DANDI N. Hé bien, hé bien? Quoi? Qu'eft-ce? Ah, ah, quel homme ! Certes, je n'ai jamais dormi d'un fi bon fomme. Ce trait eft auffi naturel que plaisant. Si l'on vouloit quelques exemples qui juftifiaffent la faillie de Racine, on pourroit citer ceux-ci : Un juge avoit dormi pendant toute une audience, on lui demanda fon avis, il répondit, en fe frottant les yeux, je fuis de l'avis de Monfieur ***, & ce Monfieur n'y étoit pas. Un autre s'étoit affoupi pendant qu'on exposoit la cause d'un homme qui avoit commis un délit dans un pré: A quoi condamnez-vous, lui dit-on, le coupable? A être pendu, s'écriat-il en s'éveillant. Comment, lui dit-on, il s'agit d'un pré? Qu'on le fauche. Dans la comédie des Guêpes, le juge veut pareillement envoyer le chien Labès aux corbeaux. C'étoient des poulies auxquelles on fufpendoit les efclaves coupables, les mains attachées derriere le dos, pour leur donner les étrivieres. Aux galeres? LEANDRE. Un chien DANDI N. Ma foi, je n'y connois plus rien. De monde, de chaos, j'ai la tête troublée. L'INTIME, lui préfentant des petits chiens. Venez, pauvres enfants 1)! qu'on veut rendre orphelins, Venez faire parler vos efprits enfantins. Oui, Meffieurs, vous voyez ici notre misere; Nous fommes orphelins, rendez-nous notre pere, Notre pere, par qui nous fumes engendrés, Notre pere, qui nous...... 1) Venez, famille défolée ! Venez, pauvres enfants!] Autre trait emprunté d'Ariftophane. C'étoit l'usage chez les Grecs de faire monter auprès des juges les enfants des perfonnes en faveur defquelles on plaidoit. L'objet de cette coutume étoit d'émouvoir les juges en faveur des coupables. Quand les juges fe fentoient attendris, ils leur difoient de defcendre. DANDI N. Tirez, tirez, tirez. 1) L'INTIM É. Notre pere, Meffieurs...... DANDI N. Ils ont piffé par-tout. Tirez donc. Quels vacarmes! L'INTIM É. Monfieur, voyez nos larmes. DANDI N. Ouf. Je me fens déjà pris de compaffion. 1) Tirez, tirez, tirez.] . Dans Aristophane on apporte auffi les petits chiens au juge, & il ordonne de même qu'on les retire, en disant à trois différentes reprises: defcendez, defcendez, defcendez 2) Voilà bien des enfants réduits à l'hôpital.] Racine continue la plaifanterie. Quoiqu'elle foit un peu farce, elle n'en produit pas moins un bon effet. SCENE SCENE DERNIÈRE. CHICANEAU, ISABELLE, DANDIN, LÉANDRE, L'INTIMÉ, PETIT-JEAN, CHICANE A U MONSIEUR...... DANDIN, à Petit-Jean & à l'Intimé. Oui, pour vous feuls l'audience fe donne. (à Chicaneau.) Adieu. Mais, s'il vous plaît, quelle eft cette enfant-là ? CHICA NE A U C'est ma fille, Monfieur. DANDI N. Hé, tôt, rappellez-la. ISABELLE. Vous êtes occupé. DANDIN, à Chicaneau. Moi, je n'ai point d'affaire. Que ne me difiez-vous que vous étiez fon pere? Monfieur. Tome II. CHICANE AU. S DANDI N. Elle fçait mieux votre affaire que vous. Dites. Qu'elle eft jolie, & qu'elle a les yeux doux ! Ce n'eft pas tout, ma fille, il faut de la fageffe. Je fuis tout réjoui de voir cette jeuneffe. Sçavez-vous que j'étois un compere autrefois ? On a parlé de nous. ISABELLE. Ah, Monsieur, je vous crois. DANDI N. Dis-nous, à qui veux-tu faire perdre la cause? A perfonne. ISABELLE. DANDI N. Pour toi je ferai toute chose. Parle donc. I.S A BELL E. Je vous ai trop d'obligation. DANDI N. N'avez-vous jamais vu donner la question? 1) 1) N'avez-vous jamais vu donner la question?] Il n'eft donné à perfonne d'envisager fa profeffion du mauvais côté. Dandin s'eft fait une douce habitude de voir donner |