J'y confens. Mais fongez cependant où vous êtes. Commandez à vos yeux de garder le fecret. Que fçais-je ? De moi-même étois-je alors le maître? PYLAD E. Et quel étoit le fruit de cet emportement ? 2) OREST E. Et quelle ame, dis-moi, ne feroit éperdue Il veut, pour m'honorer, la tenir de ma main. 1) Diffimulez. Calmez ce tranfport inquiet.] On lifoit d'abord: » Faites taire, Seigneur, ce transport inquiet ». 2) Et quel étoit le fruit de cet emportement ?] VARIANTE. » Et quel étoit le fruit de fon emportement » ? Ah! plutôt cette main dans le fang du barbare!.... PY LAD E. Vous l'accufez, Seigneur, de ce deftin bifarre; Non, non, je le connois, mon désespoir le flatte. Jamais il ne fut plus aimé. Penfez-vous, quand Pyrrhus vous l'auroit accordée, Qu'un prétexte tout prêt ne l'eût point retardée ? M'en croirez-vous? Laffé de fes trompeurs attraits, 1) OREST E. C'est pour cela que je veux l'enlever. Tout lui riroit, Pylade; & moi, pour mon partage, Je n'emporterois donc qu'une inutile rage? J'irois loin d'elle encor tâcher de l'oublier? Non, non, à mes tourments je veux l'affocier. C'est trop gémir tout feul. Je fuis las qu'on me plaigne. Je prétends qu'à mon tour, l'inhumaine me craigne; Et que fes yeux cruels, à pleurer condamnés, Me rendent tous les noms que je leur ai donnés. 2) 1) " Laffé de fes trompeurs attraits, Laffé de fes trompeurs attraits, » Au lieu de l'enlever, Seigneur, je la fuirois », L'hémiftiche du premier vers eft un peu dur. Cette remarque doit fervir à montrer combien on doit être fur fes gardes en écrivant, puisque Racine, le poëte le plus exact, a quelquefois laiffé échapper des incorrections. 2) Et que fes yeux cruels, à pleurer condamnés, Me rendent tous les noms que je leur ai donnés.] Comment des yeux peuvent-ils rendre des noms qu'on leur a donnés ? . PYLD E. Voilà donc le fuccès qu'aura votre ambaffade! Orefte raviffeur ! OREST E. Et qu'importe, Pylade? Quand nos États vengés jouiront de mes foins, Que veux-tu ? Mais, s'il faut ne te rien déguiser, Et que le fruit du crime en précede la peine. Mais toi, par quelle erreur veux-tu toujours fur toi Détourner un courroux qui ne cherche que moi? Affez & trop long-temps mon amitié t'accable. Évite un malheureux, abandonne un coupable. 1) Mon innocence enfin commence à me péser.] Ce vers, & les deux fuivants, peignent bien Orefte en proie à une fombre mélancolie, toujours occupé de deffeins funeftes, & prévenu qu'un mauvais deftin le poursuit. De plus, ces vers préparent très-bien la catastrophe. Cher Pylade, crois-moi, ta pitié te féduit. 1) Laiffe-moi des périls dont j'attends tout le fruit. Porte aux Grecs cet enfant que Pyrrhus m'abandonne, Va-t-en. PY LAD E. Allons, Seigneur, enlevons Hermione; Au travers des périls, un grand cœur fe fait jour. Que ne peut l'amitié conduite par l'amour! Allons de tous vos Grecs encourager le zele. 2) Nos vaiffeaux font tout prêts, & le vent nous appelle. Je fçais de ce palais tous les détours obfcurs; Vous voyez que la mer en vient battre les murs; Et cette nuit, fans peine, une fecrette voie Jufqu'en votre vaiffeau conduira votre proie. OREST E. J'abuse, cher ami, de ton trop d'amitié : 1) Cher Pylade, crois-moi, ta pitié te féduit.] VARIANTE. » Cher Pylade, crois-moi, mon tourment me fuffit ». 2) Allons de tous vos Grecs encourager le zele.] Ce vers annonce ce qui doit occuper Pylade jufqu'à la fin de la piece, lequel ne reviendra qu'à la derniere scene du cinquieme acte, pour dire, il faut partir; & alors Pyrrhus fera affaffiné. Racine a très-bien fait d'éloigner Pylade; fa préfence n'auroit fait que refroidir les belles fcenes entre Hermione & Orefte. |