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un trait éclatant dans ma tragédie dont il ne m'ait donné l'idée. J'avois voulu mettre dans ce recueil un extrait des plus beaux endroits que j'ai tâché d'imiter. Mais j'ai trouvé que cet extrait tiendroit prefqu'autant de place que la tragédie. Ainfi le lecteur trouvera bon que je le renvoie à cet auteur, qui auffi bien eft entre les mains de tout le monde; & je me contenterai de rapporter ici quelques-uns de fes paffages fur chacun des perfonnages que j'introduis fur la fcene.

Pour commencer par Néron, il faut fe fouvenir qu'il eft ici dans les premieres années de fon regne, qui ont été heureuses, comme l'on fçait. Ainfi il ne m'a pas été permis de le représenter auffi méchant qu'il l'a été depuis. Je ne le représente pas non plus comme un homme vertueux, car il ne l'a jamais été. Il n'a pas encore tué fa mere, fa femme, ses gouverneurs, mais il a en lui les femences de tous ces crimes; il commence à vouloir fecouer le joug; il les hait les uns & les autres; il leur cache fa haine fous de fauffes careffes, factus naturâ velare odium fallacibus blanditiis. En un mot, c'est ici un monftre naissant, mais qui n'ose encore se déclarer, & qui cherche des couleurs à fes méchantes actions: hactenus Nero flagitiis & fceleribus velamenta quafivit. Il ne pouvoit fouffrir Octavie, princeffe d'une bonté & d'une vertu exemplaire : fato quodam,

an quia prævalent illicita. Metuebaturque ne in ftupra feminarum illuftrium prorumperet.

Je lui donne Narciffe pour confident. J'ai suivi en cela Tacite, qui dit que Néron porta impatiemment la mort de Narciffe, parce que cet affranchi avoit une conformité merveilleuse avec les vices du prince encore cachés: cujus abditis adhuc vitiis mirè congruebat. Ce paffage prouve deux chofes ; il prouve & que Néron étoit déjà vicieux, mais qu'il diffimuloit fes vices; & que Narciffe l'entretenoit dans fes mauvaises inclinations.

J'ai choifi Burrhus pour oppofer un honnête homme à cette pefte de cour; & je l'ai choisi plutôt que Séneque; en voici la raifon : ils étoient tous deux gouverneurs de la jeuneffe de Néron, l'un pour les armes, & l'autre & l'autre pour les lettres; & ils étoient fameux, Burrhus pour fon expérience dans les armes & pour la févérité de fes mœurs, militaribus curis & feveritate morum; Séneque pour fon éloquence & le tour agréable de fon efprit, Seneca præceptis eloquentiæ & comitate honefta. Burrhus, après sa mort, fut extrêmement regretté à caufe de fa vertu: civitati grande defiderium ejus manfit per memoriam virtutis.

Toute leur peine étoit de réfifter à l'orgueil & à la férocité d'Agrippine, quæ cunctis mala dominationis cupidinibus flagrans, habebat in partibus Pal

lantem. Je ne dis que ce mot d'Agrippine, car il y auroit trop de choses à en dire. C'est elle que je me fuis fur-tout efforcé de bien exprimer, & ma tragédie n'eft pas moins la difgrace d'Agrippine que la mort de Britannicus. Cette mort fut un coup de foudre pour elle; & il parut, dit Tacite, par fa frayeur & par fa confternation, qu'elle étoit auffi innocente de cette mort qu'Octavie. Agrippine perdoit en' lui fa derniere espérance, & ce crime lui en faifoit craindre un plus grand : fibi fupremum auxilium ereptum, & parricidii exemplum intelligebat.

L'âge de Britannicus étoit fi connu, qu'il ne m'a pas été permis de le repréfenter autrement que comme un jeune prince qui avoit beaucoup de cœur, beaucoup d'amour, & beaucoup de franchife, qualités ordinaires d'un jeune homme. Il avoit quinze ans, & on dit qu'il avoit beaucoup d'efprit, foit qu'on dise vrai, ou que fes malheurs aient fait croire cela de lui, fans qu'il ait pu en donner des marques: neque fegnem ei fuiffe indolem ferunt, five verum, feu periculis commendatus retinuit famam fine experimento.

Il ne faut pas s'étonner s'il n'a auprès de lui qu'un auffi méchant homme que Narciffe; car il y avoit long-temps qu'on avoit donné ordre qu'il n'y eût auprès de Britannicus que des gens qui n'euffent ni foi ni honneur. Nam ut proximus quif

que Britannico neque fas neque fidem penfi haberet, olim provifum erat.

Il me reste à parler de Junie. Il ne la faut pas confondre avec une vieille coquette qui s'appelloit Junia Silana. C'est ici une autre Junie que Tacite appelle Junia Calvina, de la famille d'Augufte, foeur de Silanus, à qui Claudius avoit promis Octavie. Cette Junie étoit jeune, belle, &, comme dit Sćneque, feftiviffima omnium puellarum. Son frere & elle s'aimoient tendrement; & leurs ennemis, dit Tacite, les accuferent tous deux d'incefte, quoiqu'ils ne fuffent coupables que d'un peu d'indifcrétion. Elle vécut jufqu'au regne de Vefpafien.

Je la fais entrer dans les vestales, quoique, felon Aulu-Gelle, on n'y reçût jamais personne au deffous de fix ans, ni au deffus de dix. Mais le peuple prend ici Junie fous fa protection; & j'ai cru qu'en confidération de fa naiffance, de fa vertu & de fon malheur, il pouvoit la difpenfer de l'âge prefcrit par les loix, comme il a difpenfé de l'âge pour le confulat tant de grands hommes qui avoient mérité ce privilége.

ACTEURS.

NÉRON, empereur, fils d'Agrippine.

BRITANNICUS, fils de Meffaline & de l'em

pereur Claudius.

AGRIPPINE, veuve de Domitius Ænobardus, pere de Néron, & en fecondes noces veuve de l'empereur Claudius.

JUNIE, amante de Britannicus.

BURRHUS, gouverneur de Néron.
NARCISSE, gouverneur de Britannicus.
ALBINE, confidente d'Agrippine.
GARDES.

La fcene eft à Rome, dans une chambre du palais de Néron.

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