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Que fur lui fa captive étende fon pouvoir.
Fuyons... Mais fi l'ingrat rentroit dans fon devoir; 1)
Si la foi, dans fon cœur, retrouvoit quelque place;
S'il venoit, à mes pieds, me demander fa grace;
Si fous mes loix, Amour! tu pouvois l'engager,
S'il vouloit... Mais l'ingrat ne veut que m'outrager.
Demeurons toutefois pour troubler leur fortune.
Prenons quelque plaifir à leur être importune;
Ou, le forçant de rompre un noeud fi folemnel,
Aux yeux de tous les Grecs rendons-le criminel.
J'ai déjà fur le fils attiré leur colere.

Je veux qu'on vienne encor lui demander la mere.
Rendons-lui les tourments qu'elle me fait souffrir ;
Qu'elle le perde, ou bien qu'il la fasse périr.

1) Fuyons.... Mais fi l'ingrat rentroit dans fon devoir;
Si la foi, dans fon cœur, retrouvoit quelque place;
S'il venoit, à mes pieds, me demander sa grace ;
Si fous mes loix, Amour ! &c.]

Hermione, dans toutes fes irréfolutions, ne perd rien de fa fierté.

Ce tour eft emprunté de Corneille; mais il est bien fupérieur à ce qui lui a fervi de modele.

Aristie, en parlant de Pompée, dit à Sertorius:

Vous fçavez à quel point mon courage eft bleffe;

Mais s'il fe dédifoit d'un outrage forcé,

S'il chassoit Emilie, & me rendoit ma place.

A&. I. fcen. 11.

CLÉON E.

Vous penfez que des yeux, toujours ouverts aux larmes,

Se plaisent à troubler le pouvoir de vos charmes ? 1)
Et qu'un cœur accablé de tant de déplaifirs,
De fon perfécuteur ait brigué les foupirs?
Voyez fi fa douleur en paroît foulagée.

Pourquoi donc les chagrins où fon ame eft plongée ?
Contre un amant qui plaît, pourquoi tant de fierté ? 2)
HERMIONE.

Hélas! pour mon malheur, je l'ai trop écouté ! 3)

1) Vous pensez que des yeux, toujours ouverts aux larmes, Se plaisent à troubler le pouvoir de vos charmes?]

VARIANTE.

» Penfez-vous que des yeux, toujours ouverts aux larmes, » Songent à balancer le pouvoir de vos charmes » Dans Euripide, Hermione reproche à Andromaque d'employer des philtres pour lui enlever le cœur de fon époux. La réponse de Cléone eft la même que celle d'Andromaque chez le poëte grec.

On peut encore remarquer que Racine a mis plus de nobleffe qu'Euripide dans les hauteurs d'Hermione.

2) Contre un amant qui plaît, pourquoi tant de fierté?] On lifoit dans la premiere édition :

» Pourquoi tant de froideur? pourquoi cette fierté » ? 3) Hélas! pour mon malheur, je l'ai trop trop écouté !] Hermione ne fait point attention à ce que dit fa confidente,

Je n'ai point du filence affecté le myftere.

Je croyois, fans péril, pouvoir être fincere;
Et, fans armer mes yeux d'un moment de rigueur,
Je n'ai, pour lui parler, confulté que mon cœur.
Et qui ne fe feroit, comme moi, déclarée
Sur la foi d'une amour fi faintement jurée ? 1)
Me voyoit-il de l'œil qu'il me voit aujourd'hui ?
Tu t'en fouviens encor, tout confpiroit pour lui.
Ma famille vengée, & les Grecs dans la joie,
Nos vaiffeaux tout chargés des dépouilles de Troye,
Les exploits de fon pere effacés par les fiens,
Ses feux que je croyois plus ardents que les miens,
Mon cœur......Toi-même enfin de fa gloire éblouie,
Avant qu'il me trahît, vous m'avez tous trahie. 2)
Mais c'en eft trop, Cléone; &, quel que foit Pyrrhus,
Hermione eft fenfible, Oreste a des vertus:

elle ne fuit que fa paffion; elle ne voit que Pyrrhus, & Pyrrhus infidelle.

1) Sur la foi d'une amour fi faintement jurée ?]

Racine fait souvent amour du féminin; l'usage contraire a prévalu.

2) Avant qu'il me trahit, vous m'avez tous trahie.]

Tous ces nominatifs accumulés font le véritable langage de la paffion, Quelle force! quelle vivacité ! C'est le fentiment qui a droit d'enfanter des tours auffi hardis. Malheur à ceux qui ne cherchent que l'exactitude, lorfqu'ils doivent fentir!

Il fçait aimer du moins, & même fans qu'on l'aime Et peut-être il fçaura fe faire aimer lui-même. Allons. Qu'il vienne enfin.

CLÉON E.

Madame, le voici.

HERMIONE.

Ah! je ne croyois pas qu'il fût fi près d'ici!

SCENE I I.

ORESTE, HERMIONE, CLÉONE.

HERMIONE.

LE croirai-je, Seigneur, qu'un refte de tendreffe

Vous faffe ici chercher une trifte princeffe? 1)
Ou ne dois-je imputer qu'à votre feul devoir
L'heureux empreffement qui vous porte à me voir ?
OREST E.

Tel eft de mon amour l'aveuglement funefte,
Vous le fçavez, Madame; & le deftin d'Orefte
Eft de venir fans ceffe adorer vos attraits,
Et de jurer toujours qu'il n'y viendra jamais.

1) Vous faffe ici chercher une trifte princesse? ]

On trouve dans la premiere édition, à la place de ce vers, celui-ci :

» Ait fufpendu les foins dont vous charge la Grece ».

Je fçais que vos regards vont r'ouvrir mes bleffures,
Que tous mes pas vers vous font autant de parjures: 1)
Je le fçais, j'en rougis. Mais j'attefte les dieux,
Témoins de la fureur de mes derniers adieux

Que j'ai couru par-tout, où ma perte certaine
Dégageoit mes ferments, & finiffoit ma peine.
J'ai mendié la mort chez des peuples cruels, 2)
Qui n'appaisent leurs dieux que du fang des mortels;
Ils m'ont fermé leur temple 3); & ces peuples barbares,
De mon fang prodigué, font devenus avares.
Enfin je viens à vous; & je me vois réduit
A chercher, dans vos yeux, une mort qui me fuit.

1) Que tous mes pas vers vous font autant de parjures. ] Cette pensée nous femble un peu tirée. Les fix vers fuivants font admirables.

2) J'ai mendié la mort chez des peuples cruels.]

Allufion au danger qu'Orefte courut d'être immolé en Tauride par fa fœur Iphigénie.

3) Ils m'ont fermé leur temple.

Racine, felon nous,

auroit dû s'arrêter là. Les deux vers fuivants ne font qu'un jeu de mots puérile, qui n'ajoute rien aux précédents.

Le refte de ce couplet fe reffent de ce ton langoureux & fade, maintenant banni de la tragédie.

4) Enfin je viens à vous ; & je me vois réduit

A chercher, dans vos yeux, une mort qui me fuit, &c.] On ne peut s'empêcher de convenir que, dans cette piece, Orefte ne joue un rôle fort désagréable. C'est fans doute à

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