SCENE I I. NERON, NARCISSE, NARCISSE. GRACES aux Dieux, Seigneur, Junie entre vos mains Vous affure aujourd'hui du refte des Romains. NERON. Narciffe, c'en eft fait, Néron eft amoureux. 1) 1) Narciffe, c'en est fait, Néron est amoureux.] Le mot amour est noble, mais celui d'amoureux eft prefque toujours trivial; c'eft fur-tout cette expreffion qui dépare ce vers. La déclaration que fait ici Néron eft un peu languiffante, & paroît fortir du ton de la tragédie. Néron n'auroit dû dire qu'un mot de fon amour, fans entrer dans de plus grands détails; la scene suivante avec Junie étoit plus que fuffifante pour développer cette paffion, & en instruire le spectateur, Vous ? NARCISSE. NERON. Depuis un moment; mais pour toute ma vie. J'aime, que dis-je aimer ? j'idolâtre Junie. Vous l'aimez ? NARCISSE. NÉRON. Excité d'un defir curieux, Cette nuit je l'ai vue arriver en ces lieux 1) Trifte, levant au ciel fes yeux mouillés de larmes, Qui brilloient au travers des flambeaux & des armes.] On défapprouvera fans doute ici des yeux qui brillent au travers des flambeaux; ces expreffions exagérées ne font point le langage de la vraie paffion; d'ailleurs, tous ces amours fubits n'intéreffent point. Les vers fuivants font 'charmants, ils offrent l'image la plus voluptueufe & la plus honnête. Quoi qu'il en foit, ravi d'une fi belle vue, Je l'ai laiffé paffer dans fon appartement. Mes yeux, Narciffe, qu'en dis-tu ? NARCISSE. * Quoi, Seigneur! croira-t-on Qu'elle ait pu fi long-temps fe cacher à Néron? NÉRON. Tu le fçais bien, Narciffe. Et foit que fa colere Fidelle à fa douleur, & dans l'ombre enfermée, Quoi, Narciffe ! tandis qu'il n'est point de Romaine Seigneur ? NARCISSE. Quoi! s'il l'aime, NÉRON. Si jeune encor, fe connoît-il lui-même ? D'un regard enchanteur connoît-il le poison? NARCISSE. Seigneur, l'amour toujours n'attend pas la raison. N'en doutez point, il l'aime. Inftruits par tant de charmes Ses yeux font déjà faits à l'usage des larmes. NÉRON. Que dis-tu ? Sur fon cœur il auroit quelque empire? NARCISSE. Je ne fçais. Mais, Seigneur, ce que je puis vous dire, Je Je l'ai vu quelquefois s'arracher de ces lieux, Las de votre grandeur & de fa fervitude; D'autant plus malheureux qu'il aura fçu lui plaire, NARCISSE. Vous? Et de quoi, Seigneur, vous inquiétez-vous? 1) Il alloit voir Junie, & revenoit content.] Idée empruntée fans doute de l'éloge que fait Boileau de cet Empereur Romain Qui rendit de fon joug l'univers amoureux; Qu'on n'alla jamais voir fans revenir heureux. |