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BURRH U S.

Cet amour, Seigneur, qui vous poffede...

NERO N.

Je vous entends, Burrhus; le mal eft fans remede.
Mon cœur s'en eft plus dit que vous ne m'en direz;
Il faut que j'aime enfin.

NARCIS S E.

» Seigneur, c'est un peu loin pouffer la violence.
»Vous pouvez tout; j'écoute, & garde le filence.
» Mes actions, un jour, pourront vous repartir.
» Jufques-là....

"

"

BURRHU S.

Puiffiez-vous bientôt me démentir!

» Plût aux Dieux qu'en effet ce reproche vous touche!
» Je vous aiderai même à me fermer la bouche.
» Séneque, dont les foins devroient me foulager,
» Occupé loin de Rome, ignore ce danger.

Réparons, vous & moi, cette abfence funefte;
» Du fang de nos Céfars réuniffons le refie e;
» Rapprochons-les, Narciffe, au plutôt dès ce jour,
» Tandis qu'ils ne font point féparés fans retour ».
Lorfqu'on lit cette fcene, on eft prefque tenté de la con-
ferver une attention plus férieuse ramene au sentiment
de Boileau. Burrhus en effet manquoit à la prudence, en
faifant entrer dans fa confiance un traître qu'il ne pouvoit
efpérer de faire changer.

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J'irai, n'en doutez point, le montrer à l'armée;
Plaindre aux yeux des foldats fon enfance opprimée;
Leur faire, à mon exemple, expier leur erreur,
On verra d'un côté le fils d'un empereur,
Redemandant la foi jurée à fa famille;

Et de Germanicus on entendra la fille.
De l'autre, l'on verra le fils d'Ænobarbus,
Appuyé de Séneque & du tribun Burrhus,
Qui, tous deux de l'exil rappellés par moi-même,
Partagent à mes yeux l'autorité fuprême.
De nos crimes communs je veux qu'on foit instruit;
On fçaura les chemins par où je l'ai conduit.
Pour rendre fa puissance & la vôtre odieuses,
J'avoûrai les rumeurs les plus injurieuses;

:

qui le rendoit propre à tout: qu'il étoit le vrai, le digne rejetton d'un fang qui lui donnoit droit de fuccéder à fon pere dans l'adminiftration d'un empire gouverné par un prince adoptif qui ne le devoit qu'aux crimes de fa mere: qu'elle ne pouvoit plus diffimuler les défaftres de cette famille infortunée, fon mariage inceftueux, fes empoisonnements que c'étoit par un effet de fa prudence & de la fageffe des dieux, qu'elle avoit eu le fecret de conferver la vie à fon beau-fils: qu'elle iroit le mon trer à l'armée : qu'on entendroit d'un côté la fille de Germa nicus, de l'autre Burrhus & Séneque qu'elle avoit rappellés de l'exil, prétendre tous deux à l'honneur de gouverner le genre humain; celui-là par quelques légeres blessures, & celui-ci par une frivole éloquence. Annal. liv. XIII.

Je

Je confefferai tout, exils, affaffinats,

Poison même...... I)

BURRH U S.

Madame, ils ne vous croiront pas.

Ils fçauront récufer l'injufte ftratagême
D'un témoin irrité qui s'accufe lui-même.
Pour moi, qui le premier fecondai vos deffeins,
Qui fis même jurer l'armée entre fes mains,
Je ne me repens point de ce zele fincere,
Madame; c'eft un fils qui fuccede à fon pere:
En adoptant Néron, Claudius par fon choix,
De fon fils & du vôtre a confondu les droits.
Rome l'a pu choifir. Ainfi, fans être injufte,
Elle choisit Tibere adopté par Augufte;

1) Je confefferai tout, exils, assassinats ̧ Poifon même........]

C'est bien ici le lieu de diré avec Séneque, muliebre eft furere in ira; de Clementia, lib. I. cap. v. Tant qu'Agrippine a regné sous le nom de fon fils, elle n'a point pensé à dévoiler les moyens injuftes qu'elle avoit mis en œuvre pour lui affurer l'empire; ce n'eft que depuis qu'il a refusé de la faire entrer en partage de fon autorité qu'elle a imaginé de faire ufage de cet expédient.

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La réponse de Burrhus eft de toute beauté, elle fait d'autant plus de plaifir qu'on ne s'attend point à la maniere fublime dont il déconcerte Agrippine.

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BURRH US.

Vous vous le figurez,

Seigneur; &, fatisfait de quelque réfiftance, 1)
Vous redoutez un mal foible dans fa naiffance.
Mais fi dans fon devoir votre cœur affermi 2)
Vouloit ne point s'entendre avec son ennemi;
Si de vos premiers ans vous confultiez la gloire;
Si vous daigniez, Seigneur, rappeller la mémoire
Des vertus d'Octavie indigne de ce prix,
Et de fon chaste amour vainqueur de vos mépris;
Sur-tout fi, de Junie évitant la préfence,
Vous condamniez vos yeux à quelques jours d'absence;
Croyez-moi, quelque amour qui femble vous charmer,
On n'aime point, Seigneur, fi l'on ne veut aimer.

1)

Vous vous le figurez,

Seigneur; &, fatisfait de quelque résistance, &c.] On trouve dans l'Octavie que nous avons déjà citée, une fcene où Séneque veut détourner Néron d'un divorce qu'il projettoit. Racine a fans doute connu cette scene, mais il n'a point imité aveuglément le tragique latin :

L'amour, dit celui-ci, ce reffort puissant de notre ame, eft une chaleur délicieuse qui nous enflamme; la jeunesse l'enfante ; l'oifiveté, le luxe le nourriffent au sein du bonheur; ceffe-t-on de l'entretenir & de lui prêter des forces, il languit & perd bientôt fa premiere vigueur. Octavie, acte II. scene 11. 2) Mais fi dans fon devoir votre cœur affermi. ]

VARIANTE.

» Mais fi dans fa fierté votre cœur affermi ».

NÉRON.

Je vous croirai, Burrhus, lorsque, dans les allarmes,
Il faudra foutenir la gloire de nos armes;
Ou, lorfque plus tranquille, affis dans le fénat,
Il faudra décider du deftin de l'État,

Je m'en reposerai fur votre expérience.
Mais, croyez-moi, l'amour eft une autre fcience,
Burrhus, & je ferois quelque difficulté
D'abaiffer jufques-là votre févérité.
Adieu. Je fouffre trop, éloigné de Junie.

SCENE I I.

BURRH US, feul.

ENFIN, Burrhus, Néron découvre fon génie. 1)

Cette férocité que tu croyois fléchir,

De tes foibles liens eft prête à s'affranchir.
En quels excès peut-être elle va se répandre !
O Dieux! en ce malheur quel confeil dois-je prendre?

1) Enfin, Burrhus, Néron découvre fon génie.]

Ces fortes de vers font plaifir dans un drame; ils fervent à marquer les gradations de l'intrigue, & à fixer les différentes nuances des caracteres.

On lifoit d'abord:

» Hé bien, Burrhus, Néron découvre fon génie ».

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