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Je la verrois aux miens, Phoenix, d'un oeil tranquille.
Elle eft veuve d'Hector, & je fuis fils d'Achille.
Trop de haine fépare Andromaque & Pyrrhus.
PHNI X.

Commencez donc, Seigneur, à ne m'en parler plus.
Allez voir Hermione; &, content de lui plaire,
Oubliez, à fes pieds, jufqu'à votre colere.
Vous-même à cet hymen venez la disposer.
Eft-ce fur un rival qu'il s'en faut repofer?
Il ne l'aime que trop. 1)

PYRRHU S.

Crois-tu, fi je l'épouse, Qu'Andromaque en fon cœur n'en fera pas jalouse?

PHONI X.

Quoi! toujours Andromaque occupe votre efprit? Que vous importe, ô Dieux! fa joie ou fon dépit ? Quel charme, malgré vous, vers elle vous attire ? PYRRH U S.

Non, je n'ai pas bien dit tout ce qu'il faut lui dire.

1) Il ne l'aime que trop. ]

Voilà, felon nous, un trait de génie. Pyrrhus, rebuté par les rigueurs d'Andromaque, fe détermine à épouser Hermione. Son confident foupçonne qu'Orefte en eft aimé. Pyrrhus ne l'écoute point, il ne voit qu'Andromaque, il n'eft occupé que de l'impreffion que peut faire fur elle fon mariage avec Hermione,

1

Ma colere, à fes yeux, n'a paru qu'à demi.
Elle ignore à quel point je fuis fon ennemi.
Retournons-y. Je veux la braver à fa vue,
Et donner à ma haine une libre étendue.
Viens voir tous fes attraits, Phoenix, humiliés.
Allons.

PHONI X.

Allez, Seigneur, vous jetter à fes pieds.
Allez, en lui jurant que votre ame l'adore
A de nouveaux mépris l'encourager encore.
PYRRH U S.

Je le vois bien, tu crois que, prêt à l'excuser,
Mon cœur court après elle, & cherche à s'appaifer.
Ρ Η Ε Ν Ι Χ.

Vous aimez, c'est affez.

PYRRH U S.

Moi l'aimer? Une ingrate
Qui me hait d'autant plus que mon amour la flatte.
Sans parents, fans amis, fans efpoir que fur moi;
Je puis perdre fon fils, peut-être je le dois.....
Étrangere...que dis-je ? esclave dans l'Épire,
Je lui donne fon fils, mon ame, mon empire;
Et je ne puis gagner, dans fon perfide cœur,
D'autre rang que celui de fon perfécuteur ?
Non, non, je l'ai juré; ma vengeance est certaine.
Il faut bien une fois juftifier fa haine.

J'abandonne fon fils. Que de pleurs vont couler!
De quel nom fa douleur me va-t-elle appeller?
Quel fpectacle pour elle aujourd'hui se dispose!....
Elle en mourra, Phoenix, & j'en ferai la cause;
C'est lui mettre moi-même un poignard dans le fein.
PHENI X.

Et pourquoi donc en faire éclater le deffein ?
Que ne confultiez-vous tantôt votre foibleffe?

PYRRH US.

Je t'entends. Mais excufe un refte de tendreffe. Crains-tu pour ma colere un fi foible combat? 1) D'un amour qui s'éteint c'est le dernier éclat.

1) Crains-tu pour ma colere un fi foible combat? &c.] Nous remarquerons que cette fcene eft le pendant de la premiere de cet acte. Hermione montre à fa confidente les mêmes fentiments que Pyrrhus fait voir à Phoenix. Nous allons les rapprocher.

HERMIONE a dit :

» Si je le hais, Cléone! il y va de ma gloire.

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& PYRRHUS dit:

Moi, l'aimer? Une ingrate, » Qui me hait d'autant plus que mon amour la flatte.

HERMIONE.

» Ah! laiffe à ma fureur le temps de croître encore. » Contre mon ennemi laiffe-moi m'affurer.

PYRRH U S.

»Non, je n'ai pas bien dit tout ce qu'il faut lui dire.

Allons; à tes confeils, Phoenix, je m'abandonne. Faut-il livrer fon fils? faut-il voir Hermione?

Ρ Η Ε Ν Ι Χ.

Oui; voyez la, Seigneur; &, par des voeux foumis, Proteftez-lui.

PYRRH U S.

» Ma colere à fes

Faisons tout ce que j'ai promis.

yeux n'a paru qu'à demi.

» Elle ignore à quel point je fuis fon ennemi, &c.
HERMIONE.

» Crois que je n'aime plus. Vante-moi ma victoire.
» Crois que, dans fon dépit, mon cœur eft endurci;
» Hélas ! &, s'il fe peut, fais-le moi croire auffi.

PYRRH U S.

» Dis plutôt qu'aujourd'hui commence ma victoire.
» D'aujourd'hui seulement je jouis de ma gloire;
» Et mon cœur, auffi fier que tu l'as vu foumis,

,

» Croit avoir en l'amour vaincu mille ennemis, &c. » Quelle fécondité d'imagination il faut avoir pour revêtir de nuances fi différentes des fentiments qui font les mêmes pour le fond!

1) Faut-il livrer fon fils? Faut-il voir Hermione ?]

Pyrrhus vient de dire : j'abandonne fon fils; & maintenant il héfite à le faire. Ces flux & reflux font le vrai caractere des paffions violentes, & conféquemment le vrai reffort de la tragédie.

Fin du fecond acte.

ACTE

ACTE I I I.

SCENE PREMIERE.

ORESTE, PYLADE.

MODERI

PYLAD E.

ODÉREZ donc, Seigneur, cette fureur extrême. Je ne vous connois plus. Vous n'êtes plus vous-même.

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Non, tes confeils ne font plus de faifon,

Pylade; je fuis las d'écouter la raison.

C'est traîner trop long-temps ma vie & mon fupplice. Il faut que je l'enleve, ou bien que je périffe. 1) Le deffein en eft pris, je le veux achever.

Oui, je le veux.

PYLAD E.

Hé bien, il la faut enlever,

1) Il faut que je l'enleve, ou bien que je périsse.]

Voilà un vers bien tragique, il annonce un dénouement fanglant.

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