furprenante à faire fes vers. Je veux vous apprendre, dit Boileau, à faire avec peine des vers faciles, & vous avez affez de talent pour le fçavoir bientôt. Racine difoit que Defpréaux lui avoit tenu parole, & il avouoit hautement qu'il ne fe croyoit pas plus redevable du fuccès de la plupart de fes pieces aux préceptes d'Horace & d'Ariftote, qu'aux fages & judicieux confeils d'un ami fi éclairé.

Andromaque fut représentée fur le théâtre de l'hôtel de Bourgogne, le 10 Novembre 1667, c'est-à-dire, deux ans après Alexandre; elle ne fut cependant imprimée que vers la fin de 1668. Dans le privilége de cet ouvrage l'auteur fe qualifie encore Prieur de l'Epinay, titre affez fingulier pour un poëte dramatique.

Cette piece eut un fuccès prodigieux, & fit autant de bruit que le Cid. Quelles efpérances ne devoit on pas concevoir d'un auteur qui, à vingt-huit ans, donnoit un pareil ouvrage! On n'héfita plus à croire que Racine étoit fait pour confoler de la vieilleffe de Corneille.

Subligny, auteur qui n'eft connu aujourd'hui que par les critiques qu'il fit contre Racine, mit au jour une comédie, qui n'étoit qu'une fatyre d'Andromaque. Quoique l'auteur fe foit vanté que fa piece avoit été attribuée à Moliere, & qu'il fe foit proposé de travailler dans le goût de cet illuftre comique on ne fçauroit difconvenir qu'elle ne foit affez plate. Elle fut cependant jouée avec quelque fuccès par la troupe du roi, qui étoit celle de Moliere. Il eft à remarquer que cette critique fut en France l'origine de ce genre malheureux qu'on appelle parodie.

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Ceux qui aiment les anecdotes, apprendront que l'une des représentations d'Andromaque coûta la vie à Montfleury, célebre acteur, qui fit de fi grands efforts pour rendre les fureurs d'Orefte, qu'il revint chez lui avec une fievre qui l'emporta auffi-tôt. Ils fçauront auffi que Subligny eut une fille qui fut la premiere danfeufe de l'opéra; car auparavant c'étoit des hommes déguisés, ainsi qu'il eft d'usage dans l'Italie, qui, en danfant, repréfentoient les femmes.

Euripide a fourni à Racine le sujet & les caracteres principaux de cette piece. L'intrigue & l'action, bien fupérieures, felon nous, à celle du poëte grec, appartiennent entiérement à Racine, qui eut l'art de revêtir fes caracteres de couleurs propres aux mœurs françoises, fans cependant altérer trop la vérité historique. Nous croyons devoir placer ici une analyse courte & rapide de la tragédie d'Euripide, afin que le lecteur foit à portée de juger lui-même ce que Racine a imité du grec, & en quoi il a cru pouvoir s'en écarter.

PRÉCIS

DE L'ANDROMAQUE D'EURIPIDE.

PYRRHU

YRRHUS a épousé Andromaque fa captive, dont il a un fils nommé Moloffus, & depuis il a encore épousé Hermione, fille de Ménélas, dont il n'a point d'enfans. La fécondité d'Andromaque, & la douceur de fon caractere, forcerent Pyrrhus à lui donner la

préférence fur Hermione, dont les hauteurs l'avoient rebuté. Ce prince étoit allé à Delphes pour fléchir Apollon qu'il avoit offensé, en lui demandant raifon du meurtre de fon pere. Hermione profita de cette absence pour chercher à perdre fa rivale. Andromaque, pour éviter la fureur de cette princeffe, fe refugie dans le temple de Thétis. C'est là qu'elle gémit fur fes malheurs paffés & fur ceux qu'elle craint. Hermione, pleine d'orgueil, d'emportement & de jalousie, vient lui annoncer une mort prochaine ; elle l'infulte fur fon mariage avec Pyrrhus; elle lui reproche d'avoir ofé entrer dans le lit du meurtrier de son époux Hector & de fon fils Aftyanax ; elle l'accuse d'avoir employé des philtres pour enchaîner Pyrrhus. Dans ce même moment Ménélas, qui a découvert Moloffus, le vient présenter à fa mere & la menace de l'égorger en fa préfence, fi elle ne fort de cet afyle. Andromaque ayant fait inutilement tous fes efforts pour le fléchir, fe réfout à facrifier fa vie pour fauver celle de fon fils. Pour trouver l'action de Ménélas

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moins odieufe qu'elle ne le paroît, il faut fe tranfporter dans le fiecle & chez les peuples pour lefquels Euripide écrivoit. Athenes étoit en guerre avec Lacédémone, c'étoit le trait d'une politique affez fine d'indifpofer contre Sparte ceux des peuples de la Grèce qui avoient pour fouverains les defcendants de ce même Moloffus, perfécuté fi cruellement par ce même Ménélas. Pendant que ce roi fait traîner au fupplice & la mere & l'enfant, Pélée, ayeul de Pyrrhus, arrive & s'oppose à cette barbarie. Il s'éleve entre lui & Ménélas une dispute affez vive, qui dégénere bientôt en injures groffieres. Ménélas, qui n'a aucune autorité dans l'Épire, eft obligé de céder à Pélée, qui délivre Andromaque. Le roi de Sparte fe retire, mais en menaçant de venir bientôt, à la tête d'une puiffante armée, demander raison à Pyrrhus des affronts faits à fa fille. Hermione défefpérée du départ de fon pere, & craignant le retour de Pyrrhus, prend le parti de fe donner la mort ; mais elle voit tout à coup arriver Orefte, à qui elle avoit été promise avant