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Par une main cruelle, hélas ! j'ai vu percer
Le feul où mes regards prétendoient s'adreffer. 1)
Ma flamme par Hector fut jadis allumée;

Avec lui dans la tombe elle s'est enfermée. 2)
Mais il me reste un fils. Vous fçaurez quelque jour
Madame , pour un fils jusqu'où va notre amour: 3)

1) Par une main cruelle, hélas ! j'ai vu percer Le feul où mes regards prétendoient s'adresser.) VARIANTE.

» Par les mains de fon pere, hélas ! j'ai vu percer

» Le feul où mes regards prétendoient s'adreffer ». Ces vers font très-beaux par le fentiment qui y regne, mais ils pechent par l'expreffion. Que fignifie un cœur où des regards prétendent s'adresser ?

2) Ma flamme par Hector fut jadis allumée;

Avec lui dans la tombe elle s'est enfermée. ]

Ces vers font imités de Virgile:

Ille meos, primus qui me fibi junxit, amores

Abftulit, ille habeat fecum, fervetque fepulchro.

Le premier à qui mon fort fut uni a emporté mes amours dans le tombeau, qu'elles y restent enfermées avec lui, & qu'il les y conferve à jamais. Liv. IV. vers 28, traduction de l'abbé Desfontaines. Mais l'imitation est élégante, facile, naturelle; perfonne n'a eu, comme Racine, le talent de traduire, ou plutôt de s'approprier les idées d'autrui.

3) Mais il me reste un fils. Vous fçaurez quelque jour, Madame, pour un fils jusqu'où va notre amour.] Ces vers font une espece d'imitation des Trachiniennes de Sophocle; Déjanire répond aux jeunes Trachiniennes :

Mais vous ne fçaurez pas, du moins je le fouhaite
En quel trouble mortel fon intérêt nous jette,
Lorsque de tant de biens, qui pouvoient nous flatter,
C'est le feul qui nous refte, & qu'on veut nous l'ôter.
Hélas! lorfque, laffés de dix ans de mifere,
Les Troyens en courroux menaçoient votre mere,
J'ai fçu de mon Hector lui procurer l'appui;
Vous pouvez fur Pyrrhus ce que j'ai pu fur lui.
Que craint-on d'un enfant qui furvit à fa perte?
Laiffez-moi le cacher en quelque ifle déferte.
Sur les foins de fa mere on peut s'en affurer.
Et mon fils, avec moi, n'apprendra qu'à pleurer,
HERMIONE.

Je conçois vos douleurs: mais un devoir austere
Quand mon pere a parlé, m'ordonne de me taire.
C'est lui qui de Pyrrhus fait agir le courroux.
S'il faut fléchir Pyrrhus, qui le peut mieux que vous ?
Vos yeux affez long-temps ont régné fur fon ame.
Faites-le prononcer, j'y fouscrirai, Madame.

Vous ignorez les chagrins que traîne après foi l'hyménée. Votre âge ne vous permet pas encore de les connoître ; mais vous fçaurez un jour, par votre propre expérience, les allarmes qu'excitent dans le cœur d'une tendre époufe l'abfence d'un mari qu'elle aime, & la crainte de perdre des enfants chéris.

SCENE V.

ANDROMAQUE, CÉPHIS E.

QUEL

ANDRO MA QUE.

UEL mépris la cruelle attache à ses refus!
CÉPHISE.

Je croirois fes confeils, & je verrois Pyrrhus.
Un regard confondroit Hermione & la Grece...
Mais lui-même il vous cherche.

SCENE VI.

PYRRHUS, ANDROMAQUE,
PHENIX, CEPHISE.

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La princeffe eft Hermione. Pyrrhus feint de chercher la filie d'Hélene, quoiqu'il voie Andromaque. Cette feinte appartient à la comédie.

Je le croyois.

PHONI X.

ANDRO MAQUE, à Céphife
Tu vois le pouvoir de mes yeux. 1)

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Qu'attendez-vous? Rompez ce filence obstiné. 2)

ANDRO MAQUE.

Il a promis mon fils.

CÉPHIS E.

1)

Il ne l'a pas donné.

Tu vois le pouvoir de mes yeux. ]

Ce vers ne peut échapper à Andromaque que par un mouvement de coquetterie, indigne également de fon caractere & de la tragédie.

2) Qu'attendez-vous? Rompez ce filence obstiné.]

VARIANTE.

"Qu'attendez-vous? Forcez ce filence obftiné ».

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ANDRO MA QU E.

Non, non, j'ai beau pleurer; fa mort eft réfolue.
PYRRH U S.

Daigne-t-elle fur nous tourner au moins la vue?
Quel orgueil !

Sortons.

ANDROMA QUE.

Je ne fais que l'irriter encor.

PYRRH U S.

Allons aux Grecs livrer le fils d'Hector. 1) ANDROMAQUE, fe jettant aux pieds de Pyrrhus. Ah, Seigneur, arrêtez ! Que prétendez-vous faire? Si vous livrez le fils, livrez-leur donc la mere. Vos ferments m'ont tantôt juré tant d'amitié; Dieux ! ne pourrai-je au moins toucher votre pitié ?2)

1)

Allons aux Grecs livrer le fils d'Hector.]

Ce vers n'eft qu'une feinte de la part de Pyrrhus, mais elle eft à la fois petite & cruelle; elle dégrade le caractere de Pyrrhus, qui ne doit pas, de fang-froid, infulter au malheur d'Andromaque.

2) Vos ferments m'ont tantôt juré tant d'amitié ;

Dieux! ne pourrai-je au moins toucher votre pitié?]
On lifoit d'abord :

» Vos ferments m'ont tantôt juré tant d'amitié;
» Dieu! n'en refte-t-il pas du moins quelque pitié»?

Sans

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