Quand elle vous verra, de ce degré de gloire, A combien de chagrins il faut que je m'apprête! Seigneur? NARCIS S E. Quoi donc ? Qui vous arrête, NÉRON. Tout. Octavie, Agrippine, Burrhus Séneque, Rome entiere, & trois ans de vertus. 1) Non que pour Octavie un refte de tendreffe M'attache à fon hymen & plaigne fa jeunesse. Mes yeux, depuis long-temps, fatigués de fes foins, Rarement de fes pleurs daignent être témoins. Trop heureux, fi bientôt la faveur d'un divorce Me foulageoit d'un joug qu'on m'impofa par force! Le ciel même en fecret femble la condamner: Ses vœux, depuis quatre ans, ont beau l'importuner; 1) Tout. Olavie, Agrippine, Burrhus, Séneque, Rome entiere, & trois ans de vertus.] Néron commença fon regne par être vertueux. L'action de cette piece eft fuppofée fe paffer au moment où fon cœur flotte entre le crime & la vertu. Les dieux ne montrent point que fa vertu les touche. Que tardez-vous, Seigneur, à la répudier? 1) Augufte, votre aïeul, foupiroit pour Livie.] Augufte , pour époufer Livie, répudia Scribonie; & Livie, quoique déjà enceinte de plufieurs mois, fe sépara de Claude Tibere Néron, dont elle avoit déjà un fils; elle fit entrer, par ce mariage, la poftérité des Nérons dans la famille des Octaviens. 2) Tibere, que l'hymen plaça dans fa famille, Ofa bien, à fes yeux, répudier fa fille.] C'étoit la fameufe Julie, fille d'Octavien, veuve d'Agrippa, & remariée à Tibere. 3) Vous feul, jufques ici contraire à vos defirs, &c.] Ce que Racine met dans la bouche de Narciffe, Séneque le fait dire à Néron. Octavie, acte II. scene 11. Prohibebor unus facere quod cundis licet. Vers que Corneille a traduit ainfi : Vous feul ne pourriez pas ce que peut le vulgaire. NÉRON. Et ne connois-tu pas l'implacable Agrippine? Qui m'amene Octavie, & d'un œil enflammé, NARCISSE. N'êtes-vous pas, Seigneur, votre maître & le fien? Vous verrons-nous toujours trembler fous fa tutelle? Vivez, régnez pour vous. C'est trop régner pour elle. Craignez-vous.....? Mais, Seigneur, vous ne la craignez pas. Vous venez de bannir le fuperbe Pallas, Pallas, dont vous fçavez qu'elle foutient l'audace. Eloigné de fes yeux, j'ordonne, je menace, Mais enfin, mes efforts ne me fervent de rien, NARCISSE. Non, non, Britannicus s'abandonne à ma foi: NÉRON. J'y confens; porte-lui cette douce nouvelle : 1) Mon génie étonné tremble devant le fien.] Cette expreffion préfente une très-belle image, & paroît avoir été fuggérée à Racine par Plutarque. On lit dans cet auteur, page 930, édition de Paris, qu'Antoine perdant toujours au jeu contre Octave, un devin lui dit : Éloignez-vous de ce jeune homme, votre génie redoute le fien. 2) Impatient, fur-tout, de revoir fes amours.}. Ses amours, mes amours, terme populaire, & qu'on ne pardonneroit plus à un auteur tragique. NARCISSE. Seigneur, banniffez-le loin d'elle. J'ai mes raifons, Narciffe; & tu peux concevoir SCENE III, NÉRON, JUNIE. NÉRON. Vous vous troublez, Madame, & changez de vifage! Lifez-vous dans mes yeux quelque triste présage? JUNIE. Seigneur, je ne vous puis déguiser mon erreur; J'allois voir Octavie, & non pas l'empereur. 1) J'ai mes raifons, Narciffe; & tu peux concevoir Que je lui vendrai cher le plaifir de la voir.] C'est ici que commence tout l'intérêt de la piece. Le fpectateur n'est touché qu'à l'inftant cù Britannicus est en danger. |