obéissance des Anglois, qui iroient et repaireroient de pays à autre, comme de Paris et autres villes des marches de France, avec les François, où ils avoient plusieurs de leurs parents, amis et alliés, se pourroient réconcilier et confirmer les uns avec les autres; et, par ces moyens et autres semblables, s'il advenoit que la guerre recommençast, pourroient faire grand bien, en aydant à réduire et réconcilier les autres de leur party, avec les François du bon party. Et pareillement le pourroient faire plusieurs nobles dudit pays de Normandie, qui, en partie, comme contraints par long-temps, avoient tenu le party desdits Anglois. Toutesfois, bien que plusieurs en parlassent à leur plaisir, néantmoins il estoit à supposer qu'il n'y avoit aucune des parties qui n'entendist, à longue traitte, d'avoir en ce advantage sur son adverse partie.

CHAPITRE II.

Comment le daulphin de France et les Anglois allèrent au service du duc d'Autriche; et comment Floquet et Mathieu God passèrent par les pays du comté d'Estampes.

Audit an, mil quatre cents quarante et quatre, après les besongnes dessusdites accomplies, et que les François et les Anglois eurent chacun en droit soy assis leurs garnisons en lieux nécessaires sur les frontières, les gens d'armes du roy de France, en très grand nombre, s'entretenoient tousjours par grosses compagnies sur le plat pays, ainsi que de longtemps ils avoient accoutumé; dont le pauvre peuple estoit fort travaillé. Et entre ce temps le roy, qui très instamment estoit requis du duc d'Autriche, qu'il lui envoyast secours et ayde de gens de guerre, avec de ses capitaines, pour lui ayder à défendre ses pays et seigneuries que luy occupoient et conquéroient de plus en plus chacun jour les Suisses, qui sont gens de communauté très puissants et de hautain vouloir, conclud et délibéra avec son con

nes,

seil d'y envoyer une très puissante armée, car desjà estoit le mariage traité de sa fille aisnée, nommée Arragone, avec iceluy duc d'Autriche. Si fut commis chef d'icelle armée, Louis, aisné fils du roy, dauphin de Viennois, et avec luy le seigneur de Jallongne, mareschal de France; le seigneur de Bueil, le seigneur de Culan, messire Robinet d'Estouteville, chevalier; le seigneur d'Orval, Antoine de Chabale seigneur de Commersy, messire Gilles de Sainct-Simon, chevaliers; Blanchefort, Lestrac, Joachim Rouaut, messire Jean de Mongomery, chevalier d'Escosses; l'Espinasse, et plusieurs autres vaillants hommes de guerre, qui pouvoient bien faire le nombre de donze ȧ quatorze mille chevaux; desquels on estimoit y avoir bien six mille combattants, de bonne estoffe et conduite. Et si fut envoyé, de par le roy d'Angleterre, un sien capitaine, nommé Mathieu God', qui avoit en sa compaignie huit mille combattants ou environ, tant de la nation d'Angleterre, comme de celle de Normandie.

Or quand toute icelle armée fut preste, et que les ordonnances furent disposées sur le fait de leur conduite, il fut ordonné que ledit dauphin, le mareschal de France, et aucuns autres seigneurs, avec partie de leurs gens, tireroient devers Langres, et que les autres capitaines les suivroient par diverses marches et routes, ainsi qu'ils se pourroient assembler des frontières de Normandie, où ils estoient en plusieurs lieux. Entre les autres qui venoient de ceste marche, en estoit Robert de Flocques, dit Flocquet, qui prit son chemin pour venir devers Aumale, et passer assez près de la ville et cité d'Amiens; de là il tira vers le pays de Santers. Pareillement vint devers ceste marche le dessus nommé God, avec sa compaignie d'Anglois, et se logèrent ces deux capitaines journellement assez près l'un de l'autre, car ils se tenoient durant ce voyage comme frères d'armes, nonobstant que ledit Flocquet estoit François, et ledit Mathieu God Anglois. Or c'estoit leur intention de loger dans la ville de Lihons, en Santers; et en appro

'Radegonde, aînée des filles de Charles VII, avait été accordée en mariage à Sigismond d'Autriche, fils aîné de Frédéric V, duc d'Autriche, de Styrie, de Carinthie, comte de Hapsbourg et du Tyrol, par ùn traité du 22 juillet 1430. Les fiançailles eurent lieu cette même année à Insprück; mais la mort de Radegonde empêcha l'accomplissement du mariage.

