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Excuse un malheureux qui perd tout ce qu'il aime; Que tout le monde hait, & qui fe hait lui-même. Que ne puis-je, à mon tour, dans un fort plus heureux!.. PY LAD E.

Diffimulez, Seigneur; c'est tout ce que je veux. Gardez qu'avant le coup votre deffein n'éclate. Oubliez jufques-là qu'Hermione eft ingrate; Oubliez votre amour. Elle vient, je la vois. OREST E.

Va-t-en. Réponds-moi d'elle, & je réponds de moi.

SCENE I I.

HERMIONE, ORESTE, CLÉONE,

OREST E.

Hi bien, mes foins vous ont rendu votre conquête..

J'ai vu Pyrrhus, Madame, & votre hymen s'apprête.
HERMI ON E.

On le dit; & de plus, on vient de m'assurer
Que vous ne me cherchiez que pour m'y préparer. 1)

1) Que vous ne me cherchiez que pour m'y préparer.] Hermione n'a point à fe plaindre d'Orefte; la réponse qu'elle lui fait eft une ironie fanglante & inutile.

OREST E.

Et votre ame à fes voeux ne fera point rebelle?

HERMIONE.

Qui l'eût cru que Pyrrhus ne fût pas infidelle ?
Que fa flamme attendroit fi tard pour éclater?
Qu'il reviendroit à moi, quand je l'allois quitter? 1)
Je veux croire, avec vous, qu'il redoute la Grece ;
Qu'il fuit fon intérêt plutôt que fa tendresse;
Que mes yeux fur votre ame étoient plus abfolus.

OREST E.

Non, Madame, il vous aime, & je n'en doute plus. Vos yeux ne font-ils pas tout ce qu'ils veulent faire ? Et vous ne vouliez pas, fans doute, lui déplaire.

HERMIONE.

Mais que puis-je, Seigneur? On a promis ma foi.
Lui ravirai-je un bien qu'il ne tient pas de moi?
L'amour ne regle pas le fort d'une princeffe.
La gloire d'obéir eft tout ce qu'on nous laiffe.
Cependant je partois, & vous avez pu voir
Combien je relâchois, pour vous, de mon devoir.

1) Que fa flamme attendroit fi tard pour éclater?

Qu'il reviendroit à moi, quand je l'allois quitter?] Hermione n'écoute point Orefte, & cependant elle ne laiffe point de lui répondre indirectement,

OREST E.

Ah! que vous fçaviez bien, cruelle...Mais, Madame, 1)
Chacun peut, à fon choix, difpofer de fon ame.
La vôtre étoit à vous. J'espérois...... Mais enfin
Vous l'avez pu donner fans me faire un larcin.
Je vous accufe auffi bien moins que la fortune;
Et pourquoi vous laffer d'une plainte importune?
Tel eft votre devoir, je l'avoue; & le mien
Eft de vous épargner un fi triste entretien.

SCENE III.

HERMIONE, CLÉONE.

ATTENDO

HERMIONE.

TTENDOIS-TU, Cléone, un courroux fi modefte?
CLÉON E.

La douleur qui fe tait n'en eft que plus funefte.
Je le plains d'autant plus, qu'auteur de fon ennui,
Le coup qui l'a perdu n'est parti que de lui.

1) Ah! que vous fçaviez bien, cruelle... Mais, Madame. ] A travers cette réponse modérée, la fureur d'Orefte n'en perce pas moins, mais avec la décence la plus réguliere; s'il s'emportoit devant Hermione, le fpectateur fe révolteroit contre lui. Les défefpoirs amoureux ne réuffiffent au théâtre que dans les rôles de femme.

Comptez depuis quel temps votre hymen fe prépare. Il a parlé, Madame, & Pyrrhus fe déclare.

HERMIONE.

Tu crois que Pyrrhus craint? Et que craint-il encor?
Des peuples qui, dix ans, ont fui devant Hector;
Qui, cent fois, effrayés de l'abfence d'Achille,
Dans leurs vaiffeaux brûlants ont cherché leur asyle;
Et qu'on verroit encor, fans l'appui de fon fils,
Redemander Hélene aux Troyens impunis?
Non, Cléone, il n'eft point ennemi de lui-même;
Il veut tout ce qu'il fait; & s'il m'époufe, il m'aime.
Mais qu'Orefte, à son gré, m'impute fes douleurs;
N'avons-nous d'entretien que celui de fes pleurs ?
Pyrrhus revient à nous; hé bien, chere Cléone,
Conçois-tu les transports de l'heureuse Hermione ?
Sçais-tu quel eft Pyrrhus? T'es-tu fait raconter 1)
Le nombre des exploits ?... Mais qui les peut compter!

1)

T'es-tu fait raconter

Le nombre des exploits?... Mais qui les peut compter!] Quoique cette réticence ne faffe pas un grand effet, elle n'est pas ici repréhenfible; nous croyons cependant devoir remarquer qu'on hafarde trop cette figure dans nos tragédies modernes, où fouvent elle n'eft rien moins qu'une beauté. Elle doit être néceffaire, & non amenée par la contrainte du vers ou la gêne de la rime. Virgile en a ufé modérément, & ces figures font toujours chez lui très-bien placées. On connoît le Quos ego.... Racine lui-même en a fait de fort

Intrépide, & par-tout fuivi de la victoire, Charmant, fidele: enfin rien ne manque à fa gloire.

Songe.

CLÉON E.

Diffimulez. Votre rivale en pleurs

Vient à vos pieds, fans doute, apporter fes douleurs.

HERMIONE.

Dieux! ne puis-je à ma joie abandonner mon ame? Sortons. Que lui dirois-je ?

SCENE IV.

ANDROMAQUE, HERMIONE, CLÉONE, CÉPHISE,

ANDRO MAQUE.

Où fuyez-vous,. Madame ?

N'eft-ce pas à vos yeux un spectacle affez doux, Que la veuve d'Hector pleurant à vos genoux? Je ne viens point ici, par de jaloufes larmes, Vous envier un coeur qui fe rend à vos charmes.

belles, entr'autres celle où Monime dit à Mithridate, en parlant de Xipharès :

Nous nous aimions... Seigneur, vous changez de vifage.
Acte IV. fcene v.

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