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D'une éternelle paix Hermione eft le gage,
Je l'épouse. Il sembloit qu'un spectacle fi doux
N'attendît en ces lieux qu'un témoin tel que vous. 1)
Vous y représentez tous les Grecs & fon pere,
Puifqu'en vous Ménélas voit revivre son frere.
Voyez la donc. Allez. Dites-lui que demain
J'attends, avec la paix, fon cœur de votre main.
ORESTE

¿
" part.

Ah, Dieux!

1)

Il fembloit qu'un fpectacle fi doux

N'attendit en ces lieux qu'un témoin tel que vous. ] Pyrrhus ne peut ignorer l'amour d'Orefte pour Hermione. Il a dit, dans la troifieme scene du premier acte :

>> On dit qu'il a long-tems brûlé pour la princeffe ». &, quelques vers plus loin :

» Ah, qu'ils s'aiment, Phoenix ! J'y confens. Quelle parte. » Que, charmés l'un de l'autre, ils retournent à Sparte ». Ici, ce prince brave Oreste sans aucune raison, fans aucun intérêt. L'ironie qu'il emploie n'eft pas moins déplacée qu'elle n'eft amere: il paroît que le poëte n'a eu êgard qu'à l'effet de la fituation, fans s'attacher aux convenances.

Tes

i)

SCENE V.

PYRRHUS, PHENIX.

PYRRH US.

He bien, Phoenix, l'amour eft-il le maître ?i)

yeux

refusent-ils encor de me connoître?

Hé bien, Phoenix, l'amour eft-il le maître?] Rien de plus naturel & de mieux imaginé que cette irréfolution de Pyrrhus, qui croit avoir triomphé de fa paffion: ces dépits, ces retours de tendreffe, cette indifférence fi mal déguifée; tout cela eft une excellente analyse d'un cœur amoureux. Cependant nous remarquerons que le développement de cette fcene & des fentiments de Pyrrhus n'eft souvent pas affez noble.

Louis Racine rapporte que Boileau lui avoua un jour qu'il avoit long-temps admiré cette fcene, & qu'il avoit depuis changé de fentiment, ayant reconnu qu'elle ne s'accordoit point avec la majefté du cothurne.

Rouffeau, qui étoit le difciple de Boileau, dit à peu près la même chofe dans une de fes lettres à M. Broffette: J'ai toujours, dit-il, condamné cette scene en l'admirant, parce que, quelque belle qu'elle foit, elle est plutôt dans le genre comique ennobli, que dans le genre tragique. Nous feroit-il permis d'oppofer notre avis au fentiment de ces deux grands hommes? N'est-il pas un point où les deux genres fe touchent, & même fe confondent? N'eft-il pas des occafions où la

PHŒNI X.

Ah! je vous reconnois; & ce jufte courroux, 1)
Ainfi qu'à tous les Grecs, Seigneur, vous rend à vous.
Ce n'est plus le jouet d'une flamme servile,
C'eft Pyrrhus, c'est le fils & le rival d'Achille,

comédie s'éleve au ton de la tragédie? (La scene où le Mifantrope revient aux pieds de fa maîtreffe eft digne de la majefté du cothurne.) N'eft-il point des fituations où la tragédie s'abaiffe au point où la comédie s'éleve? Il est vrai que dans le tragique il faut que tout foit noble; mais cette nobleffe confifte alors dans le choix des expreffions. Par exemple, lorfque Phoenix dit, pag. 77, vers 4 :

» Commencez donc, Seigneur, à ne m'en parler plus ». le parterre fourit ordinairement, parce que cette réflexion, ainfi exprimée, jette du ridicule fur l'opiniâtreté de Pyrrhus à parler toujours de celle qu'il veut oublier. Mais lorsque ce même Phoenix dit:

"

Quoi ! toujours Andromaque occupe votre esprit » ! on ne rit plus, parce que le confident n'a point ici l'air de railler Pyrrhus. Au furplus, ce n'eft qu'un doute que nous offrons au public, c'eft à lui à décider.

1) Ah! je vous reconnois; & ce jufte courroux. ] Racine a retranché ici les quatre vers fuivants :

» Et qui l'auroit penfé, qu'une fi noble audace, » D'un long abaiffement prendroit fi-tôt la place; » Que l'on pût fi-tôt vaincre un poison fi charmant ? » Mais Pyrrhus, quand il veut, fçait vaincre en un mo

ment.

» Ce n'eft plus, &c.

Que la gloire à la fin ramene fous fes loix,
Qui triomphe de Troye une feconde fois.

PYRRH U S.

Dis plutôt qu'aujourd'hui commence ma victoire.
D'aujourd'hui feulement je jouis de ma gloire;
Et mon cœur, auffi fier que tu l'as vu foumis,
Croit avoir en l'amour vaincu mille ennemis. 1)
Confidere, Phoenix, les troubles que j'évite,
Quelle foule de maux l'amour traîne à fa fuite,
Que d'amis, de devoirs j'allois facrifier,
Quels périls!..... Un regard m'eût tout fait oublier.
Tous les Grecs conjurés fondoient fur un rebelle.
Je trouvois du plaifir à me perdre pour elle.

PHONI X.

Oui, je bénis, Seigneur, l'heureufe cruauté
Qui vous rend...

PYRRH US.

Tu l'as vu comme elle m'a traité ! Je penfois, en voyant fa tendreffe allarmée, Que fon fils me la dût renvoyer défarmée.

1) Et mon cœur, aussi fier que tu l'as vu foumis, Croit avoir en l'amour vaincu mille ennemis.]

Un cœur auffi fier qu'on l'a vu foumis, qui croit avoir vaincu mille ennemis dans l'amour, offre plutôt en cet endroit une fubtilité qu'un fentiment.

J'allois voir le fuccès de fes embraffements;
Je n'ai trouvé que pleurs mêlés d'emportements.
Sa misere l'aigrit; &, toujours plus farouche,
Cent fois le nom d'Hector eft forti de fa bouche.
Vainement à fon fils j'affûrois mon fecours :
C'est Hector, difoit-elle, en l'embraffant toujours;
Voilà fes yeux, fa bouche, & déjà fon audace; 1)
C'eft lui-même, c'eft toi, cher époux, que j'embraffe.
Et quelle eft fa pensée ? Attend-elle en ce jour,
Que je lui laiffe un fils pour nourrir fon amour?
PHONI X.

Sans doute, c'eft le prix que vous gardoit l'ingrate.
Mais laiffez la, Seigneur.

PYRRH U S.

Je vois ce qui la flatte. Sa beauté la raffûre; &, malgré mon courroux, L'orgueilleufe m'attend encore à fes genoux.

1) C'eft Hector, difoit-elle, en l'embrassant toujours; Voilà fes yeux, fa bouche, & déjà fon audace, &c.] Vers imités de Virgile:

O mihi fola mei fuper Aftyanalis imago!

Sic oculos, fic ille manus, fic ora ferebat.

On trouve la même imitation dans Pradon; mais pour faire juger de la façon dont elle eft rendue, nous ne cite

rons que ce vers:

Je voyois ...

Mon Hector tout entier éclater fur fon front.

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