Mais fa feinte bonté fe tournant en fureur, dans le fang de fes fujets, fut d'abord un très-bon empereur; il affecta au commencement de fon regne une douceur & une clémence finguliere il porta même la diffimulation jufqu'à jetter au feu un libelle qu'on lui présentoit, en disant qu'il ne prêteroit jamais l'oreille aux délateurs. Il ne fe contraignit pas long-temps. Suetone paffse ainfi au récit des excès auxquels il fe porta : J'ai parlé, dit-il, jufqu'à préfent d'un prince, je vais maintenant parler d'un monftre. Liv. IV, ch. 22. ALBIN E. Vous, leur appui, Madame? AGRIP PINE. Arrête, chere Albine; Je fçais que j'ai moi feule avancé leur ruine ; Silanus, fur qui Claude avoit jetté les yeux, 1) Par moi feule, éloigné de l'hymen d'Octavie, Le frere de Junie abandonna la vie, Silanus, &c. Lucius Silanus étoit fils d'Émilia Lépida, petite-fille de Julie, fille d'Augufte & d'Appius Silanus, que Meffaline fit périr pour se venger du refus qu'il lui avoit fait de fe rendre à fes follicitations inceftueufes. Suetone, liv. V, 29, 38. Il jouit d'abord de la faveur de Claude, & la perdit enfuite par les intrigues de Vitellius, ayant été accufé d'avoir un commerce illicite avec fa fœur. Sur cette imputation qui n'avoit aucun fondement, ce jeune Romain fut dégradé de la dignité de fénateur, & forcé d'abdiquer la préture. Cette note d'infamie fit rompre le mariage qui devoit l'unir avec Octavie. Tacite, annal. liv. XII. Il faut qu'entr'eux & lui je tienne la balance; 1) Afin que, quelque jour, par une même loi, Britannicus la tienne entre mon fils & moi. Quel deffein! ALBIN E. AGRIP PINE. Je m'affûre un port dans la tempête. Néron m'échappera, fi ce frein ne l'arrête. ALBIN E. Mais prendre contre un fils tant de foins fuperflus?.... AGRIP PINE. Je le craindrois bientôt, s'il ne me craignoit plus. Une injufte frayeur vous allarme peut-être. 1) Il faut qu'entr'eux & lui je tienne la balance.] Voilà donc toute la politique d'Agrippine découverte ; elle n'a confervé la vie à Britannicus que pour l'opposer à Néron, s'il devenoit ingrat. Tacite obferve à ce fujet qu'Agrippine ne parut fâchée de la mort de Britannicus que parce qu'elle crut avoir perdu le feul moyen qui lui reftoit de conferver fon crédit. Annal. liv. XIII. Le caractere de cette femme ambitieuse fe développe dans cette fcene avec beaucoup d'art & de naturel. Du moins fon changement ne vient pas jufqu'à nous; Votre nom eft, dans Rome, auffi faint que le fien. 2) Un peu moins de refpect, & plus de confiance. 1) Quelques titres nouveaux que Rome lui défere, Néron n'en reçoit point qu'il ne donne à fa mere. ] La premiere fois, dit Tacite, que le tribun vint prendre l'ordre de Néron, le nouvel empereur lui donna pour mot OPTIMA MATER, très-bonne mere, titre fingulier qui ne pouvoit rien ajouter à celui d'Augufte qu'Agrippine avoit porté du vivant même de Claude, mais bien propre à balancer dans fon cœur le nom de PERE DE LA PATRIE, qu'on avoit donné à fon fils. Le fénat, dans le même temps, décerna à cette princeffe deux licteurs, & d'autres marques de distinction. Annal. liv. XIII. 2) Votre nom eft, dans Rome, auffi faint que le fien.} C'est ce que Burrhus va bientôt dire à Agrippine: » Ainfi que par Céfar, l'on jure par fa mere ». Tous ces présents, Albine, irritent mon dépit : 1) Non, non, le temps n'est plus, &c. Que mon ordre au palais assembloit le fénat ; Et que, derriere un voile, invifible & préfente, &c.] Agrippine, au rapport de Tacite, obtint, au commencement du regne de Néron, que le fénat s'affembleroit dans fon palais; elle s'y tenoit cachée derriere une tapisserie pour entendre, fans être vue, tout ce qui fe difoit. Annal. liv. XIII. 2) Ce jour, ce trifle jour frappe encor ma mémoire, Où Néron fut lui-même ébloui de fa gloire, &c.] Ceci eft encore emprunté de Tacite : Un jour que Néron donnoit audience aux ambaffadeurs d'Arménie, Agrippine s'avança pour s'affeoir à ses côtés, & préfider avec lui à cette cérémonie; Séneque confeilla à Néron d'aller au devant de sa mere, & fauva l'honneur de la république par cette apparence de refpect. Annal liv. XIII. |