2 Gough.

chant icelle, ledit Flocquet se logea à une ville nommée Pierrepont, appartenant au vidame d'Amiens. Et pour ce que la plus grande partie du pays de Santers et les pays des environs, appartenoient à Jean de Bourgongne, comte d'Estampes, seigneur de Dourdan, lieutenant et capitaine-général du duc de Bourgongne, son oncle, ès marches de Picardie, à cause des villes, prévostés et chastellenies de Péronne, Mont-Didier et Roye, dont il estoit en possession par certain traité, transport et octroy à luy fait auparavant par ledit duc, afin que lesdits François et Anglois ne logeassent ou fourrageassent icelles prévostés et chastelle nies, le susdit comte d'Estampes se mit sus à grosse compagnie de gens d'armes et de traict, tant des marches de Picardie, comme de Haynaut, et autres des pays d'icelui duc, et s'alla loger en icelle ville de Lihons, en Santers, où il ne séjourna guères car incontinent qu'il fut adverti que le susdit Flocquet et Mathieu God approchoient, il s'en alla loger en la ville de Moreul, qui est assez près dudit Pierrepont; en laquelle ville de Moreul, ledit Flocquet, par certain moyen, fut par-devers le comte d'Estampes, et lui amena Robert de Miraumont.

Après la révérence faite à chacun selon son estat, il y eut plusieurs devises et propos entre ledit comte et iceluy Flocquet, auquel ce comte requit qu'il ne voulust pas loger sur les chastellenies de Péronne, Mont-Didier et Roye, ne sur les pays du duc son oncle, et qu'il voulust prendre son chemin autre part, et, en ce faisant, il luy en sçauroit bon gré. Sur quoy Flocquet, après plusieurs paroles, respondit qu'il alloit au service du roy de France, son souverain seigneur, et qu'il avoit charge d'iceluy de passer parmy les pays dudit duc de Bourgongne et autres, en tirant son chemin, et que son intention n'estoit pas de retourner pour chercher autre chemin, mais qu'il feroit ses gens conduire et si gracieusement gouverner, qu'on n'auroit cause d'estre mal content de luy. Toutes fois ledit Flocquet, sans autre appointement, s'en retourna en sondit logis de Pierrepont, disant qu'il n'estoit point un poulailler. Mais quand il y eut ouy nouvelles que ledit Mathieu God et sa compagnie le suivoit de près, qui n'avoit passé par Beauvoisis, ils conclurent ensemble d'aller loger en la ville de Libons, qui est une ville appartenant à l'Église. Ce qui estant venu à la connoissance

d'icelui comte, non content d'icelles nouvelles, il monta incontinent à cheval, et s'en retourna en son premier logis, c'est à savoir en icelle ville de Lihons, en intention de les combattre et repousser, s'ils y venoient; car avec ce on faisoit de jour en jour rapports audit duc et à son nepveu, qu'iceux François et Anglois se mettoient ensemble pour entrer en ses pays et les destruire, tant en Picardie comme en Bourgongne.

Or, cependant que le susdit comte d'Estampes tenoit son logis en icelle ville de Lihons, iceux Flocquet et Mathieu God' vinrent avec tous leurs gens, qui s'estoient mis en bataille, et en très belle ordonnance, passer assez près d'icelle ville de Lihons. Et fut rapporté à ce comte que aucuns d'eux avoient dit : qu'ils auroient leur part du logis de ladite ville, et monstroient semblant, aux manières qu'ils tenoient, en venant vers ladite ville, qu'ils ne demandoient que avoir débat avec le susdit comte et sa compagnie. Lequel estant adverti de ce que dit est, et sçachant leur venue, par meure délibération, fit aussitost tirer tous ses gens d'armes hors de ladite vilte, aux plains-champs, au lieu vers où ledit Flocquet et Mathieu God venoient; et là luy-mesme rangea-t-il ses gens d'armes en très belle erdonnance, à pied, et fit que chacun renvoya ses chevaux en ladite ville, afin d'estre plus prest de recevoir les dessusdits, s'ils vouloient faire aucunes entreprises sur luy. Il avoit en sa compagnie plusieurs seigneurs, et très grand nombre de nobles hommes et gens de guerre, entre lesquels estoient des principaux, Messire Jean, bastard de Sainct-Pol, seigneur de Haulbourdin, portant sur son armet la queue de renard; le sieur Bauldot de Noyelle, gouverneur desdites prévostés et chastellenie de Péronne, Mont-Didier et Roye; Charles de Rochefort, premier chambellan dudit comte; Hue de Longueval, Waleran, seigneur de Morcul; les seigneurs de Roye, de l'Isle-Adam, de Saveuse, de Humières, de Happlaincourt, de Halmes, de Neufville, et d'autres chevaliers de bonne vaillance et authorité des marches de Picardie. Y estoient aussi de Haynaut: messire Simon de Lalaing, Lardenois d'Ostevène, et plusieurs nobles hommes, comme dit est cy-dessus. Et tant qu'en tout ils pouvoient bien estre deux à trois mille

' Gough.

