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Faut-il facrifier le repos de vos jours? Contraindrez-vous Céfar jusques dans fes amours?

AGRIP PINE.

Quoi! tu ne vois donc pas jusqu'où l'on me ravale,
Albine? C'est à moi qu'on donne une rivale. 1)
Bientôt, fi je ne romps ce funefte lien,
Ma place eft occupée, & je ne fuis plus rien.
Jufqu'ici d'un vain titre Octavie honorée,
Inutile à la cour, en étoit ignorée.

Les graces,
les honneurs par moi feule verfés,
M'attiroient des mortels les voeux intéreffés.
Une autre de Céfar a furpris la tendreffe,
Elle aura le pouvoir d'épouse & de maîtreffe.
Le fruit de tant de foins, la pompe des Céfars,
Tout deviendra le prix d'un feul de fes regards.
Que dis-je ? L'on m'évite; & déjà délaiffée
Ah! je ne puis, Albine, en fouffrir la pensée.
Quand je devrois du ciel hâter l'arrêt fatal,
Néron, l'ingrat Néron...... Mais voict fon rival.

1) Albine? C'est à moi qu'on donne une rivale.]

Tacite, & Suetone fur-tout, écrivent qu'Agrippine fongea même à profiter des charmes que lui trouvoit fon fils, & à favorifer le penchant inceftueux qu'il fe fentoit pour elle, liv. VI, 28; mais que Séneque & Burrhus traverferent fes deffeins en intimidant Néron, & en lui perfuadant qu'il auroit tout à craindre de l'ambition de sa mere, s'il lui donnoit de nouveaux droits fur fon cœur.

SCENE V.

BRITANNICUS, AGRIPPINE, NARCISSE,

ALBINE.

BRITANNICU S.

Nos ennemis communs ne font pas invincibles,

Madame; nos malheurs trouvent des cœurs fenfibles.
Vos amis & les miens, jufqu'alors fi fecrets,
Tandis que nous perdions le temps en vains regrets,
Animés du courroux qu'allume l'injustice,
Viennent de confier leur douleur à Narciffe.
Néron n'eft pas encor tranquille poffeffeur
De l'ingrate qu'il aime au mépris de ma fœur.
Si vous êtes toujours fenfible à fon injure,
On peut dans fon devoir ramener le parjure;
La moitié du fénat s'intéresse pour nous;
Sylla, Pifon, Plautus...... 1)

.1)

1) Sylla, Pifon, Plautus......]

Sylla & Plautus étoient les plus confidérés d'entre les fénateurs; Néron, fous différents prétextes, les fit périr tous deux. Pifon, ainfi que Séneque & le poëte Lucain, périt dans l'avant-derniere conjuration qui fut faite contre Néron. Le projet de Pifon étoit de s'emparer de l'empire; mais le deffein des conjurés étoit d'y élever Séneque, en tuant Pifon lui-même après la mort de Néron.

AGRIP PINE.

Prince, que dites-vous ?

Sylla, Pifon, Plautus, les chefs de la noblesse!

BRITANNICU S.

Madame, je vois bien que ce difcours vous bleffe;
Et que votre courroux, tremblant, irréfolu,
Craint déjà d'obtenir tout ce qu'il a voulu.
Non, vous avez trop bien établi ma disgrace;
D'aucun ami pour moi ne redoutez l'audace:
Il ne m'en reste plus; & vos foins trop prudents.
Les ont tous écartés, ou féduits dès long-temps..
A GRIP PINE.

Seigneur, à vos foupçons donnez moins de créance;
Votre falut dépend de notre intelligence.
J'ai promis, il fuffit. Malgré vos ennemis,
Je ne révoque rien de ce que j'ai promis.
Le coupable Néron fuit en vain ma colere;
Tôt ou tard il faudra qu'il entende fa mere.
J'effaîrai, tour à tour, la force & la douceur;
Ou moi-même, avec moi, conduifant votre fœur,
Firai femer par-tout ma crainte & fes allarmes,
Et ranger tous les coeurs du parti de fes larmes.
Adieu. J'affiégerai Néron de toutes parts;
Vous, fi vous m'en croyez, évitez fes regards..

A a iij

SCENE Ꮴ 1.

BRITANNICUS, NARCISSE.

BRITANNICU S.

NE m'as-tu pas flatté d'une fausse espérance?

Puis-je fur ton récit fonder quelque affurance, Narciffe?

NARCISSE.

Oui. Mais, Seigneur, ce n'eft pas en ces lieux Qu'il faut développer ce myftere à vos yeux. Sortons. Qu'attendez-vous?

BRITANNICU s.

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BRITANNICU S.

J'en rougis. Mais, enfin,

D'un cœur moins agité j'attendrois mon deftin.

NARCISSE.

Après tous mes difcours, vous la croyez fidelle?
BRITANNICU s.

Non, je la crois, Narciffe, ingrate, criminelle,
Digne de mon courroux. Mais je fens, malgré moi,
Que je ne le crois pas autant que je le doi.
Dans fes égarements, mon cœur opiniâtre
Lui prête des raisons, l'excuse, l'idolâtre;
Je voudrois vaincre enfin mon incrédulité;
Je la voudrois haïr avec tranquillité.

Et qui croira qu'un cœur, fi grand en apparence,
D'une infidelle cour ennemi dès l'enfance,
Renonce à tant de gloire, &, dès le premier jour,
Trame une perfidie inouie à la cour?

NARCI'S SE.

Et qui fçait fi l'ingrate, en fa longue retraite,
N'a point de l'empereur médité la défaite ?

Trop fûre que fes yeux ne pouvoient se cacher,
Peut-être elle fuyoit pour fe faire chercher;
Pour exciter Néron par la gloire pénible
De vaincre une fierté jufqu'alors invincible.
BRITANNICU S.

Je ne la puis donc voir ?

NARCISSE.

Seigneur, en ce moment,

Elle reçoit les voeux de fon nouvel amant.

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