Mon défefpoir n'attend que leur indifférence: la fituation où il fe trouve, qu'on doit attribuer les plaintes peu naturelles qu'il fait à Hermione dans cette premiere entrevue. Il s'exhale en jeux d'efprit, qui ne reffemblent point au sentiment. Il a déjà dit : » Je fçais » Que tous mes pas vers vous font autant de parjures. Il dit ici: " Je me vois réduit » A chercher dans vos yeux une mort qui me fuit. » Madame, c'eft à vous de prendre une victime, >> Que les Scythes auroient dérobée à vos coups, » Si j'en avois trouvé d'auffi cruels que vous ». Ces vers font dans le goût de Séneque. Ce n'étoit pas ainfi que devoit s'exprimer le furieux Orefte. Ces traits de faux bel-efprit ont toujours défiguré nos anciennes tragédies. Corneille les accrédita; & Racine, quoique né pour fentir l'heureufe fimplicité des Grecs, fut entraîné par l'exemple. HERMIONE. Quittez, Seigneur, quittez ce funefte langage; 1) Les refus de Pyrrhus m'ont affez dégagé, HERMION E. L'infidelle ! 1) Quittez, Seigneur, quittez ce funefle langage; A des foins, &c.] A la place de ce vers & des trois fuivants, on lifoit dans la premiere édition : » Non, non, nè penfez pas qu'Hermione difpofe Subligny objecta qu'on n'exécutoit pas des vaux, & Racine fit cet heureux changement. OREST E. Ainfi donc, tout prêt à le quitter, 1) Sur mon propre deftin je viens vous confulter. Déjà même je crois entendre la réponse, Qu'en fecret, contre moi, votre haine prononce. Hé quoi, toujours injufte en vos tristes discours, 1) Ainfi donc, tout prêt à le quitter, &c. ] Au lieu de ce vers & des fuivants, Racine en avoit fait quatre autres, qui joignoient au défaut de l'obscurité, celui d'être une fuite infoutenable d'antithefes & de jeux de mots : » Ainfi donc, il ne me refte rien » Qu'à venir prendre ici la place du Troyen. » Nous fommes ennemis, lui des Grecs, moi le vôtre; » Pyrrhus protege l'un, & je vous livre l'autre ». Hermione reprenoit ainfi dans la premiere édition : » Hé quoi, dans vos chagrins, fans raison affermi, » Vous croirez-vous toujours, Seigneur, mon ennemi? » Quelle eft cette rigueur, &c. » Enfin, Enfin, qui vous a dit que, malgré mon devoir Je n'ai pas quelquefois fouhaité de vous voir? OREST E. Souhaité de me voir ! Ah! divine princeffe!... Mais, de grace, eft-ce à moi que ce difcours s'adreffe? Ouvrez vos yeux, fongez qu'Orefte eft devant vous; Orefte, fi long-temps l'objet de leur courroux. HERMIONE. Oui, c'est vous, dont l'amour naiffant avec leurs charmes, Leur apprit le premier le pouvoir de leurs armes ; 1) Vous, que mille vertus me forçoient d'estimer; Vous, que j'ai plaint; enfin que je voudrois aimer. OREST E. Je vous entends. Tel eft mon partage funefte: 1) Oui, c'est vous, dont l'amour naissant avec leurs charmes, Leur apprit le premier le pouvoir de leurs armes. 1 Hermione doit-elle parler ainfi d'elle-même ? que veut dire le pouvoir des armes de mes yeux ? Cette expreffion précieuse eft échappée à Racine dans la chaleur de la compofition. 2) Le cœur eft pour Pyrrhus, & les vœux pour Oreste.] Il faudroit, les vœux font pour Oreste; mais Racine ne manque à la grammaire, ni par ignorance, ni par distraction; c'est une noble liberté qui le fait s'élever au deffus des regles. Tome II. E HERMIONE. Ah! ne fouhaitez pas le deftin de Pyrrhus ! OREST E. Vous m'en aimeriez plus. Ah! Vous m'aimeriez, Madame, en me voulant haïr. HERMIONE. Qui vous l'a dit, Seigneur, qu'il me méprise? Ses regards, fes difcours vous l'ont-ils donc appris? Jugez-vous que ma vue infpire des mépris? Qu'elle allume en un coeur des feux fi peu durables? Peut-être d'autres yeux me font plus favorables. Ces hardieffes donnent plus de précision, de vivacité, & de force à la phrase. 1) Car enfin il vous hait.] Le difcours d'Orefte nous semble un peu dur. |