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ISABELLE.

Non, & ne le verrai, que je crois, de ma vie.

DANDI N.

Venez, je vous en veux faire paffer l'envie.

ISABELLE.

Hé, Monfieur, peut-on voir fouffrir des malheureux ? DANDI N.

Bon, cela fait toujours paffer une heure ou deux,

CHICANE A U.

Monsieur, je viens ici pour vous dire............

LEANDRE.

Mon pere,

Je vous vais, en deux mots, dire toute l'affaire. C'est pour un mariage; & vous fçaurez d'abord Qu'il ne tient plus qu'à vous, & que tout eft d'accord. La fille le veut bien : fon amant le refpire; 1)

la question; ce spectacle cruel ne lui paroît qu'un paffe-temps innocent, qu'une récréation honnête.

Thomas Diafoirus, dans le Malade imaginaire, fait une propofition de même espece à Angélique, en l'invitant à affifter à une diffection. Acte II. fcene v1.

1) La fille le veut bien fon amant le refpire.]

M. l'abbé d'Olivet obferve avec raifon que le verbe refpirer, pris au figuré, ne s'emploie gueres qu'avec la négative. On

Ce que la fille veut, le pere le defire.

C'est à vous de juger.

DANDIN, fe raffeyant.

Mariez au plutôt;

Dès demain, fi l'on veut; aujourd'hui, s'il le faut.

LÉAND RE.

Mademoiselle, allons, voilà votre beau-pere,

Saluez-le.

CHICANE A U.

Comment ?

DANDI N.

Quel est donc ce mystere ?

LEANDR E.

Ce que vous avez dit, fe fait de point en point.

DANDI N.

Puifque je l'ai jugé, je n'en reviendrai point.

CHICANE A U.

Mais on ne donne pas une fille fans elle.

LÉ AND R E.

Sans doute; & j'en croirai la charmante Isabelle.

dit très-bien, vous ne zefpirez que la guerre, les plaifirs; mais on ne dit pas auffi bien, vous refpirez la guerre, les plaifirs.

CHI C AN E A U.

Es-tu muette? Allons; c'eft à toi de parler,

Parle.

ISABELLE.

Je n'ofe pas, mon pere, en appeller.

CHICANE A U.

Mais j'en appelle, moi.

LÉ ANDRE, lui montrant un papier.

Voyez cette écriture.

Vous n'appellerez pas de votre fignature?

Plaît-il ?

CHICA NE A U.

DANDI N.

C'est un contrat en fort bonne façon.

CHICA NE A U.

Je vois qu'on m'a furpris, mais j'en aurai raison;
De plus de vingt procès ceci fera la fource.
On a la fille, foit; on n'aura pas la bourse.

LEANDRE.

Hé, Monfieur, qui vous dit qu'on vous demande

rien?

Laiffez-nous votre fille, & gardez votre bien.

CHICA NE A U.

Ah!

Mon pere,

LEANDRE.

êtes-vous content de l'audience?

DANDI N.

Oui dà. Que les procès viennent en abondance,
Et je paffe avec vous le refte de mes jours.
Mais que les avocats foient déformais plus courts.
Et notre criminel?

LEANDRE.

Ne parlons que de joie ;

Grace, grace, mon pere.

DANDI N.

Hé bien, qu'on le renvoie;

C'est en votre faveur, ma bru, ce que j'en fais. Allons nous délaffer à voir d'autres procès. 1)

1) Allons nous délaffer à voir d'autres procès. ]

Le juge ne pouvoit finir par un trait qui achevât mieux la peinture de fon caractere,

Le dernier vers de l'Irréfolu eft auffi caractéristique :
J'aurois mieux fait, je crois, d'épouser Célimene.

FIN.

ΕΧΑΜΕΝ

DES

PLAIDEUR S.

A LA fuite d'Andromaque, où Racine a fait mou

voir tous les refforts du plus grand tragique, on eft furpris de voir la piece des Plaideurs, où l'auteur devient un modele dans la comédie, & s'éleve au deffus d'Aristophane, qu'il s'eft propofé d'imiter. Le poëte grec, dans fa comédie des Guêpes, ne tombe que fur le ridicule du juge qui veut toujours juger. Racine, pour faire fortir davantage ce caractere, y a ajouté la manie d'un homme qui croit qu'on ne peut vivre fans plaider, & la fottife des avocats de fon temps, qui, dans les plus petites. causes, faifoient confifter l'éloquence en de grandes phrases, & en une érudition déplacée. Aristophane eft rempli d'allufions qu'on ne peut fentir aujourd'hui. Racine a pris, comme lui, fes caracteres fur des originaux de fon temps qu'on ne connoît plus: mais fans fe permettre la licence de l'auteur grec, a eu l'art de les mettre dans un jour fi vrai, que fes personnages ne cefferont de paroître ridicules dans tous les temps & dans tous les pays où l'on plaidera & où l'on jugera. Il a emprunté auffi plufieurs bons mots d'Ariftophane, mais il les a adaptés à nos

il

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