Séneque, dont les foins me devroient soulager, SCENE III. AGRIPPINE, BURRHUS, ALBINE. AGRIP PINE. Hi bien, je me trompois, Burrhus, dans mes foupçons ! Et vous vous fignalez par d'illuftres leçons. BURRH U S. Madame, jufqu'ici c'eft trop tôt m'accuser; L'empereur n'a rien fait qu'on ne puiffe excufer. N'imputez qu'à Pallas un exil néceffaire; Son orgueil, dès long-temps, exigeoit ce falaire; Le refte eft un malheur qui n'eft point fans reffource. AGRIP PINE. Ah! l'on s'efforce en vain de me fermer la bouche. 1) Le fils de Claudius commmence à ressentir 1) Des crimes, dont je n'ai que le feul repentir: &c.] Commence à reffentir des crimes, pour commence à être fenfible aux injuftices; c'eft l'unique fois que cette expreffion, peut-être trop obfcure, fe rencontre dans Racine. Tout ce beau morceau eft entiérement imité de Tacite : Après la difgrace de Pallas, Agrippine emportée par fa fùreur, ne put en contenir les tranfports; elle s'épuifa en menaces ne ceffa de répéter à fon fils que Britannicus étoit dans un âge elle J'irai, n'en doutez point, le montrer à l'armée; Et de Germanicus on entendra la fille. De nos crimes communs je veux qu'on foit inftruit; qui le rendoit propre à tout: qu'il étoit le vrai, le digne rejetton d'un fang qui lui donnoit droit de fuccéder à fon pere dans l'administration d'un empire gouverné par un prince adoptif qui ne le devoit qu'aux crimes de fa mere: qu'elle ne pouvoit plus diffimuler les défaftres de cette famille infortunée, fon mariage inceftueux, fes empoisonnements : que c'étoit par un effet de fa prudence & de la fageffe des dieux, qu'elle avoit eu le fecret de conferver la vie à fon beau-fils: qu'elle iroit le montrer à l'armée : qu'on entendroit d'un côté la fille de Germanicus, de l'autre Burrhus & Séneque qu'elle avoit rappellés de l'exil, prétendre tous deux à l'honneur de gouverner le genre humain; celui-là par quelques légeres blessures, & celui-ci par une frivole éloquence. Annal. liv. XIII. Je Je confefferai tout, exils, affaffinats, Poison même...... I) BURRH US. Madame, ils ne vous croiront pas. Ils fçauront récufer l'injufte ftratagême D'un témoin irrité qui s'accuse lui-même. 1) Je confefferai tout, exils, assassinats ̧ C'est bien ici le lieu de diré avec Séneque, muliebre eft furere in ira; de Clementia, lib. I. cap. v. Tant qu'Agrippine a regné fous le nom de fon fils, elle n'a point pensé à dévoiler les moyens injuftes qu'elle avoit mis en œuvre pour lui affurer l'empire; ce n'eft que depuis qu'il a refusé de la faire entrer en partage de fon autorité qu'elle a imaginé de faire ufage de cet expédient. La réponse de Burrhus eft de toute beauté, elle fait d'autant plus de plaifir qu'on ne s'attend point à la maniere fublime dont il déconcerte Agrippine. Et le jeune Agrippa, de fon fang descendu, 1) DANS SCENE IV. AGRIPPINE, ALBINE. ALBIN E. ANS quel emportement la douleur vous engage, Madame ! l'empereur puiffe-t-il l'ignorer! AGRIPPINE. Ah, lui-même à mes yeux puiffe-t-il fe montrer! ALBIN E. Madame, au nom des dieux, cachez votre colere. Quoi! pour les intérêts de la foeur ou du frere 2) Et le jeune Agrippa, de fon fang defcendu, &c.] C'étoit Julius Agrippa, fils pofthume du célebre Vipfanius Agrippa & de Julie, fille d'Auguste; sa jeunesse n'annonçant que des inclinations perverses, Augufte le relégua à Sorrento, & quelque temps après dans l'ifle de Planefia, où il mourut. |