combattants de gens bien en point; lesquels | tants ou environ, dont la plus grand partie

s'estants ainsi mis en bataille et ordonnance, comme dit est, en plains-champs, au dehors d'icelle ville de Lihons, vinrent iceux deux capitaines, c'est à sçavoir Flocquet et Mathieu God, qui estoient tous en bataille et en très belle ordonnance, passer sur le costé au plus près d'iceluy comte d'Estampes, comme à un ject d'un canon ou environ. Néantmoins, bien que chacune des parties se monstrassent l'une contre l'autre, tenants les manières d'avoir débat entre eux, comme dit est cy-dessus, il ne laissoit d'y avoir gens allants d'un costé et d'autre, tant gentilshommes comme officiers d'armes, qui parlementoient entre les parties, afin qu'aucune rigueur ne s'esmeut. Finalement, il fut tant traité, qu'iceux Flocquet et Mathieu God promirent de n'entreprendre ne faire aucune violence és pays du duc de Bourgongne, ny és seigneuries dudit comte d'Estampes: mais qu'ils passeroient en haste le plus courtoisement que faire pourroient.

estoient archers, qui furent menés et conduits jusques audit pays de Bourgongne, par le seigneur de Montagu; là où estant venus, ils firent au surplus, et se comportèrent suivant l'ordonnance de monseigneur de Blamont, mareschal de Bourgongne, et autres seigneurs qui avoient la garde du pays, lesquels les postèrent sur les marches et frontières par où lesdits François et Anglois devoient passer. D'autre partie, le dauphin avec ceux de son armée, qui estoient assemblés autour de Langres, après que tout son camp fut apresté et pourvu, se partit de là; et par plusieurs journées tira jusques à Montbéliart, avec toute sa compaignie, qui estoit fort belle; et fut peu de nouvelles que luy ne ses gens fissent aucun dégast ès pays du duc de Bourgongne, ains ils y passèrent courtoisement, sans y faire presque aucun séjour; et pour la seureté de sa personne, et de son passage et retour, furent mis en sa main la ville et chasteau dudit Montbéliart, où il se logea et séjourna par aucuns jours, le tout du consentement de celuy qui en estoit seigneur, moyennant une telle condition, sçavoir qu'il baillast son scellé de luy rendre un an après ensuivant.

Or après qu'il eut ordonné aucuns de ses gens, pour la garde de laditeville et du chasteau,

Cela fait, furent les besongnes mises en douceur ; et envoya ledit Mathieu God à ce comte d'Estampes, une très belle haquenée d'Angleterre, en présent; et ledit comte lui donna un très bon cheval de guerre. Après quoy, iceux iceux François et Anglois tirèrent bien en haste hors du pays, en prenant leur chemin par Laonnois, Champagne, et autres marches; et tirè-il partit de là, et prit son chemin devers Basle, rent, après diverses journées, vers Langres où estoit le dauphin, qui là attendoit son armée; et après leur département, ledit comte d'Estampes entretint par aucun espace de temps sesdits gens d'armes; et tint les champs, en costoyant iceux François et Anglois, jusques à ce qu'ils furent esloignés des pays de Picardie et Haynaut; et puis il donna à chacun de ses gens congé de retourner en leurs hostels, et ès marches d'où ils estoient venus.

Pendant lequel temps, les seigneurs du pays de Bourgongne, qui estoient en grand doute, pour l'armée et le passage desdits François et Anglois, avoient envoyé par-devers le duc de Bourgongne, à ce qu'il leur envoyast aucuns de ses capitaines de Picardie, avec certain nombre d'archers, pour estre en leur ayde à la garde du pays, si besoin leur estoit. Laquelle requeste iceluy duc leur octroya ; et ordonna et commit à y aller messire Antoine de Wissocq, messire George de Croy, chevaliers; Jean d'Eaucourt et le Bauldrain d'Arly, atout cinq cents combat

d'où il alla plus avant, en tirant vers le pays du dessus mentionné duc d'Autriche, lequel envoya plusieurs de ses gens devers iceluy dauphin, pour le conduire et luy bailler passage, pour ce que le pays est bien rude et dangereux à cheminer pour gens estrangers qui n'ont point accoustumé d'y aller.

Assez tost après qu'il fut entré audit pays, iceux communes, nommes Suisses, qui estoient assez advertis de sa venue et qui s'estoient à ce sujet déjà mis ensemble en très grand nombre, conclurent d'envoyer une partie de leurs gens au-devant d'iceluy dauphin et de sa compagnie, pour le rencontrer et combattre; si se mirent en chemin bien six mille ou environ; et de fait, ils tirèrent avant, et approchèrent leurs adversaires, c'est à sçavoir les François : lesquels sçachants leur venue se mirent ensemble, et par délibération de bon conseil, conclurent de les aller assaillir et combattre en plein champ: et ainsi que conclu ils l'avoient,ilsle firent. Il y eut très dure et merveilleuse bataille entre les par

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