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ANDRO MAQUE.

Hélas! il mourra donc. Il n'a, pour fa défense,
Que les pleurs de fa mere, & que fon innocence;
Et peut-être, après tout, en l'état où je fuis,
Sa mort avancera la fin de mes ennuis.

Je prolongeois pour lui ma vie & ma mifere;
Mais enfin, fur fes pas, j'irai revoir fon pere.
Ainfi, tous trois, Seigneur, par vos foins réunis,
Nous vous.

PYRRH U S.

Allez, Madame, allez voir votre fils. Peut-être, en le voyant, votre amour plus timide Ne prendra pas toujours fa colere pour guide. Pour fçavoir nos deftins, j'irai vous retrouver; Madame, en l'embrassant, songez à le fauver.

Fin du premier acle.

A CTE I I.

SCENE PREMIER E. 1)

HERMIONE, CLÉONE.

HERMIONE.

E fais ce que tu veux. Je confens qu'il me voie; Je lui veux bien encore accorder cette joie. 2) Pylade va bientôt conduire ici fes pas;.

Mais, fi je m'en croyois, je ne le verrois pas. 3)

1) C'est dans cette fcene que la duplicité d'action fe fait fentir. Jufqu'à préfent il n'a été question que d'Andromaque & de fon fils, & maintenant c'eft de l'amour d'Orefte, de Pyrrhus & d'Hermione qu'il s'agit..

2) Je fais ce que tu veux. Je confens qu'il me voie,

Je lui veux bien encore accorder cette joie. ]

Le spectateur defire avec impatience de voir comment Hermione recevra Orefte; cette réception va se faire devant lui. Voilà le grand art d'un poëte tragique, de faire defirer au spectateur des fcenes qui fervent à développer une fitua tion difficile à traiter.

3) Mais, fi je m'en croyois, je ne le verrois pas. }.
Ce vers eft une adroite préparation à la catastrophe.

CLÉON E.

Et qu'eft-ce que fa vue a pour vous de funefte?
Madame, n'est-ce pas toujours le même Oreste,
Dont vous avez cent fois fouhaité le retour,
Et dont vous regrettiez la constance & l'amour ?
HERMIONE.

C'eft cet amour, payé de trop d'ingratitude,
Qui me rend, en ces lieux, fa présence fi rude.
Quelle honte pour moi, quel triomphe pour lui,
De voir mon infortune égaler fon ennui !
Eft-ce là, dira-t-il, cette fiere Hermione? 1)
Elle me dédaignoit, un autre l'abandonne.
L'ingrate, qui mettoit fon cœur à si haut prix,
Apprend donc, à fon tour, à fouffrir des mépris?
Ah, Dieux!

CLÉON E.

Ah ! diffipez ces indignes allarmes. Il a trop bien fenti le pouvoir de vos charmes, Vous croyez qu'un amant vienne vous infulter? 2)

1) Eft-ce là, dira-t-il, cette fiere Hermione? &c.]

Hermione eft ici, comme dans Euripide, fiere, emportée & jaloufe. Elle ne craint de voir Orefte, que parce qu'il fera témoin de fon humiliation; & fa fierté s'imagine encore que Pyrrhus reviendra à elle la presser de reprendre fon cœur.

2) Vous croyez qu'un amant vienne vous infulter?]

On lit ainfi ce vers dans plufieurs éditions. Il est clair

Il vous rapporte. un cœur qu'il n'a pu vous ôter.
Mais vous ne dites point ce que vous mande un pere?
HERMIONE.

Dans fes retardements fi Pyrrhus perfévere,
A la mort du Troyen s'il ne veut consentir,
Mon pere, avec les Grecs, m'ordonne de partir.
CLÉON E.

Hé bien, Madame, hé bien, écoutez donc Orefte.
Pyrrhus a commencé; faites au moins le reste. 1)
Pour bien faire, il faudroit que vous le prévinffiez.
Ne m'avez-vous pas dit que vous le haïffiez?

HERMIONE.

Si je le hais, Cléone ! Il y va de ma gloire,
Après tant de bontés, dont il perd la mémoire,
Lui, qui me fut fi cher, & qui m'a pu trahir!
Ah! je l'ai trop aimé pour ne le point haïr!
CLEON E.

Fuyez-le donc, Madame, & puisqu'on vous adore.....

que, pour ôter une faute de grammaire qui s'y trouveroit, il faut mettre une interrogation, & dire:

» Croyez-vous qu'un amant vienne vous infulter? »

1) Pyrrhus a commencé ; faites au moins le refte.

Pour bien faire, il faudroit que vous le prévinffiez. ] La Motte a repris ce dernier vers comme indigne du dialogue tragique, même dans la bouche d'une confidente. Faites au moins le reste, a le même défaut.

HERMIONE.

Ah! laiffe à ma fureur le temps de croître encore! 1)
Contre mon ennemi laiffe-moi m'assurer;
Cléone, avec horreur, je m'en veux féparer.
Il n'y travaillera que trop bien l'infidelle !
CLÉON E.

Quoi! vous en attendez quelque injure nouvelle ?
Aimer une captive, & l'aimer à vos yeux,
Tout cela n'a donc pu vous le rendre odieux?
Après ce qu'il a fait, que fçauroit-il donc faire ?
Il vous auroit déplu, s'il pouvoit vous déplaire.
HERMIONE.

Pourquoi veux-tu, cruelle, irriter mes ennuis?
Je crains de me connoître en l'état où je fuis.
De tout ce que tu vois, tâche de ne rien croire;
Crois que je n'aime plus. Vante-moi ma victoire.
Crois que,
dans fon dépit, mon cœur eft endurci ;
Hélas! Et, s'il fe peut, fais-le-moi croire auffi.
Tu veux que je le fuie. Hé bien, rien ne m'arrête.
Allons, n'envions plus fon indigne conquête.

1) Ah! laiffe à ma fureur le temps de croître encore!] Voilà de ces fineffes de fentiment que Racine feul a exprimées, & que tout le monde fent. Ce délai, qu'Hermione demande, peint bien une amante qui craint de fe venger à l'inftant même qu'elle menace,

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