BRITANNICUS. ACTE PREMIER. SCENE PREMIER E. AGRIPPINE, ALBIN E. ALBIN E. voi! tandis que Néron s'abandonne au fommeil, Faut-il que vous veniez attendre fon réveil? Qu'errant dans le palais, fans fuite & fans escorte La mere de Céfar veille feule à fa porte? Madame, retournez dans votre appartement. 1) 1) Madame, retournez dans votre appartement.] Ce vers eft profaïque, mais il eft naturel. C'eft ici le lieu de faire remarquer combien tout ce début eft fimple pourtant noble. & A GRIPPIN E. Albinė, il ne faut pas s'éloigner un moment. ALBIN E. Quoi! vous à qui Néron doit le jour qu'il refpire, 2) Qui l'avez appellé de fi loin à l'empire; Vous, qui déshéritant le fils de Claudius, AGRIP PINĚ. Il me le doit, Albine. 1) Britannicus le gêne, Albine ; &, chaque jour, Je fens que je deviens importune à mon tour.] Ces deux vers annoncent le fujet de cette piece, la difgrace. de Britannicus & celle d'Agrippine. 2) Quoi! vous à qui Néron doit le jour qu'il respire.] Refpirer le jour, expreffion impropre. On dit, refpirer l'air & jouir du jour. Tout, Tout, s'il eft généreux, lui prefcrit cette loi: S'il eft ingrat, Madame ! Ah, toute fa conduite Marque dans fon devoir une ame trop instruite ! Depuis trois ans entiers, qu'a-t-il dit, qu'a-t-il fait, Qui ne promette à Rome un empereur parfait ? 1) Rome, depuis trois ans ; par fes foins gouvernée, Au temps de fes confuls croit être retournée ; 1) Depuis trois ans entiers, qu'a-t-il dit, qu'a-t-il fait, Qui ne promette à Rome un empereur parfait? Ce que dit Albine eft conforme au récit de Suetone: Néron, felon lui, accompagna les commencements de fon regne des plus grandes marques de modération, de générofité & de clémence; il fit des largeffes au peuple ; il affura des revenus aux fénateurs, que le malheur des temps avoit réduits à l'indigence; il fupprima les impôts, ou les réduifit au quart; il s'éleva contre tous les abus, & fit les réglements les plus propres à les prévenir. Liv. VI, 10. Cette conduite prévint fi fort le fénat en faveur du nouvel empereur, qu'il lui décerna les plus grands honneurs ; Néron les accepta tous, à l'exception du titre de PERE DE LA PATRIE, que fa grande jeuneffe lui fit d'abord refufer; ibid. liv. VI, 8. Tacite, annal. liv. XII; & qu'il prit enfuite avant la fin de la feconde année de fon regne, comme on le voit par quelques anciennes médailles. Goltzius, page V 44: Tome II. Il la gouverne en pere. Enfin, Néron naiffant A GRIP PINE. Non, non, mon intérêt ne me rend point injufte. 1). Enfin, Néron naissant A toutes les vertus d'Augufte vieilliant.] Idée empruntée du paffage fuivant de Séneque : Comparare nemo manfuetudini tuæ audebit divum Auguftum, etiamfi in certamen juvenilium annorum deduxerit fenectutem plufquam maturam. De Clementia, lib. I, cap. II. Néron n'avoit que dix-fept ans lorfqu'il fucceda à l'empereur Claude. Agrippine régna d'abord fous fon nom : elle le fit avec tant de fageffe que Trajan fouhaita de pouvoir compter parmi les années de fon regne les premieres années de celui de Néron. 2) Il commence, il est vrai, par où finit Auguste.] C'est par ces tours enchanteurs que Racine se fait relire toujours avec un nouveau plaifir; ce font eux qui font diftinguer les grands écrivains d'avec la foule des auteurs médiocres. 3) Il fe déguife en vain.] Agrippine a déjà dit plus haut: » L'impatient Néron ceffe de fe contraindre ». Néron commença de bonne heure à diffimuler fon ca Des fiers Domitius l'humeur trifte & fauvage. 1) ractere. Il s'étudia, felon. Tacite, à déguifer fon penchant pour le crime, fous les apparences de la vertu. Annal. liv. XII. Ses difcours ne refpiroient que la clémence. 1) Je lis fur fon vifage Des fiers Domitius l'humeur trifte & fauvage.] Le grand-pere & le pere de Néron fe diftinguerent par leur orgueil & leur cruauté, comme on le voit dans Suetone. Il y avoit à Rome deux familles de Domitius; l'une avoit le furnom de Calvinus, & l'autre celui d'Ænobarbus. Néron étoit de cette derniere famille; elle s'étoit illuftrée par fept confulats, deux triomphes, deux cenfures. Liv. VI. 2) Il mêle avec l'orgueil, qu'il a pris dans leur fang, La fierté des Nérons qu'il puifa dans mon flanc.] Agrippine étoit de la famille des Claudiens, qui avoient pris le furnom de Néron, nom qui fignifioit en fabin, fier & courageux. Aulu-Gelle, liv. XIII, chap. 21. Suetone, vie de Tibere, liv. I. 3) De Rome, pour un temps, Caïus fut les délices; Mais fa feinte bonté se tournant en fureur, Les délices de Rome en devinrent l'horreur.] Caïus Céfar Caligula, dont il s'agit ici, étoit fils de Germanicus, & frere d'Agrippine. Ce prince, qui porta le nom de Très-Defiré, & qui fe plut enfuite à fe baigner |