Et le fer eft moins prompt pour trancher une vie, Narciffe, c'eft affez, je reconnois ce foin; NARCISSE. Quoi! pour Britannicus votre haine affoiblie NÉRON. Oui, Narciffe, on nous réconcilie. NARCISSE. Je me garderai bien de vous en détourner, On répond de fon cœur, & je vaincrai le mien. NARCISSE. Et l'hymen de Junie en eft-il le lien? Seigneur, lui faites-vous encor ce facrifice? NÉRON. C'eft prendre trop de foin. Quoi qu'il en soit, Narcisse, Agrippine, Seigneur, fe l'étoit bien promis. Quoi donc ? Qu'a-t-elle dit? Et que voulez-vous dire? Elle s'en eft vantée affez publiquement. De quoi? NÉRON. NARCISSE. Qu'elle n'avoit qu'à vous voir un moment; Qu'à tout ce grand éclat, à ce courroux funeste, On verroit fuccéder un filence modefte; Que vous-même à la paix foufcririez le premier; Heureux que fa bonté daignât tout oublier. NÉRON. Mais, Narciffe, dis-moi, que veux-tu que je faffe? Et que Rome, effaçant tant de titres d'honneur Et prenez-vous, Seigneur, leurs caprices pour guides? 1) Leur prompte fervitude a fatigué Tibere.] Ceci, dit Louis Racine, eft une allufion à ce mot de Tibere: O HOMINES AD SERVITUDINEM PARATOS! ô hommes nés pour l'efclavage!) On vit, fous cet empereur, les Romains, comme le dit Tacite, aller en foule au devant de l'esclavage, ruere in fervitium. Qui eût cru que ce peuple fi long-temps jaloux de fa liberté, & qui traitoit les rois avec tant de mépris, donneroit un jour l'exemple de la dépendance la plus fervile aux caprices de fes maîtres? Remarques fur les tragédies de Jean Racine, tom. I. pag. 324. Moi-même, revêtu d'un pouvoir emprunté, J'ai cent fois, dans le cours de ma gloire paffée, Narciffe, encore un coup, je ne puis l'entreprendre. NARCISSE. Burrhus ne pense pas, Seigneur, tout ce qu'il dit: Son adroite vertu ménage fon crédit ; 1) 1) Burrhus ne pense pas, Seigneur, tout ce qu'il dit: Son adroite vertu ménage fon crédit; &c.] On peut remarquer ici avec quelle adreffe Narciffe s'efforce de ramener Néron à fon idée. Il lui a d'abord fait entendre qu'il s'agissoit de la fûreté de fa vie ; il a intéressé fon Ou plutôt ils n'ont tous qu'une même pensée. amour pour Junie, fa haine pour Agrippine, fa paffion pour la tyrannie; enfin pour l'irriter contre fon gouverneur, il le prend par l'endroit le plus fenfible, en réveillant la folle ambition qu'il avoit de briller fur le théâtre. Remarques de Louis Racine, tom. I, pag. 325. Si la fcene précédente eft le chef-d'œuvre de l'éloquence d'un homme vertueux, celle-ci eft le chef-d'œuvre de la fourberie d'un fcélérat. 1) Pour toute ambition, pour vertu finguliere, Il excelle à conduire un char dans la carriere; A difputer des prix, &c.] On dit que Louis XIV fut frappé de ces vers, & ceffa dès-lors de danser dans les ballets, où il figuroit fouvent. |