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Il expose la fienne; & que, dans la balance,
Mon nom peut-être aura plus de poids qu'il ne penfe.

BURRH U S.

Quoi, Madame! toujours foupçonner fon refpect?
Ne peut-il faire un pas qui ne vous foit fufpect?
L'empereur vous croit-il du parti de Junie?
Avec Britannicus vous croit-il réunie?

Quoi! de vos ennemis devenez-vous l'appui,
Pour trouver un prétexte à vous plaindre de lui?
Sur le moindre difcours qu'on pourra vous redire,
Serez-vous toujours prête à partager l'empire?
Vous craindrez-vous fans ceffe? Et vos embraffements
Ne fe pafferont-ils qu'en éclairciffements?
Ah! quittez d'un cenfeur la trifte diligence;
D'une mere facile affectez l'indulgence;
Souffrez quelques froideurs, fans les faire éclater;
Et n'avertiffez point la cour de vous quitter.

AGRIP PINE.

Et qui s'honoreroit de l'appui d'Agrippine, 1)
Lorfque Néron lui-même annonce ma ruine?

1) Et qui s'honoreroit de l'appui d'Agrippine,
Lorfque Néron lui-même annonce ma ruine?]

On lit ainfi le fecond vers dans quelques éditions:
Lorfque Néron lui-même annonce fa ruine ».

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Cet

orgueil ambitieux d'Agrippine nous paroît reffembler

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Lorsque de fa présence il semble me bannir,
Quand Burrhus à fa porte ofe me retenir ?
BURRH U S.

Madame, je vois bien qu'il eft temps de me taire,
Et que ma liberté commence à vous déplaire.
La douleur eft injufte; & toutes les raisons
Qui ne la flattent point, aigriffent fes foupçons.
Voici Britannicus. Je lui cede ma place.
Je vous laiffe écouter & plaindre fa difgrace,
Et peut-être, Madame, en accufer les foins
De ceux que l'empereur a confultés le moins.

SCENE III.

BRITANNICUS, AGRIPPINE, NARCISSE,

AH, Prin

ALBINE.

AGRIPPIN E.

H,Prince!Où courez-vous? Quelle ardeur inquiette
Parmi vos ennemis en aveugle vous jette?
Que venez-vous chercher ?

aux transports de Junon dans Virgile, lorsqu'elle s'écrie avec
indignation:

Et quifquam numen Junonis adoret

Prætereà, aut fupplex aris imponat honorem?

Enéide, liv. I.

Qui voudra déformais adorer Junon, encenfer fes autels, & lui offrir des vaux ? Ce que Virgile a imité d'Homere.

BRITANNICUS.

Ce que je cherche ? Ah, Dieux!

Tout ce que j'ai perdu, Madame, eft en ces lieux.
De mille affreux foldats Junie environnée,
S'eft vue en ce palais indignement traînée.
Hélas! de quelle horreur fes timides efprits,
A ce nouveau spectacle, auront été furpris!
Enfin on me l'enleve. Une loi trop févere
Va féparer deux coeurs qu'affembloit leur mifere.
Sans doute, on ne veut pas que, mêlant nos douleurs,
Nous nous aidions l'un l'autre à porter nos malheurs,
AGRIP PIN E.

Il fuffit. Comme vous je reffens vos injures;
Mes plaintes ont déjà précédé vos murmures:
Mais je ne prétends pas qu'un impuiffant courroux
Dégage ma parole, & m'acquitte envers vous.
Je ne m'explique point. Si vous voulez m'entendre
Suivez-moi chez Pallas, où je vais vous attendre.

1) Suivez-moi chez Pallas, où je vais vous attendre.] Racine a rendu ce Pallas néceffaire à fa piece; mais il n'a pas voulu Fintroduire fur la fcene, parce qu'il auroit rendu Agrippine auffi méprifable que l'étoit ce confident luimême. Tacite s'exprime ainfi au fujet des liaisons, de cette princeffe avec cet affranchi:

Agrippina puellaribus annis ftuprum cum Lepido, fpe dominationis, admiferat, pari cupidine ufque ad libita Pallantis provoluta. Annal. liv. XIII

SCENE IV.

BRITANNICUS, NARCISSE.

BRITANNICU s.

La croirai-je, Narciffe 1)? Et dois-je, fur fa foi,

La prendre pour arbitre entre fon fils & moi?
Qu'en dis-tu? N'eft-ce pas cette même Agrippine
Que mon pere époufa jadis pour ma ruine;
Et qui, fi je t'en crois, a, de fes derniers jours,
Trop lents pour fes deffeins, précipité le cours?

1) La croirai-je, Narciffe? Et dois-je, fur fa foi, La prendre pour arbitre entre fon fils & moi?] Quelques critiques ont blâme Racine d'avoir donné pour confident à Britannicus ce même Narciffe qui, felon Tacite, avoit fait poignarder, de fon propre mouvement, Meffaline, troifieme femme de Claude & mere de Britannicus; & nous croyons qu'il n'eft gueres poffible de le juftifier entiérement fur ce reproche. On pourroit cependant rapporter en fa faveur un paffage de Tacite, où il paroît que Narciffe avoit paru s'intéreffer au fort de Britannicus enfant, d'une maniere affez vive pour avoir droit à fa confiance dans un âge plus avancé. Narciffe, dit-il, ayant inutilement tâché de fauver Domitia Lépida, qu'Agrippine fit condamner à mort, fut fi fenfible à cette perte qu'il ne put s'empêcher d'en témoigner du regret à fes amis; au

NARCISSE.

N'importe. Elle fe fent, comme vous, outragée.
A vous donner Junie elle s'eft engagée.
Uniffez vos chagrins, liez vos intérêts;
Ce palais retentit en vain de vos regrets.
Tandis qu'on vous verra, d'une voix fuppliante, 1)
Semer ici la plainte & non pas l'épouvante,
Que vos reffentiments se perdront en discours;
Il n'en faut pas douter, vous vous plaindrez toujours.
BRITANNICU s.

Ah, Narciffe! tu fçais fi de la fervitude
Je prétends faire encore une longue habitude;

milieu des difcours qu'il leur tenoit à ce fujet, il embraffoit Britannicus, & tantôt élevant les mains au ciel, tantôt les tendant vers le jeune prince, il lui difoit qu'il fouhaitoit de le voir en âge de chaffer de fa cour les ennemis de fon pere, d'étendre même fa vengeance fur les meurtriers de faj mere. Annal, liv. XII. Mais ce qui nous paroît plus propre à excufer Racine, c'eft que ce qui n'eft pas vraisemblable pour l'hiftorien, le devient pour le poëte; d'ailleurs l'histoire de Néron n'étoit pas affez récente pour qu'il n'ait pas été permis à l'auteur d'altérer la vérité dans un personnage fubalterne. Depuis près de cent ans qu'on représente cette piece, aucun fpectateur ne s'eft plaint de cette altération.

1) Tandis qu'on vous verra, d'une voix fuppliante. ] On lifoit d'abord :

» Tant que l'on vous verra, d'une voix fuppliante ».

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