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BRITANNICU S.

Hé bien, Narciffe, allons. Mais que vois-je ? C'est elle.

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Ah, Dieux ! A l'empereur portons cette nouvelle.

SCENE VII.

JUNIE, BRITANNICUS,

RETIRE

JUNIE.

ETIREZ-VOUS, Seigneur, & fuyez un courroux Que ma perfévérance allume contre vous. Néron eft irrité. Je me fuis échappée, Tandis qu'à l'arrêter fa mere eft occupée.

Adieu. Réservez-vous, fans bleffer mon amour, Au plaifir de me voir juftifier un jour.

Votre image fans ceffe eft préfente à mon ame, Rien ne l'en peut

bannir.

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Vous voulez que ma fuite affure vos defirs;
Que je laiffe un champ libre à vos nouveaux foupirs.
Sans doute, en me voyant, une pudeur fecrette
Ne vous laiffe goûter qu'une joie inquiette.
Hé bien, il faut partir.

JUNIE.

Seigneur, fans m'imputer...

BRITANNICUS.

Ah! vous deviez du moins plus long-temps difputer.
Je ne murmure point qu'une amitié commune
Se range du parti que flatte la fortune;

Que l'éclat d'un empire ait pu vous éblouir;
Qu'aux dépens de ma foeur vous en vouliez jouir:
Mais que de ces grandeurs comme une autre occupée,
Vous m'en ayez paru fi long-temps détrompée;
Non; je l'avoue encor; mon cœur défefpéré,
Contre ce feul malheur n'étoit point préparé.
J'ai vu fur ma ruine élever l'injustice;
De mes perfécuteurs j'ai vu le ciel complice.
Tant d'horreurs n'avoient point épuifé fon courroux.
Madame, il me reftoit d'être oublié de vous.

JUNIE.

Dans un temps plus heureux, ma juste impatience 1) Vous feroit repentir de votre défiance.

Mais Néron vous menace. En ce preffant danger, Seigneur, j'ai d'autres foins que de vous affliger. Allez, raffurez-vous, & ceffez de vous plaindre; Néron nous écoutoit, & m'ordonnoit de feindre.

1) Dans un temps plus heureux, ma jufte impatience.] Impatience pour reffentiment, ne fe diroit plus.

BRITANNICU S.

Quoi! le cruel......

JUNIE.

Témoin de tout notre entretien,

D'un vifage févere examinoit le mien,
Prêt à faire fur vous éclater la vengeance
D'un gefte confident de notre intelligence. 1)
BRITANNICU S.

Néron nous écoutoit, Madame ! Mais, hélas!
Vos yeux auroient pu feindre, & ne m'abuser
pas.
Ils pouvoient me nommer l'auteur de cet outrage.
L'amour eft-il muet, ou n'a-t-il qu'un langage?
De quel trouble un regard pouvoit me préserver?
Il falloit....

JUNIE.

Il falloit me taire, & vous fauver. Combien de fois, hélas ! puifqu'il faut vous le dire, Mon cœur de fon défordre alloit-il vous inftruire? De combien de foupirs interrompant le cours, Ai-je évité vos yeux que je cherchois toujours? 2)

1) D'un gefte confident de notre intelligence. ] Confident pour interprête.

2) Ai-je évité vos yeux que je cherchois toujours ? ]

Ce vers, qui ne paroît d'abord qu'une antithefe, peint parfaitement le fentiment de Junie, obfervée par Néron pendant qu'elle parloit à Britannicus.

Quel tourment de se taire en voyant ce qu'on aime!
De l'entendre gémir, de l'affliger foi-même
Lorfque par un regard on peut le confoler!
Mais quels pleurs ce regard auroit-il fait couler!
Ah! dans ce fouvenir, inquiete, troublée,
Je ne me fentois pas affez diffimulée.

De mon front effrayé je craignois la pâleur;
Je trouvois mes regards trop pleins de ma douleur.
Sans ceffe il me fembloit que Néron en colere,
Me venoit reprocher trop de foin de vous plaire.
Je craignois mon amour vainement renfermé;
Enfin, j'aurois voulu n'avoir jamais aimé.

Hélas! pour fon bonheur, Seigneur, & pour le nôtre,
Il n'eft que trop inftruit de mon cœur & du vôtre.
Allez, encore un coup, cachez-vous à fes yeux;
Mon cœur plus à loifir vous éclaircira mieux.
De mille autres fecrets j'aurois compte à vous
rendre. 1)

BRITANNICU s.
Ah! n'en voilà que trop. C'est trop me faire entendre,
Madame, mon bonheur, mon crime, vos bontés.
Et fçavez-vous pour moi tout ce que vous quittez?
(fe jettant aux pieds de Junie.)

Quand pourrai-je à vos pieds expier ce reproche ?

1) De mille autres fecrets j'aurois compte à vous rendre.] Cette inverfion Marotique ne peut entrer dans le dialogue tragique.

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JUNIE.

Que faites-vous? Hélas! votre rival s'approche.

SCENE VIII

NÉRON, JUNIE, BRITANNICUS.

PRINCE

NÉRON.

RINCE, continuez des transports fi charmants. 1)
Je conçois vos bontés par fes remercîments,
Madame. A vos genoux je viens de le furprendre,
Mais il auroit auffi quelque grace à me rendre :
Ce lieu le favorife, & je vous y retiens
Pour lui faciliter de fi doux entretiens.

BRITANNICUS,

Je puis mettre à fes pieds ma douleur ou ma joie,
Par-tout où fa bonté confent que je la voie;
Et l'afpect de ces lieux où vous la retenez,
N'a rien dont mes regards doivent être étonnés.

1) Prince, continuez des transports fi charmants.]

Néron, que Narciffe a couru avertir, paroît tout à coup; quoique cette arrivée imprévue doive interdire Britannicus, il répond dans toute cette fcene avec tant de fermeté & de grandeur d'ame, que Boileau n'a jamais pu penser ce qu'on lui fait dire dans le Bolæana, que ce prince étoit trop petit devant Néron. Cuv. de Boileau, Pazis, 1747, t. V. p. 84.

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